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Environnement
Traitement des eaux urbaines résiduaires – La CJUE condamne le Luxembourg à des sanctions financières pour non-exécution de son arrêt de 2006
28-11-2013


CJUEPar un arrêt rendu le 28 novembre 2013, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE)  a condamné le Luxembourg à des sanctions financières pour non-exécution d’un arrêt de la Cour de 2006 pour transposition non conforme de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires de 1991. Le Luxembourg devra ainsi s’acquitter d’une somme forfaitaire de 2 millions d’euros, d’une astreinte de 2 800 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer au premier arrêt de 2006 jusqu’à la pleine exécution de ce deuxième arrêt.

La directive de 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires imposait notamment aux États membres d’identifier, pour le 31 décembre 1998, des zones dites "sensibles", selon les critères établis par la directive. Les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte doivent faire l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que pour les zones moins sensibles. Tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un "équivalent habitant" (EH, unité de mesure de la charge moyenne de pollution organique biodégradable) supérieur à 10 000 sont concernés. Néanmoins, ces conditions ne s’appliquent pas nécessairement aux zones sensibles s’il peut être prouvé que le pourcentage minimal de réduction de la charge globale entrant dans toutes les stations d’épuration des eaux résiduaires urbaines de cette zone atteint au moins 75 % pour la quantité totale de phosphore et au moins 75 % pour la quantité totale d’azote.

Le Luxembourg a fait le choix de définir l’ensemble de son territoire comme "zone sensible", de telle sorte que douze stations d’épuration dans le pays sont aujourd’hui soumises à cette directive.

Or, déjà en 2005, la Commission avait saisi la Cour de justice d’un premier recours en manquement à l’encontre du Luxembourg pour transposition non conforme de la directive de 2001. Par un premier arrêt rendu en 2006,  la CJUE avait constaté que le Luxembourg n’était pas en mesure de prouver que les performances de huit des onze agglomérations ayant un EH de plus de 10 000 étaient conformes à la directive. Ne pouvant pas non plus prouver que le pourcentage minimal de réduction de la charge globale entrant dans plusieurs stations d’épuration atteignait au moins 75 % pour la quantité d’azote, le Luxembourg avait pour la CJUE manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive.

En octobre 2011, la Commission européenne avait considéré que le Luxembourg n’avait toujours pas exécuté cet arrêt de 2006, étant donné que six stations d’épuration desservant des agglomérations de plus de 10 000 EH n’étaient toujours pas conformes aux prescriptions de la directive, à savoir Beggen (210 000 équivalents habitants, EH, aujourd’hui), Bonnevoie (60 000), Mersch (70 000), Hespérange (26 000), Übersyren (35 000) et Bleesbruck (80 000). Elle avait introduit un deuxième recours en manquement et proposé à la Cour de condamner le Luxembourg au paiement d’une somme forfaitaire de 3,197 millions d’euros d’une astreinte de 11 340 euros par jour de retard à compter du jour du prononcé de l’arrêt, jusqu’au jour de l'exécution du premier arrêt de 2006, et d’une somme forfaitaire journalière de 1 248 euros, à compter du jour du premier arrêt (soit le 23 novembre 2006) jusqu’au jour du présent arrêt ou jusqu’au jour où sera exécuté le premier arrêt, si sa mise en œuvre intervenait plus tôt.

La Cour de justice a finalement établi une sanction financière moins élevée que celle proposée par la Commission européenne. Le communiqué de presse diffusé par la CJUE rappelle que la condamnation au paiement d’une sanction repose essentiellement sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations de l’État membre concerné sur les intérêts privés et publics, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période postérieurement à l’arrêt qui l’a initialement constaté. Toutefois, pour des projets d’infrastructures de grande ampleur, comme le sont les stations d’épuration, la nature, la complexité, le coût et la durée de la réalisation de ces projets doivent être pris en compte tant dans l’appréciation de la nécessité d’infliger une somme forfaitaire que dans la fixation de son montant.

La CJUE constate ainsi, dans le communiqué de presse, que « le Luxembourg réalise des efforts et des investissements importants afin d’exécuter le premier arrêt de 2006 ».

Mais, malgré "cet effort d’investissement indéniable", la Cour constate aussi que, en classant l’intégralité de son territoire comme "zone sensible", le Luxembourg a reconnu la nécessité d’une protection environnementale accrue de son territoire, "que les masses d’eau de surface étaient déjà affectées ou susceptibles de l’être à brève échéance par un phénomène d’eutrophisation". En ces circonstances, l’absence de traitement des eaux urbaines résiduaires constitue "une atteinte particulièrement élevée à l’environnement".

