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Justice, liberté, sécurité et immigration
Viviane Reding remercie le gouvernement luxembourgeois pour son soutien à son action en faveur d’un espace judiciaire européen et évoque les rapports difficiles de l’UE avec les USA sur la question de la protection des données
19-09-2013


Reding-ModertLe 19 septembre 2013, la commissaire européenne en charge de la Justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, Viviane Reding, a tenu à Luxembourg une conférence de presse conjointe avec la ministre de la Justice, Octavie Modert. Elle a abordé son action dans le domaine judiciaire, la création d’un Parquet européen et, lors de la séance de questions et de réponses avec  la presse, le domaine de la protection des données et les élections européennes.

Avec la rédaction de 17 règlements et 13 directives, la commissaire européenne et son équipe ont œuvré selon ses mots à la mise en place "d’un réel espace européen de la justice pour la première fois dans l’histoire de l’Europe". Cela a été possible grâce l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui a mis fin à l’unanimité dans la prise de décisions en matière de justice. Désormais, c’est la procédure normale de codécision entre le Parlement européen et le Conseil qui représente les Etats membres qui prévaut.

De précieux soutiens luxembourgeois

Viviane Reding a souligné le précieux soutien qu’elle a obtenu des ministres luxembourgeois de la Justice, François Biltgen puis Octavie Modert, dans le cadre de cette nouvelle procédure. "Nous avons besoin d’alliés pour arriver à ce que nos propositions passent. Et j’ai toujours pu compter sur le Luxembourg", a souligné la commissaire européenne, rappelant le pouvoir d’influence d’un ministre luxembourgeois sur les ministres des autres Etats membres. Même dans le monde professionnel, Viviane Reding a pu compter sur le concours de soutiens luxembourgeois. Elle cite en exemple l’appui apporté par le président, luxembourgeois de l’association européenne des notaires, qui a facilité l’adoption de nouvelles règles de succession dans les cas transnationaux. "Sinon, ça ne serait pas passé", a déclaré la commissaire européenne.

Droits de la défense et droits des victimes

Viviane Reding s’est ensuite attardée à démontrer les avancées en termes de droit pénal. Son action a permis de fixer des normes minimales communes pour les droits de la défense dans les affaires pénales, d’une part, et d’harmoniser les droits des victimes d’autre part. Une première étape fut l’adoption d’une directive relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, adoptée en 2010.

Il y eut également l’adoption, en avril 2012, de la directive relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales qui oblige à déclarer aux suspects leurs droits par écrit et dans leur propre langue au moment de leur arrestation. Baptisés ci et là "droits de Reding" en référence aux "droits de Miranda" américains, comme la commissaire européenne l’a souligné, ces droits n’existaient jusqu’alors que dans douze Etats membres.

Une dernière innovation dans l’harmonisation des droits des suspects, qui a été adoptée par le Parlement européen le 10 septembre 2013 par une immense majorité de 660 voix, est le droit d’accès à un avocat avant d’être interrogé par la police, lequel droit implique également la confidentialité des échanges entre le suspect et son avocat.

Concernant les victimes, Viviane Reding a rappelé qu’elles étaient jadis oubliées dans la procédure judiciaire mais qu’elles disposent désormais d’un socle de droits minimaux adoptés en octobre 2012. Furent ainsi introduits le droit à l’information dans leur langue, le droit à être écoutée ou encore le droit d’être intégrée à l’enquête, soit « au fonds des droits à ne pas être victimisée une seconde fois », a résumé Viviane Reding.

Dans ce contexte, la commissaire a également souligné l’importance de l’introduction des ordres de protection européens, qui permet de transporter dans un autre Etat membre le droit de la victime à être protégé de son agresseur.

"Un pas énorme" vers un espace judiciaire de l’UE : le Parquet européen

La vice-présidente de la Commission, Viviane Reding, s’est par ailleurs dite convaincue qu’il était temps de faire un pas supplémentaire en matière de justice européenne, vers la création d’un Parquet européen, ce « qui serait un pas énorme vers un système fédéral ».

Le 17 juillet 2013, la Commission européenne avait proposé l'instauration d'un tel Parquet européen, dont la possibilité était prévue par le traité de Lisbonne (art. 86 TFUE). L’objectif selon la Commission serait d'améliorer, à l’échelle de l’Union et donc au-delà des frontières nationales, les procédures permettant de poursuivre les auteurs de fraudes préjudiciables aux contribuables de l’UE.

