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Emploi et politique sociale
La Commission présente une communication sur la dimension sociale de l’Union économique et monétaire immédiatement jugée trop peu ambitieuse par la Confédération européenne des syndicats
02-10-2013


Andor-social-dimension-uem (source: Commission européenne)Alors que la question sociale se pose un peu partout dans l’Union européenne face notamment à des taux de chômage très élevés, une reprise économique fragile et des disparités persistantes entre Etats membres, comme le souligne le réexamen trimestriel sur l’emploi et la situation sociale dans l’UE publié le 2 octobre 2013, la Commission européenne a proposé le même jour une série de pistes pour un meilleur suivi des grandes évolutions en matière sociale ou d’emploi en vue d’approfondir l’intégration sociale de l’UE.

La "communication sur la dimension sociale de l’Union économique et monétaire (UEM)" adoptée par la Commission était attendue. Elle fait suite au plan publié en novembre 2012 pour une UEM véritable et approfondie ainsi qu’à la demande adressée par le Conseil européen de décembre 2012, qui invitait la Commission à proposer des mesures concernant la dimension sociale de l’UEM, y compris en matière de dialogue social.

Le Conseil européen de juin 2013 avait appelé une nouvelle fois à renforcer la dimension sociale et avait insisté sur l’importance d’un meilleur suivi de l’état du marché de l’emploi et de la situation sociale au sein de l’UEM, notamment par l’emploi d’indicateurs appropriés dans le cadre du semestre européen.

Dans sa communication, la Commission européenne a donc choisi d’insister sur trois axes d’action principaux: "une surveillance plus étroite des problèmes dans le domaine social et en matière d’emploi et une plus grande coordination des politiques dans le cadre du semestre européen; une solidarité accrue et une plus grande mobilité professionnelle; et enfin une intensification du dialogue social", peut-on lire dans le Memo de la Commission.

Celle-ci propose ainsi la création de nouveaux indicateurs dans le cadre du semestre européen - le cycle annuel d’élaboration de contrôle et de coordination des politiques économiques de l’UE – de même qu’une association plus importante des syndicats et des employeurs dans la définition et à la mise en œuvre de recommandations stratégiques issues de ce processus.

 "Il est également proposé de faire un meilleur usage des budgets de l’Union et des États membres pour soulager la détresse sociale, ou encore de lever les obstacles à la mobilité professionnelle", a ajouté le commissaire Laszlo Andor, en charge des affaires sociales.

De nouveaux indicateurs pour une surveillance accrue

Dans le cadre du processus du semestre européen, une des mesures phares proposées par la Commission est la création d’un tableau de bord permettant un suivi des grandes évolutions de l’emploi et de la situation sociale, mais surtout une identification plus précise et plus précoce des problèmes majeurs, voire leur anticipation.

La communication du 2 octobre retient ainsi cinq "indicateurs-clés" pour la création de ce tableau de bord :

  • le taux de chômage et son évolution;
  • le taux de jeunes ne travaillant pas et ne suivant ni études ni formation (NEET), ainsi que le taux de chômage des jeunes;
  • le revenu brut réel disponible des ménages;
  • le taux de risque de pauvreté de la population en âge de travailler;
  • les inégalités (ratio S80/S20).

Le mécanisme d’alerte utilisé pour détecter les déséquilibres économiques, devrait également être renforcé par des indicateurs en matière sociale et d’emploi comme le chômage de longue durée ou le risque de pauvreté et d’exclusion sociale. "Ces données devraient connaître une traduction politique, par exemple dans les analyses économiques approfondies effectuées à l’issue de l’exercice du mécanisme d’alerte, ou dans les recommandations par pays publiées chaque année au printemps par la Commission européenne", a précisé le commissaire Andor.

Ce nouveau tableau de bord n'aura cependant qu'une valeur indicative. Ses indicateurs ne seraient en effet pas contraignants pour les Etats selon la communication de la Commission, contrairement à d'autres utilisés dans le cadre du semestre européen, tels ceux qui mesurent le déficit ou l'endettement publics et qui permettent d'engager des procédures contre un Etat s’ils se révèlent trop mauvais. Le tableau de bord "n'aura pas d'effet déclencheur automatique" auprès des gouvernements, a admis le commissaire Andor mais "il les aidera à mieux identifier les possibilités de réformes". Une absence de caractère contraignant que la Commission justifie en assurant avoir été aussi loin que possible dans les limites des traités, donc sans empiéter sur les compétences des Etats membres en la matière.

La définition même des déséquilibres n’est d’ailleurs pas actée, mais "se fera lors d'un processus ultérieur", a reconnu Laszlo Andor.

Solidarité renforcée et soutien à la mobilité des travailleurs

La Commission entend par ailleurs améliorer le levier de la solidarité face notamment aux effets en matière sociale et d’emploi de certaines politiques d’ajustement. "Des efforts supplémentaires peuvent être déployés pour répartir efficacement les financements de l’Union, afin de soulager la détresse sociale dans les pays qui ont entrepris de profondes réformes économiques", a déclaré le commissaire Andor.

