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Elections européennes - Traités et Affaires institutionnelles
Les députés unanimes à voter pour des procédures allégées pour les ressortissants communautaires candidats aux élections européennes et pour l’abrogation de la condition de durée de résidence pour pouvoir voter aux élections européennes
17-12-2013


Chambre des DéputésLa Chambre des députés a adopté le 17 décembre 2013 à l’unanimité le projet de loi 6571 qui prévoit des procédures allégées pour les ressortissants des pays membres de l’Union européenne qui souhaitent se présenter comme candidat(e)s aux élections européennes. Le projet de loi prévoit aussi l’introduction dans la loi électorale de l’interdiction du cumul de mandat de député national et de membre du Parlement européen.

Le projet de loi poursuit un triple objectif :

  • transposer dans la législation luxembourgeoise, et plus particulièrement, dans la loi électorale du 18 février 2003 les dispositions de la directive 2013/1/UE du Conseil du 20 décembre 2012 modifiant la directive 93/109/CE en ce qui concerne certaines modalités de l’exercice du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un Etat membre dont ils ne sont pas ressortissants, le délai de transposition expirant le 28 janvier 2014  ;
  • tenir compte de l’avancement de la date des élections européennes en 2014 et conférer au pouvoir réglementaire davantage de flexibilité pour fixer la date des élections législatives en étendant la période de référence au mois de mai ;
  • procéder à un toilettage de la loi électorale, notamment en y introduisant la règle de l’interdiction du cumul de mandat de député national et de membre du Parlement européen.

Le détail

L’article 20,2.b du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 39,1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnaissent à chaque citoyen de l’Union le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’Etat membre où il réside.

Les modalités d’exercice de ces droits ont été fixées par la directive 93/109/CE qui impose au citoyen de l’Union européenne désireux se porter candidat aux élections européennes dans son Etat de résidence de fournir une attestation des autorités administratives compétentes de l’Etat d’origine certifiant qu’il n’est pas déchu du droit d’éligibilité dans cet Etat ou qu’une telle déchéance n’est pas connue de ces autorités.

La directive 2013/1/UE que le projet de loi vise à transposer, propose de rendre cette procédure plus souple. Ainsi, l’attestation précitée est remplacée par une déclaration (sur l’honneur) signée par le candidat. Il incombera ensuite à l’Etat membre de résidence de vérifier auprès des autorités de l’Etat membre d’origine que le candidat n’est pas déchu du droit d’éligibilité. Elle invite également les Etats membres à désigner un point de contact unique.

Le projet de loi vise par ailleurs à élargir la faculté d’intervention du règlement grand-ducal à l’hypothèse où les élections pour le Parlement européen auraient lieu au cours du mois de mai.

Enfin, il est opéré un toilettage du texte de la loi électorale en y intégrant la règle de l’incompatibilité entre le mandat de député européen et le mandat de parlementaire national consacrée par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 et en adaptant la terminologie. L’ancrage formel dans le droit national luxembourgeois de la règle de l’incompatibilité précitée est censée lever à l’avenir toute incertitude quant à son application.

La disparition de la condition de la durée de résidence

Un autre changement significatif est, à l’initiative de la Chambre,  la suppression de toute durée de résidence au Grand-Duché de Luxembourg au profit des ressortissants des autres Etats membres de l’Union européenne. La législation en vigueur prévoyait un délai de résidence de 2 ans pour l'inscription des non-luxembourgeois citoyens de l'UE sur les listes électorales en tant qu'électeur et de 5 ans pour être éligible. Désormais, tous les citoyens européens résidant au Luxembourg pourront voter pour les prochaines élections au Parlement européen en mai 2014, à condition d’être inscrits sur les listes électorales.

Cela est en ligne avec l’esprit des traités européens. En effet, avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le droit de vote et d'éligibilité a acquis le statut de droit fondamental (article 39 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne). En vertu de l'article 22 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tout citoyen de l'Union européenne résidant dans un État membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de voter lors des élections au Parlement européen dans l'État membre où il réside, et ce dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État.

Cependant, la notion de résidence diffère encore beaucoup selon les États membres :

  • certains pays (Estonie, Finlande, France, Pologne, Roumanie et Slovénie) exigent que l'électeur possède son domicile ou sa résidence habituelle sur le territoire électoral;
  • d'autres (Chypre, Danemark, Grèce, Irlande, Luxembourg, Royaume-Uni, Slovaquie et Suède) exigent qu'il y séjourne de manière habituelle ;
  • d'autres encore (Belgique et République tchèque) exigent qu'il figure au registre de la population ;
  • au Royaume-Uni, seules certaines catégories de citoyens résidant à l'étranger ont le droit de vote (par exemple, les citoyens qui vivent à l'étranger depuis moins de quinze ans) ;
  • la Belgique, le Danemark, la Grèce, l'Italie et le Portugal n'accordent le droit de vote qu'à leurs ressortissants qui résident dans un autre État de l'Union ;
  • l'Autriche, l'Espagne, la Finlande, la France, les Pays-Bas et la Suède accordent le droit de vote à leurs ressortissants quel que soit leur pays de résidence ;
  • l'Allemagne accorde le droit de vote aux citoyens qui résident dans un autre pays depuis moins de vingt-cinq ans ;
  • en Bulgarie, en Irlande et en Slovaquie, le droit de vote est réservé aux citoyens de l'Union domiciliés sur leur territoire national.

