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Emploi et politique sociale - Politique régionale
La commission du développement régional du Parlement européen approuve l’accord obtenu avec le Conseil sur la politique de cohésion en encadrant la conditionnalité macro-économique qui faisait polémique
07-11-2013


source-commissionLa commission du développement régional (REGI) du Parlement européen a approuvé le 7 novembre 2013 les derniers éléments de la réforme de la politique de cohésion de l’Union européenne, ouvrant la voie à un vote en séance plénière à la fin du mois de novembre. Cet accord sur le compromis trouvé avec le Conseil devrait mettre fin à plus d’un an d’intenses négociations en trilogue – Parlement européen, Commission européenne et Conseil – sur ce sujet sensible pour lequel le Parlement européen est pour la première fois colégislateur à part entière.

Pour mémoire, la politique de cohésion est le principal instrument de la politique commune d'investissement de l'Union. Souvent appelée "politique régionale", elle fournit un soutien financier fondamental, essentiel à l'investissement dans les régions de l'Union, et contribue ainsi à créer des emplois et à stimuler la croissance économique. Elle représente une part importante — environ un tiers — du budget de l'Union européenne: 347 milliards d’euros en 2007-2013, soit près de 50 milliards d’euros par an.

La réforme de la politique de cohésion vise donc à renforcer son rôle en tant que principale politique d'investissement public, destinée à générer une croissance stable et inclusive. Pour la période 2014-2020, les États membres de l'Union ont néanmoins réduit ce budget à un peu plus de 325 milliards d’euros.

La conditionnalité macro-économique "inapplicable en pratique"

Après son approbation en juillet de l’accord avec le Conseil sur l'essentiel du paquet de la réforme de la politique de cohésion – présentée dès 2011 par la Commission européenne – , l'équipe de négociation du Parlement européen "a gagné une concession importante sur la question en suspens de la 'conditionnalité macro-économique' lors des négociations avec les Etats membres", se félicite un communiqué publié sur le site du Parlement européen.

Ce mécanisme voulu par les Etats membres et la Commission européenne était très fortement critiqué au sein du Parlement européen. Il visait à permettre la suspension des fonds dans le cas d'un déséquilibre macroéconomique ou de déficit budgétaire excessif. Selon ce compromis, le Parlement pourra exercer son droit de regard sur toutes les procédures de décisions concernant la suspension des fonds au travers d’un dialogue structuré avec la Commission. En outre, la suspension des fonds serait ajustée en fonction de la situation sociale et économique de l'État membre concerné, grâce à des conditions de sauvegarde socioéconomiques contraignantes.

Les négociateurs se sont également satisfaits d’avoir réussi à changer la dénomination dudit mécanisme en choisissant une formulation plus longue, moins condensée: Il s'agit désormais de "mesures liant l'efficacité des fonds structurels européens et d'investissement à une bonne gouvernance économique".

"Nous voguions en marin solitaire dans l'océan, nous étions la seule institution à combattre depuis des années contre les conditionnalités macro-économiques. Pas un seul Etat membre au sein du Conseil - ni la Commission - n'a jamais appuyé la position du Parlement européen, et nous avons obtenu ici un énorme succès. Désormais l'avis du Parlement européen devra être pris en compte, et toutes les garanties ont été introduites dans le mécanisme", a souligné l’ancienne commissaire européenne Danuta Hübner (PPE, Pologne), présidente de la commission REGI et qui a présidé toutes les réunions de négociation avec le Conseil depuis 2012.

"Après des négociations longues et difficiles, nous pouvons enfin aller de l’avant en laissant la nouvelle politique de cohésion enfin travailler! Même avec l'élément le plus difficile sur lequel s’accorder, la conditionnalité macro-économique, nous avons lutté pour un compromis qui rendra impossible que ce mécanisme soit jamais appliqué en pratique", a déclaré pour sa part Constanze Krehl (S&D, Allemagne), co-rapporteure pour le cadre stratégique portant dispositions communes.

Le commissaire européen chargé de la politique régionale, Johannes Hahn, a pour sa part déclaré devant la presse qu'il s'agissait effectivement d'un instrument de dernier recours "théorique" et qu’il ne devrait dès lors "jamais être mis en pratique".

Le préfinancement, le cofinancement et la réserve de performance ont été ajustés

Autre sujet sur lequel la commission REGI s’est félicitée d’une avancée, celui du préfinancement, qui consiste dans le paiement d'avances permettant aux autorités de gestion de démarrer les programmes. "Les députés ont réussi à augmenter les taux de préfinancement annuels afin de fournir aux régions les ressources suffisantes pour relancer l'investissement et, partant, contribuer aux efforts pour surmonter la crise économique", salue le communiqué du Parlement européen, sans préciser l’ampleur de cette augmentation.

En termes de cofinancement, qui a pour objet de garantir une appropriation des différents programmes par les acteurs sur le terrain, le Parlement européen a également souligné avoir fait bouger les lignes. Cela en relevant les taux de cofinancement pour les régions ultrapériphériques ainsi que  pour Chypre avec une augmentation de 50 % à 85 %.

Au sujet de la réserve de performance, qui a pour finalité d'assurer que les mesures financées au titre de la politique de cohésion aboutissent à des résultats concrets, en réservant une partie des fonds distribués aux bons élèves en fin de parcours, un compromis a également été validé. Alors que selon la position initiale du Conseil, la réserve de performance devrait correspondre à 7 % des Fonds pour l'entièreté de la période considérée alors que le Parlement européen  n’en voyait pas la nécessité, les négociateurs se seraient accordés sur le chiffre de 6 %. "Avec pour résultat une hausse du niveau global des paiements pour la période 2014-2020 de plus de 1 milliard d’euros", appuie le communiqué du Parlement européen.

Les principales évolutions de la politique de cohésion

Le compromis entre Parlement et Conseil devrait donc finaliser la réforme de la politique de cohésion, les derniers éléments approuvés s’insérant dans un paquet plus large, dont les différents compromis avaient déjà été validés par la commission REGI en juillet 2013. Pour mémoire le paquet cohésion prévoit:

L’introduction de règles communes à l'ensemble des fonds de l'Union qui financent la politique de cohésion afin d'accroître leur cohérence et de maximiser leur efficacité. Ces "Fonds structurels" sont le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds de cohésion;

La simplification des procédures pour rendre la mise en œuvre plus efficace;

La concentration thématique sur un nombre limité d'objectifs, liés aux objectifs de la stratégie de l'Union en matière de croissance "Europe 2020". Les fonds seront ainsi concentrés  sur les PME, les énergies renouvelables, l'innovation, l'emploi, la lutte contre le chômage et la réduction de la pauvreté;

La mise en œuvre de nouveaux accords de partenariat afin d'améliorer la coordination entre les États membres et la Commission européenne;

La réorganisation des régions selon leur PIB, via la création d’une nouvelle catégorie de régions en transition, dont le PIB est compris entre 75 % et 90 % de la moyenne de l'UE, afin d'éviter d’exclure les régions qui sont progressivement devenues plus compétitives, mais qui ont encore besoin d'un soutien. Cette nouvelle catégorie s’insère entre celle des régions moins développées (en dessous de 75% de la moyenne européenne) et celle des  plus développées (au-dessus de 90 % de la moyenne de l’UE);

Enfin l’introduction de conditions préalables ainsi que des objectifs clairs à atteindre pour les programmes doivent permettre de garantir une utilisation efficace des fonds.

Prochaines étapes

Le vote en commission REGI avait néanmoins une particularité, la présidente de la commission, Danuta Hübner ayant refusé le vote article par article. Les articles les plus contestés, concernant la conditionnalité macro-économique notamment (articles 19 et 21) n'ont ainsi pas pu faire l'objet d'un vote séparé mais c'est un tout qui a été soumis au vote des députés de la commission parlementaire, qui se sont prononcés par 27 voix en faveur, 4 contre et 10 abstentions. Ces dernières émanaient  notamment de la gauche unitaire et de la députée Verte allemande Elisabeth Schroedter et de son groupe.

Les eurodéputés devront désormais se prononcer en séance plénière sur le texte, et il n’est pas exclu que la nouvelle forme donnée à la conditionnalité macro-économique n’arrive pas à convaincre une majorité de députés. D’autant qu’en séance plénière, les députés auront cette fois la possibilité de voter article par article.  L’hypothèse d’une procédure en seconde lecture n’est donc pas écartée, comme l’espère la députée Verte Elisabeth Schroedter, selon des propos rapportés par l’Agence Europe. "Si en plénière nous rejetons les articles 19 et 21, il y aura une deuxième lecture pour régler cette question et uniquement cette question. Nous pourrions avoir gain de cause, le Conseil sera obligé de bouger car il comprendra que c'est un point vital pour le Parlement européen".

Toujours selon l’Agence Europe, le commissaire Hahn a néanmoins affirmé que "pour des raisons politiques, la plénière suivra l'avis de la commission. Je l'y invite vivement". Selon lui une seconde lecture reporterait les débats  au premier trimestre 2014, "ce qui évidemment entraînerait un retard dans la mise en œuvre de la réforme de la politique de cohésion". Or, "il est vital que ces programmes démarrent à temps".