Pour la période 2014-2020, la Commission a ainsi proposé que les États membres consacrent au moins 20 % de l’enveloppe qui leur est allouée au titre du Fonds social européen (FSE) à la promotion de l’inclusion sociale et à la lutte contre la pauvreté. "Le nouveau programme de l’Union pour l’emploi et l’innovation sociale, le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation et le Fonds européen d’aide aux plus démunis sont également des instruments importants qui peuvent contribuer à cet objectif", a poursuivi le commissaire.

La Commission estime par ailleurs qu’il "reste en outre beaucoup à faire pour faciliter la circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union". Selon ses analyses, à l’heure où près d’un quart des jeunes de la zone euro en âge de travailler sont sans emploi (24 % en juillet 2013) et où le chômage des jeunes affiche des variations considérables d’un pays à l’autre (le taux le plus haut est observé en Grèce, avec 62,9 %, tandis que le plus bas concerne l’Allemagne, à 7,7 %), moins de 4 % de la population active dans la zone euro vit hors de son État membre d’origine. Et d’insister tout particulièrement sur l’amélioration du rapport entre formations et demande sur le marché du travail.

Le dialogue social au semestre européen

Enfin en termes de dialogue social, il serait par ailleurs "possible d’améliorer la consultation des partenaires sociaux lors des étapes clés du processus décisionnel dans le cadre du semestre européen", selon la Commission. Dans sa communication, celle-ci s’est ainsi engagée à:

  • rencontrer les partenaires sociaux de l’Union en amont de l’adoption de l’examen annuel de la croissance, chaque année à l’automne;
  • organiser un débat avec les partenaires sociaux de l’Union et leurs affiliés nationaux après l’examen annuel de la croissance;
  • tenir des réunions techniques préparatoires avant le sommet social tripartite de mars et d’autres rencontres de haut niveau;
  • encourager les États membres à examiner avec les partenaires sociaux nationaux toutes les réformes découlant des recommandations par pays.

Réactions en chaîne

La communication sur l’approfondissement de la dimension sociale de l’UE n’a pas tardé à susciter des réactions, en particulier quant à l’introduction de nouveaux indicateurs dans le cadre du semestre européen.

Tout en saluant sur le principe l’introduction d’indicateurs sociaux clés dans le semestre européen, chose que l’OGBL avait demandée pour le Luxembourg en février 2013, la Confédération européenne des syndicats (CES) a déploré l’absence de caractère contraignant de ces indicateurs pour changer les règles de gouvernance économique.

"La CES partage l’objectif d’une meilleure coordination dans le domaine des politiques sociales et de l’emploi au sein de l’UEM mais déplore que les indicateurs de référence tels que proposés ne déboucheront pas sur des mécanismes de sanctions contraignants semblables à ceux existant dans la procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques excessifs", peut-on lire dans un communiqué de la CES publié à l’issue de la présentation de la Commission.

La CES se montre également favorable, mais sceptique quant à l’amélioration du dialogue social. "Encore faut-il que cela prenne une forme concrète, particulièrement dans les nombreux pays européens où le dialogue social est en réalité ignoré par les autorités", écrit la Confédération syndicale.

Le son de cloche est identique au sein du groupe socialiste (S&D) du Parlement européen qui a reconnu un premier pas mais juge que "les indicateurs sociaux sont inutiles s'ils ne sont pas contraignants". Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a estimé que la proposition de la Commission était "bien intentionnée mais pas assez ambitieuse". "La Commission doit intensifier son travail sur la cohésion sociale", a-t-il poursuivi.

Les pistes de la Commission n’ont  pas non plus convaincu le ministre luxembourgeois du Travail et de l’Emploi, Nicolas Schmit, qui a exprimé sa "profonde déception" dans les colonnes du Tageblatt et du Jeudi.

Promoteur de l’intégration d’indicateurs sociaux dans le processus du semestre européen, le ministre socialiste a regretté la mise en place d’un outil purement "statistique", "sans objectifs ni engagements", ce qui ne permettra donc pas de donner à la dimension sociale un poids identique à la dimension économique.

Nicolas Schmit n’a pas mâché ses mots, voyant là le résultat du travail d’une "Commission dominée par les conservateurs", sous le "haut contrôle de Barroso et Rehn", avec pour conséquence "une dimension sociale au rabais" dans l’Union européenne.

Le ministre a par ailleurs contesté l’argument de la Commission qui a assuré avoir été aussi loin que possible sans empiéter sur les prérogatives des Etats membres. Nicolas Schmit a ainsi souligné l’existence d’une "clause sociale horizontale" dans les traités. L’article 9 du TFUE précise en effet que "dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l'Union prend en compte les exigences liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale ainsi qu'à un niveau élevé d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine".