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Economie, finances et monnaie - Politique étrangère et de défense
Premier jour du Conseil européen : la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), l’Union bancaire, l’accord sur le Mécanisme de résolution unique et les arrangements contractuels et de solidarité à l’ordre du jour
19-12-2013


Le Premier ministre Xavier Bettel au Conseil européen, le 19 décembre 2013 à Bruxelles, en conversation avec ses homologues italien, Enrico Letta, et grec., Antonis SamarasLes chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, réunis en Conseil européen à Bruxelles le 19 et 20 décembre 2013, ont abordé lors de la première journée les questions liées à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), à l’Union bancaire, notamment l’accord au sein du Conseil ECOFIN, sur le Mécanisme de résolution unique et la question des arrangements contractuels et de solidarité dans la cadre du volet économique de l’UEM renforcée. Pour le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, c’était sa première participation à un sommet européen.

La politique de sécurité et de défense commune (PSDC) : les Etats membres s’engagent à assumer plus de responsabilités

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, n’a pas manqué de souligner que c’est la première fois depuis 2008 qu’un sommet européen s‘occupe de questions de défense. Or, si les dirigeants de l’UE constatent que "la défense est une question importante", et que "l'environnement stratégique et géopolitique de l'Europe évolue rapidement", ils doivent aussi constater que "les budgets consacrés à la défense en Europe sont limités, ce qui a pour effet de restreindre la capacité à développer, déployer et maintenir des capacités militaires".

En effet, les Etats membres de l’UE ne consacrent en moyenne que 1,7 % de leur PIB à la défense, et les USA, qui paient 75 % des dépenses totales de l’OTAN, ont annoncé une forte réduction de leur budget de défense.  En même temps, les conflits dans le Sahel et la crie libyenne, que Herman Van Rompuy a nommées, montrent que l’instabilité grandit à la périphérie de l’UE, en particulier au Sud, ce qui exige selon l’ancien ministre de la Défense portugais, Antonio Vitorino, dans un tribune de Notre Europe-Institut Jacques Delors dont il est le président, "plus d’anticipation stratégique et une capacité de réaction plus rapide". S’ajoute comme défi "la fragmentation des marchés européens de la défense qui nuit à la pérennité et à la compétitivité de l'industrie européenne de la sécurité et de la défense".

Pour Herman Van Rompuy, la crédibilité de l’UE en matière de sécurité dépend de la manière dont elle va, avec ses Etats membres, "assumer davantage de responsabilités face à cette situation difficile".

La PSDC continuera donc "à se développer en pleine complémentarité avec l'OTAN dans le cadre agréé du partenariat stratégique entre l'UE et l'OTAN et dans le respect de leur autonomie de décision et de leurs procédures respectives."

Mais il faudra se donner les moyens nécessaires, maintenir un niveau suffisant d'investissements, ce qui veut dire que les Etats membres devront approfondir leur coopération en matière de défense,  améliorer leur capacité de mener des missions et des opérations et tirer parti des synergies afin d'améliorer le développement et la disponibilité des capacités civiles et militaires requises. Pour cela, il faudra s'appuyer sur "une base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) plus intégrée, plus durable, plus innovante et plus compétitive." Cet effort devrait aussi profiter à l'industrie européenne dans son ensemble en termes de croissance, d'emploi et d'innovation.

Pour les dirigeants européens, "les nombreuses missions et opérations civiles et militaires de gestion de crises menées dans le monde entier témoignent concrètement de l'attachement de l'Union à la paix et la sécurité internationales." L’UE déploie plus de sept mille personnes affectées à douze missions civiles et quatre opérations militaires. Ils estiment que l’UE et ses États membres "peuvent exercer au niveau international une capacité sans équivalent à combiner de manière cohérente des politiques et des instruments se rapportant à un large éventail de domaines qui vont de la diplomatie, de la sécurité et de la défense au financement, au commerce, au développement et à la justice."

Mais comme l'UE et ses États membres doivent être en mesure de planifier et de déployer les moyens civils et militaires appropriés rapidement et efficacement, .le Conseil européen est d’avis "qu'il faut améliorer les capacités de réaction rapide de l'UE, notamment en accroissant la flexibilité et la déployabilité des groupements tactiques de l'UE".

L’aspect financier des missions et opérations de l'UE doit être examiné, y compris dans le cadre de la révision du mécanisme de partage des coûts Athena, car il faut un meilleur système de financement, ce que la problématique du cofinancement des opérations de la France au Mali et en Centrafrique, qui ont reçues le soutien des Etats membres a amplement documentée. Il faudra également veiller à ce que les procédures et les règles applicables aux missions civiles offrent plus de souplesse à l'Union et lui permettent d'accélérer le déploiement de ces missions.

