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Migration et asile - Justice, liberté, sécurité et immigration
Le Parlement européen vote une clause de sauvegarde de réintroduction des visas en cas d’afflux soudain et substantiel d’immigrés clandestins ou de demandes d’asile infondées
13-09-2013


Source: Parlement européenLes eurodéputés ont adopté, le 12 septembre 2013, une série de nouvelles règles en vue d'adapter la réglementation européenne sur les visas, qui permettront désormais à l’UE de réintroduire l’obligation de visas aux ressortissants de pays tiers qui imposent cette contrainte aux citoyens de l’UE. Une règle de réciprocité à laquelle s’ajoute une autre modification de taille : l’introduction d’un mécanisme de suspension de l’exemption des visas accordée à un pays tiers, qui lui permettra d’imposer à nouveau l’obligation de visa de manière temporaire en cas de situation migratoire jugée urgente ou abusive.

Le texte adopté est issu d’une proposition de la Commission européenne de mai 2011, qui avait été remise à l’ordre du jour en octobre 2012. A cette époque, face à un afflux de demandeurs d’asile politique en provenance de la Serbie et de la Macédoine (ou ARYM), six Etats membres – l’Allemagne, la Belgique, la France le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède –  avaient envoyé une lettre à la commissaire Cecilia Malmström, en charge des affaires intérieures, dans laquelle ils dénonçaient des abus de personnes profitant de l’exemption pour, une fois arrivé dans un Etat membre de leur choix, lancer des procédures d’asile qu’elles sauraient pourtant vouées à l’échec.

Un nouveau mécanisme de suspension

Les nouvelles règles adoptées par le Parlement européen prévoient ainsi une suspension du régime des visas "en dernier recours, dans les situations d'urgence" impliquant un "accroissement substantiel et soudain, sur une période de six mois" du nombre de migrants clandestins, de demandes d'asile infondées ou de demandes de réadmission rejetées, affirme le texte. Selon le projet voté par les députés, le caractère d’urgence "signifie que le seuil de cinquante pour cent est dépassé", le texte précisant néanmoins que "ce niveau peut également être réduit si la Commission le juge approprié".

Selon le texte adopté, les États membres confrontés à une situation d'urgence seraient tenus d'informer la Commission européenne, qui examinerait s'il est éventuellement nécessaire de suspendre les règles d'exemption de visa envers les ressortissants d'un pays tiers déterminé.

L'évaluation de la Commission devrait prendre en compte divers facteurs, tels que le nombre d'États membres touchés, l'incidence globale de ces accroissements sur la situation migratoire dans l'UE ainsi que les conséquences d'une suspension pour les relations extérieures de l'UE. Si elle en venait alors à décider que des mesures sont nécessaires, elle suspendrait l'exemption de visa pendant une période de 6 mois. Cette action serait prise par le biais d'un "acte d'exécution" et le Parlement européen devrait en être informé.

Si le texte ne cite aucun pays tiers, les pays des Balkans et la Macédoine, dont l’afflux de ressortissants avait inquiété les autorités de plusieurs Etats membres suite à la libéralisation des visas avec ces pays, sont les premiers concernés. Selon le rapporteur du texte, l’espagnol Agustín Díaz de Mera (PPE), les nouvelles règles ne visent pourtant à stigmatiser personne.  

"Le mécanisme de suspension, qui permet à l'UE d'imposer à nouveau l'obligation de visa de manière temporaire en cas d'urgence, ne vise aucun pays tiers en particulier. Il fournirait un cadre général pour l'avenir et pourrait être déclenché pour tout pays dont les ressortissants remplissent les conditions de voyage sans visa au sein de l'UE. Ces amendements au règlement sur les visas ont pour but de préserver l'intégrité du processus de libéralisation des visas et de garantir qu'aucun déplacement sans visa dans l'UE n'entraîne des abus", a-t-il assuré.

La gauche du Parlement européen fustige le centre-droit

Le vote a largement opposé la droite et la gauche au PE. L’adoption du rapport (328 voix pour, 257 voix contre, et 46 abstentions), s’est fait avec les voix d’une écrasante majorité des députés PPE et ALDE, contre une majeure partie des voix du S&D et des Verts/ALE. Les eurodéputés luxembourgeois, excepté Robert Goebbels (S&D), absent, ont voté comme leur groupe, l’eurodéputé vert Claude Turmes ayant voté contre, tandis que les députés PPE Georges Bach, Frank Engel et Asrid Lulling et le libéral Charles Goerens ont voté en faveur du texte.

Le groupe S&D, qui a donc voté à une large majorité contre le texte, a sévèrement critiqué ses collègues de la droite européenne. "Une nouvelle fois, le PPE se joint aux forces conservatrices et populistes dans le Parlement européen contre la sécurité et la liberté de mouvement des citoyens européens – un droit fondamental!", fustige la députée européenne slovène, Tanja Fajon, dans un communiqué sur le site du S&D.

La députée juge encore "inacceptable que le PPE et l’ALDE aient abandonné les pouvoirs du Parlement européen sur les questions de politique des visas, créant ainsi un chaos légal qui pourrait bien finir devant la Cour de justice de l’UE" et accuse la majorité de centre-droit au PE de "surfer sur la vague populiste en laissant les gouvernements européens décider du futur de la politique des visas et de la politique de voisinage sans contrôle démocratique du PE ou des citoyens".

Le PPE, au contraire, a salué le vote, notamment par la voix du rapporteur du texte.

La commissaire en charge des affaires intérieures, Cecilia Malmström, a pour sa part déclaré que les nouvelles règles "contribueront à préserver l’intégrité du processus de libéralisation des visas et de construire une crédibilité vis-à-vis des citoyens",  rappelant qu’il s’agissait d’un mécanisme de dernier ressort visant à répondre "aux situations d’urgence provoquées par les abus dans le cadre du régime d’exemption de visas", peut-on lire sur le site de la Commission.

Elle a cependant dit "espérer" ne jamais avoir à utiliser ce mécanisme, mais que son existence même en tant que  "système de freinage d’urgence", permettra  "d’accroître la confiance des Etats membres dans la politique des visas et des futures libéralisations".

La règle de réciprocité

Le mécanisme de réciprocité, également adopté par le PE, prévoit pour sa part une possibilité pour l’UE de réagir lorsqu'un pays tiers, dont les citoyens bénéficient de l'exemption de visa dans l'UE, continue d'exiger que les citoyens de l'UE obtiennent un visa pour voyager dans ce pays. Cet instrument "devrait permettre à l'UE d'exercer davantage de pression sur les pays tiers afin qu'ils respectent le principe de réciprocité des visas", affirme un communiqué du Parlement européen. Sont visés notamment les Etats-Unis, qui maintiennent une obligation de visa pour les citoyens de Bulgarie, de Chypre, de Roumanie et de Pologne ou le Canada qui fait de même avec les ressortissants de République tchèque, de Bulgarie et de Roumanie.