La commissaire a notamment rappelé les missions qui seraient confiées au Parquet européen. Celui-ci sera chargé d'instruire des affaires et d'engager des poursuites, et, le cas échéant, de déférer, devant les juridictions d’un État membre de son choix, les cas d'infractions portant atteinte au budget de l’UE. Il  exercera également une mission de coordination : dans chaque affaire, il travaillera de concert avec des délégués des différents parquets nationaux concernés. 

"L’article 86 du TFUE qui dit que si on dispose d'un 'budget fédéral' alors il faut aussi une protection au niveau fédéral de ce budget car il y a de très nombreuses fraudes", justifie Viviane Reding celle-ci évoquant notamment les pratiques de "TVA carrousel". Or selon la commissaire, la justice restant en majeur partie une compétence des Etats membres, celle-ci ne dispose la plupart du temps pas des moyens de poursuivre des affaires au caractère transfrontalier.

La ministre luxembourgeoise de la Justice, Octavie Modert, a salué le travail de Viviane Reding, et particulièrement l’initiative de Parquet européen de la Commission. "C’est un projet très important pour lequel le Luxembourg s’est toujours prononcé favorablement", a-t-elle déclaré,  ajoutant qu’il "est nécessaire de se doter de nouveaux moyens et approches pour permettre de s’attaquer à différentes sortes de  phénomènes criminels et d’engager des poursuites indifféremment  dans toute l’Union. C’est une étape décisive vers la création d’un espace judiciaire européen".

Octavie Modert est également satisfaite de l’imbrication nationale du Parquet européen, rappelant néanmoins la particularité luxembourgeoise du juge d’instruction qui devra selon elle également être impliqué dans le processus. La ministre luxembourgeoise appuiera d’ailleurs la proposition de la Commission lors du prochain Conseil JAI en octobre 2013.

Octavie Modert n’a pas non plus manqué de rappeler que "le gouvernement fera tout pour faciliter l’implantation du Parquet européen à Luxembourg", car, comme les chefs d’État ou de gouvernement en avaient convenu lors de la réunion du Conseil européen de décembre 2003, "si un Parquet européen est institué, il aura son siège à Luxembourg conformément aux dispositions de la décision du 8 avril 196".

En ce qui concerne la suite de la procédure, Viviane Reding s’est dite confiante. Le règlement proposé doit être adopté à l’unanimité par les États membres au sein du Conseil. Cette unanimité "ne sera pas atteinte" selon la commissaire qui a notamment cité l’opposition du Royaume-Uni à un tel dispositif. Mais comme le prévoient les traités, le Conseil mettra "automatiquement" la proposition en procédure de coopération renforcée. Cette procédure permet à au moins neuf Etats membres d’avancer sur un dossier s’il est en accord avec les objectifs de l’UE. "Pour l’instant, j’ai compté 15 Etats membres qui sont favorables au Parquet européen", a conclu Viviane Reding.

Le litige entre l’UE et les USA à cause du programme d’espionnage PRISM

RedingCDP (source: Europaforum)Lors de la session des questions et réponses, Viviane Reding a été vivement sollicitée sur le scandale des collectes de données informatiques et téléphoniques européennes par le programme PRISM de la NSA (National Security Administration) des USA. Pour mémoire,  entre 2007 et 2011, les sites de Microsoft, Google, Yahoo!, Facebook, YouTube, Skype, AOL et Apple ont commencé à être intégrés dans un programme secret de l'Agence nationale de sécurité (NSA) pour que ses analystes puissent consulter directement et en temps réel les courriels envoyés sur Hotmail ou Gmail, ainsi que toutes conversations, photos, vidéos et chats internet sur ces sites.

Pour Viviane Reding, les activités de la NSA relèvent de celles de services secrets liés à un Etat, en l’occurrence les USA. La Commission européenne est compétente pour cette affaire dans la mesure où il existe des accords entre les USA et l’UE dans le domaine de la protection des données dont elle est la gardienne. Ces accords n’ont selon elle pas été respectés. A partir de là, un groupe d’experts a été constitué dont font partie des représentants du Ministère de la Justice des USA et de la Commission pour voir ce qui n’a pas marché et ce qui doit changer. Elle-même aura une rencontre avec l’Attorney general des USA, Eric Holden, pour aborder toutes ces questions, et elle fera ensuite son rapport au Parlement européen. Ce n’est qu’après ces étapes et en fonction de ce qui aura été trouvé et discuté qu’il faudra tirer les conséquences politiques de ce qui est arrivé et changer les règles en vigueur si elles se sont avérées insuffisantes.

Ce qui dérange la commissaire européenne en charge de la Justice, c’est que la NSA n’a pas seulement collecté des informations liées à des affaires de criminalité organisée ou dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, mais qu’elle a demandé à des grandes entreprises privées qui sont actives dans l’UE des informations à large échelle et de manière indifférenciée. D’où la nécessité de disposer d’une seule législation européenne sur la protection des données qui lie tous les acteurs actifs dans le domaine du traitement de données dans l’UE, y compris ces firmes privées. Et en cas de violation des clauses de cette législation européenne unique de protection des données, des amendes allant jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires mondial de ces firmes pourraient être exigées, à l’instar des demandes qui ont cours dans le domaine de la concurrence. D’une certaine manière, Viviane Reding aimerait dire "Merci, Monsieur Snowden !", car sans les révélations de ce dernier, le dossier de cette nouvelle législation unique n’aurait pas évolué aussi vite dans l’UE, car si le Luxembourg l’a toujours soutenue, il a fallu le choc de l’affaire PRISM pour que d’autres Etats membres – l’Allemagne par exemple – acceptent aussi la direction prise par la Commission.

Il sera certes difficile de négocier «entre partenaires égaux s’il y a "certains comportements", a expliqué la commissaire Viviane Reding, qui est d’avis que les USA "ont nui à la relation avec l’UE". Il faut donc selon elle clarifier la base de la relation. Elle est double. Il y a d’abord l’accord "Safe Harbour" signé en 2000 entre l’Espace économique européen (EEE) et les USA et qui relève du Conseil. Pour mémoire : cet accord avait été conçu pour permettre aux données commerciales de circuler entre les USA et l’UE avec un renforcement des règles de protection des données sur lesquelles 4000 firmes états-uniennes se sont engagées, les règles de l’UE étant plus exigeantes que celles des USA. Mais cet accord ne vaut plus quand les USA invoquent la lutte contre le terrorisme et la sécurité publique. Or, et c’est là que le bât blesse selon la commissaire, toute l’application de cet accord était basée sur la confiance que la clause anti-terroriste serait appliquée de manière proportionnelle. Mais ici, "le doute est permis" selon elle, et l’intention de scruter ensemble l’application de "Safe Harbour" a rendu les Américains "nerveux".

Les accords Swift et PNR (d’échanges de données avec les USA ont, quant à eux, selon Viviane Reding, "une longue et difficile histoire de ratification" avec un Parlement européen qui a refusé dans un premier temps leur ratification comme co-législateur. Viviane Reding veut attendre ce que le Parlement européen dira de ses accords dont certains ont demandé la suspension lors d’un débat qui aura lieu en plénière en octobre 2013. En attendant, la Commission ne fera pas de propositions à ce sujet.              

Elections européennes : Viviane Reding ne se prononce pas sur son éventuelle candidature pour être tête de liste du Parti populaire européen

Interrogée par deux journalistes sur les tractations en vue des élections européennes de mai 2014 et sur son éventuelle intention d’être tête de liste du Parti populaire européen, Viviane Reding n’a pas voulu trop s’avancer. Sur son éventuelle candidature, elle n’a ni infirmé, ni confirmé, mais a renvoyé au printemps prochain quand tout se décidera dans son parti.

Par contre, elle est revenue sur la nouvelle ère dans laquelle les prochaines élections feront rentrer les institutions européennes. Ce seront les premières depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, et ce dernier prévoit que le président de la Commission européenne soit issu des élections. Il faudra, pour nommer le président de la Commission européenne, prendre en considération quel est le plus grand parti.  "Mais nous savons que cela ne suffit pas, car une coalition doit être faite pour obtenir une majorité au Parlement européen, de telle sorte que les grands partis devront s’entendre après les élections", a fait remarquer Viviane Reding.

La commissaire européenne a également rappelé sa proposition, faite le 3 septembre 2013, que Herman Van Rompuy soit nommé à la fonction de médiateur pour sonder les grands partis après les élections européennes afin qu’ils désignent les candidats à la tête de la Commission dont les noms seraient soumis au Conseil européen. Le Conseil européen désignera le président qui doit dans un second temps être élu par le Parlement européen.