En outre, souligne la Cour, le manquement constaté par le premier arrêt de 2006 a perduré près de sept ans, ce qui est excessif, "même s’il doit être reconnu que les tâches à exécuter nécessitaient une période significative de plusieurs années et que l’exécution de cet arrêt doit être considérée comme avancée pour quatre des six stations d’épuration" mises en cause par la Commission européenne pour ne pas être conforme à la directive, à savoir Bonnevoie, Hespérange, Mersch et Übersyren. Certes, si comme l’a avancé le Luxembourg lors des plaidoiries qui se sont tenues le 24 avril 2013, les rejets d’EH non conformes ont baissé au cours de l’année 2011, ce qui ramène le taux de non-conformité (en EH) de 64 % à 21 %, il convient néanmoins de prendre en compte les circonstances aggravantes constatées par la Commission, à savoir la durée de l’infraction (de près de sept années) et la désignation de l’entièreté du territoire en "zone sensible", ce qui "conduit à considérer que le Luxembourg ne pouvait ignorer la nécessité de procéder aux travaux permettant de mettre en conformité ses stations d’épuration avec le droit de l’Union, au moins dès 1999".

Une mise en conformité définitive est en vue

Le Ministère luxembourgeois de l’Intérieur et à la Grande Région a réagi rapidement à cette nouvelle d’une condamnation, par un communiqué de presse dans lequel il s’attarde sur les efforts réalisés par le Luxembourg depuis le recours porté devant la CJUE par la Commission européenne et il donne également des prévisions pour la mise en conformité du pays avec les termes de la directive.

Le Ministère de l’Intérieur constate également que la CJUE a fixé des sanctions à un niveau moindre que celui suggéré par la Commission européenne, à savoir une somme forfaitaire de 3,197 millions d’euros et une astreinte journalière de 11 340 euros par jour de retard.

Il explique qu’à l’époque de l’arrêt de 2006, 12 stations d’épuration n’étaient pas conformes aux normes concernant l’élimination de l’azote. Suite à cet arrêt, le Luxembourg a accéléré son programme de mise en place et de mise à niveau des stations d’épuration. Parallèlement, les moyens de cofinancement des projets communaux par l’État moyennant le Fonds pour la gestion de l’eau ont évolué à la hausse. Ils sont passés d’une moyenne de 23,5 millions d’euros par an entre 1999 et 2004, à 53,5 millions d’euros par an depuis 2004 et la création de l’Administration de la gestion de l’eau, pour atteindre, selon toute vraisemblance,  70 millions d’euros en 2013.

Le pourcentage de conformité des stations d’épuration qui respectent les normes prescrites par l’article 5 de la directive de 1991 en prenant en compte toutes les agglomérations traitant les eaux urbaines résiduaires de plus de 10 000 équivalents habitants s’élève désormais à 79 %, dit le Ministère en soulignant bien que cette non-conformité concerne "exclusivement" l’azote, les autres normes prescrites par la directive en question sont d’ores et déjà toutes respectées. Désormais, "seuls 21 % des stations d’épurations (calculé en équivalents habitants) ne sont pas conformes  aux obligations de la directive", avance-t-il.

"Dorénavant 10 des 12 stations d’épuration concernées par l’article 5 de la directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux urbaines résiduaires sont en conformité", souligne par ailleurs le communiqué de presse. Seules les stations de Bonnevoie et de Bleesbruck ne sont toujours pas aux normes. Or, le communiqué indique que la station d’épuration de Bonnevoie sera raccordée avec la station de Beggen par la construction d’un nouveau collecteur des eaux urbaines résiduaires entre Beggen et Bonnevoie et qu’en novembre 2012, les responsables de la Ville de Luxembourg et de l’État ont pris ensemble la décision de réagencer les lots du chantier afin d’accélérer les travaux et de se conformer plus rapidement à la directive. "Ceci aura comme résultat que les deux stations d’épuration seront connectées un an plus tôt qu’initialement prévu, à savoir fin juin 2015", souligne le ministère. La station de Bonnevoie sera alors mise hors service et toutes les eaux usées de la Ville de Luxembourg seront traitées à la station d’épuration de Beggen.

La station de Bleesbruck, dans le Nord du pays, sera pour sa part agrandie pour étendre sa capacité d’épuration de 80 000 équivalents habitants aujourd’hui à 130 000 à l’avenir, précise le gouvernement. L’avant-projet de loi devant garantir le financement de la station d’épuration de Bleesbruck a été accepté par le gouvernement en Conseil lors de sa séance du 24 mai 2013 et a été déposé à la Chambre des Députés le 10 juin 2013.