Le Conseil européen préconise plusieurs actions pour faire face aux nouveaux défis en matière de sécurité continuent :

  • la définition en 2014 d’un cadre d'action de l'UE en matière de cyberdéfense,
  • l'élaboration d'ici juin 2014 d’une stratégie de l'UE en matière de sécurité maritime,
  • la multiplication des synergies entre la PSDC et les acteurs du domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice (JAI) pour s'attaquer aux problèmes horizontaux tels que la migration illégale, la criminalité organisée et le terrorisme,
  • le développement continu du soutien de la PSDC aux États et régions tiers afin de les aider à mieux gérer leurs frontières,
  • le renforcement de la coopération pour relever les défis en matière de sécurité énergétique.

Pour le Conseil européen, "la coopération dans le domaine du développement des capacités militaires est cruciale si l'on veut maintenir les capacités essentielles, remédier aux lacunes et éviter les doublons." Les maîtres-mots sont ici la mutualisation de la demande, la consolidation des exigences, la réalisation d'économies d'échelle, l’utilisation plus efficace des ressources disponibles, l'interopérabilité, y compris avec l'OTAN. Cela devrait passer par des normes communes, des modalités d'utilisation, des maintenances ou des formations communes, un accès aux capacités en question, ce qui devrait par ricochet conduire à une efficacité militaire accrue. L'Agence européenne de défense devrait jouer ici un rôle de soutien.

Parmi les plans concrets, les dirigeants européens relèvent plusieurs éléments :

  • la mise au point de systèmes d'aéronefs télépilotés (RPAS) à l'horizon 2020-2025, ce qu’on appelle communément les drones de la nouvelle génération ;
  • le développement de la capacité de ravitaillement en vol ;
  • les télécommunications par satellite ;
  • le cyberespace, avec l’élaboration d'une feuille de route et de projets concrets axés sur la formation et les exercices, amélioration de la coopération civilo-militaire sur la base de la stratégie de cybersécurité de l'UE, ainsi que protection des moyens dans le cadre des missions et opérations de l'UE.

L’Union bancaire progresse sur ses trois piliers - surveillance, résolution et garantie des dépôts – mais le Parlement européen se rebiffe en séance

Le Conseil européen a ensuite fait le bilan des derniers développements dans le dossier de l’Union bancaire, qui est pour Herman Van Rompuiy basée sur trois piliers : la surveillance, la résolution et la garantie des dépôts. Le Mécanisme de surveillance unique (MSU) entrera en vigueur au plus tard en novembre 2014. Pour la garantie des dépôts, un accord a pu être trouvé en trilogue le 17 décembre 2013. Sur la résolution bancaire et le mécanisme de bail-in ou de renflouement interne des banques, un accord en trilogue a pu être trouvé le 12 décembre 2013. Sur le Mécanisme de résolution unique, un accord a pu être trouvé entre les Etats membres au Conseil ECOFIN le 18 décembre. Sur cette question aussi, et malgré les fortes critiques qui émanent du Parlement européen, Herman Van Rompuy espère un accord rapide qui permettre d’achever le travail législatif sur l’Union bancaire avant la fin de la législature actuelle.

Le discours du président du Parlement européen, Martin Schulz, devant le Conseil européen était pourtant de nature à faire déchanter le président du Conseil européen.

En tant que co-législateur, le Parlement veut "que le rôle d'instance de décision en matière de résolution des problèmes des banques revienne à la Commission", et non aux Etats membres, et il veut "que la méthode communautaire constitue la base juridique de l'union bancaire, notamment pour le fonds de résolution", ce qui est un rejet clair et net de l'idée d'un nouvel accord intergouvernemental. Par ailleurs, le Parlement veut pendant la phase transitoire, "durant laquelle un fonds de résolution alimenté par les prélèvements sur les banques ne serait pas encore mobilisable ou serait peut-être trop petit pour les très grandes banques ou plusieurs banques, (…) une solution faisant du mécanisme européen de stabilité l'assureur de dernier ressort, en appui au fonds de résolution." L’avantage de cette proposition serait "un apaisement supplémentaire des marchés et une stabilisation des banques, qui rendront la survenue de cas extrêmes encore moins probable."

Pour Martin Schulz, "les accords intervenus au Conseil cette semaine mènent vers une direction inquiétante". Avec l’attribution du pouvoir décisionnel aux Etats membres, le MRU n’est plus "une instance indépendante et rapide de décision », mais un système trop compliqué et pas assez rapide. "Il est en effet question d'un mécanisme de résolution 'unique' et non d'un mécanisme de résolution 'multiple'."

Il critique aussi qu’en "lieu et place d'un fonds de résolution unique, on se dirige pendant la phase transitoire vers un fonds alimenté par des fonds nationaux", et que du fait que les pays en seront responsables pour au moins dix ans, "c'est une fois de plus le contribuable qui devra mettre la main à la poche."

Les effets négatifs de la décision du Conseil ECOFIN seraient selon lui un "surcoût pour les États membres en raison des restructurations forcées et des éventuelles recapitalisations" qui va alourdir la dette, une "incitation des banques à réduire leur besoin de recapitalisation en réduisant les risques, ce qui se traduirait par l'annulation de crédits existants et l'octroi moindre de nouveaux crédits", la pénurie de crédits  qui est "un des obstacles majeurs à la reprise économique", la "perte de confiance des marchés, en raison de l'absence de solution de secours représentée par le mécanisme européen de stabilité, qui peut être activé en période de crise", "la crédibilité de la Banque centrale européenne se verrait abîmée", et sans mécanisme robuste de résolution, "la Banque centrale européenne pourrait hésiter à révéler les problèmes des banques et serait tentée de maintenir des banques en vie à l'aide d'injections de liquidités".

Tel quel, avec ses droits de veto nationaux, le MRU "sapera la transparence et la légitimité de l'action de l'Union européenne", pense Martin Schulz. L’appliquer tel que décidé par le Conseil ECOFIN "serait la plus grande erreur jamais commise dans la lutte contre la crise". Et de conclure : "C'est pourquoi le Parlement européen rejettera les décisions du Conseil Ecofin en l'état."

Volet économique de l’UEM renforcée - Les arrangements contractuels  

Les chefs d’Etat et de gouvernement ont également parlé de la mise en place de la dimension "union économique" de l’UEM renforcée prônée dans le rapport des quatre présidents de décembre 2012. Pour Herman Van Rompuy, "nous avons déjà beaucoup amélioré notre coordination économique, avec le semestre européen, le six-pack, le two-pack, le pacte budgétaire". D’où la discussion au Conseil européen sur un autre volet de cette coordination économique : les futurs partenariats pour la compétitivité, la croissance et l’emploi, appelés aussi arrangements contractuels" et "arrangements de solidarité".

Pour mémoire : Les arrangements contractuels font partie d’un paquet de mesures que la Commission européenne a proposé le 20 mars 2013 qui sont liées aux prochaines étapes du projet de réalisation "d’une union économique et monétaire (UEM) véritable et approfondie". Une communication relative à une coordination préalable des projets de grandes réformes des politiques économiques présentait des options pour l’organisation de concertations à l’échelon européen avant toute décision prise au plan national concernant de grandes réformes économiques. Il s’agissait de voir comment les retombées éventuelles de ces réformes sur d’autres pays de la zone euro, positives ou négatives, peuvent être bien prises en compte à un stade précoce dans le processus de décision. Une deuxième communication traitait de l’instrument de convergence et de compétitivité (ICC). Celle-ci envisage d’une part la conclusion d’arrangements contractuels par lesquels les États membres devraient selon la Commission s’engager à entreprendre certaines réformes et prévoit d’autre part un soutien financier pour les aider à les mettre en œuvre.

Cette approche n’est pas sans soulever des questions. Les trois pays du Benelux ont fait comprendre lors de leur rencontre à Senningen le 12 décembre 2013 qu’ils voulaient mieux veulent savoir comment cette proposition s’articulait avec les autres éléments et mécanismes du semestre européen, le six-pack, le two-pack, le TSCG, etc., et comment elle allait être concrètement appliquée, par exemple pour ce qui est des soutiens financiers prévus et de leur financement. Les trois ont suggéré que la discussion soit prolongée jusqu’en octobre 2014 afin que l’on sache mieux comment procéder. Ils ont eu à ce sujet gain de cause.  

Dans son discours, le président du Parlement européen, Martin Schulz, a, quant à lui, mis en avant trois points :

1. la légitimité démocratique : il préfère parler de "partenariats de convergence" plutôt que d'accords contractuels. Ces partenariats de convergence ne seront légitimes démocratiquement que lorsque le Parlement européen et les parlements nationaux, en tant que législateurs, seront pleinement associés et pourront assumer leur fonction de contrôle." Les partenariats de convergence doivent être intégrés dans le semestre européen, les orientations de convergence devraient se limiter à un petit nombre d'objectifs de réforme centrales et tenir compte de la dimension sociale de façon équilibrée. "Si les partenariats de convergence ne sont pas pleinement légitimés démocratiquement, voire en cas de sentiment, chez les citoyens, qu'il s'agit là de mesures dictées par 'Bruxelles', alors l'Union sera confrontée à une nouvelle grave perte de confiance. Le risque que les gouvernements de l'Union européenne fassent 'porter le chapeau' à celle-ci pour les décisions qu'ils ont eux-mêmes prises est -l'expérience le démontre- bien réel."

2. la solidarité : "Les députés européens sont convaincus qu'une meilleure coordination économique doit aller de pair avec un mécanisme de solidarité afin d'atténuer les difficultés sociales lors du processus de réforme." Ce mécanisme de solidarité devrait être financé sur base de nouvelles ressources ou de ressources propres de l’UE comme la taxe sur les transactions financières. "Des partenariats de convergence sans mécanisme de solidarité se heurteront à l'opposition du Parlement européen."

3. l'unité de l'Union : "La participation à une coordination économique renforcée doit au contraire rester ouverte, sur une base volontaire, à tous les États hors zone euro."