Ainsi, en faisant disparaître la condition de résidence, le législateur luxembourgeois fait aussi disparaître ce que les députés appellent "la fastidieuse question de la condition de résidence" pour l'inscription sur les listes électorales et surtout l'exception qui était prévue par la loi, à savoir que  "… les électeurs communautaires qui, en raison de leur résidence en dehors de leur Etat membre d'origine ou de la durée de cette résidence, n'y ont pas le droit de vote, ne peuvent pas se voir opposer cette condition de durée de résidence".

Dès lors, avec les nouvelles dispositions, tous les étrangers arrivés au Luxembourg depuis le 28 février 2012 et arrivant au pays avant le 28 février 2014 pourront désormais aussi s'inscrire pour voter pour les élections européennes de 2014 (sauf si en raison de leur loi électorale nationale ils ne peuvent pas voter dans leur pays d'origine).

Le débat                                    

bodry-chd-131217Le rapporteur de la loi, le chef du groupe socialiste Alex Bodry, a expliqué que sur la question de la déclaration sur l’honneur, il n’y avait pas de marge pour discuter les dispositions de la directive.

L’attestation exigée avant des autorités administratives compétentes de l’Etat d’origine certifiant que le candidat n’est pas déchu du droit d’éligibilité dans cet Etat ou qu’une telle déchéance n’est pas connue de ces autorités a en tout cas conduit à des complications dans certains pays, dans la mesure où l’on ne savait pas qui devait donner cette attestation officielle.

La nouvelle procédure sera moins bureaucratique. Néanmoins, le Conseil d’Etat a été dans son avis très critique à l’égard de cette disposition, car elle induit une insécurité politique et juridique surtout si un constat ex post est établi que la personne n’avait pas le droit d’être candidat. Dans la nouvelle loi, un rôle important en matière de certification incombera dorénavant au bureau électoral central, qui par le  relais du Ministère des Affaires étrangères devra s’assurer de la véracité de l’information donnée par la déclaration sur l’honneur du candidat auprès de son Etat d’origine, lequel est censé répondre endéans cinq jours.

Mais, admet Alex Bodry, le risque est grand qu’il n’y ait pas de réponse ou pas de réponse dans les délais de la part de l’autorité censée être la bonne. Or, dans ce cas, la personne doit être admise malgré tout comme candidate. Le député a donc lancé un appel que tous les partis fassent très attention en amont et s’assurent du droit d’éligibilité de leurs candidats ressortissants d’un autre Etat de l’UE.  Des sanctions sont certes prévues, et le législateur a repris une suggestion du Conseil d’Etat dans ce sens. Mais le plus grand problème serait qu’il faudrait déduire toutes les voix recueillies par un candidat fautif, qui par ailleurs, s’il était élu, serait privé de son mandat.

Pour le porte-parole du CSV, Léon Gloden, la loi est « un pas supplémentaire vers l’UE ».

Pour Anne Brasseur (DP), la directive n’a pas pris en considération les problèmes pratiques qui pourraient découler de ses dispositions. La déclaration sur l’honneur est en principe une bonne chose, mais sa mise en œuvre pose problème. Néanmoins, le DP votera la loi, car le Luxembourg doit transposer la directive dans les délais, et par ailleurs, les élections européennes sont à la porte. Reste que pour elle comme pour la plupart des orateurs, la loi électorale doit être revue dans son entièreté.

Claude Adam (Verts) a expliqué que malgré les problèmes du contrôle ex post, son groupe allait voter pour la loi, car « elle va en gros dans la bonne direction ».

Roy Reding (ADR) a donné l’accord de son groupe à la loi, tout en citant les passages de l’avis du Conseil d’Etat où l’on lit : "admettre qu’il y ait des personnes qui se portent candidats à l’élection au Parlement européen sans avoir les qualités ou les connaissances suffisantes pour identifier l’autorité qui est compétente dans leur Etat d’origine pour émettre le certificat attestant que la personne en question n’est pas déchue de son droit d’éligibilité ou qu’une telle déchéance n’est pas connue de ladite autorité, tout en supposant que ces personnes doivent pouvoir, en principe, siéger au Parlement européen, c’est propager une image indigne des candidats aux élections pour le Parlement européen; légiférer afin d’admettre à l’avenir au Parlement européen un nombre plus élevé de personnes qui n’ont pas une qualification suffisante pour comprendre des textes normatifs basiques, que ceux-ci émanent d’un Etat membre ou de l’Union européenne, est un argument auquel le Conseil d’Etat ne saurait adhérer". Pour le nouveau député ADR, il faudrait traiter les citoyens luxembourgeois de la même manière avec une simplification administrative des procédures de  certification auxquelles ils sont soumis et généraliser la déclaration sur l’honneur. lux

Pour le député de Déi Lénk Serge Urbany, le plus grand changement vient de l’amendement qui abroge la condition de  résidence minimale. Le principe de la citoyenneté européenne est appliqué selon le principe de la citoyenneté de résidence, et comme dans un Etat fédéral comme l’Allemagne, où le Bavarois qui s’établit à Berlin a tout de suite le droit de vote. "Nous sommes sur le chemin de l’Etat fédéral", s’est exclamé le député, visiblement satisfait que le pays qui avait négocié cette condition de résidence si la part des étrangers dépasse les 20 % lors du traité de Maastricht ait désormais abandonné cet argument. Serge Urbany a renvoyé à une résolution adoptée le 27 janvier 2011 par la Chambre lors du vote qui a abrogé la condition de nationalité à l’article 192 de la loi électorale et élargi le droit de vote passif aux ressortissants non communautaires, tout comme il a aboli l’interdiction de voir accéder des non-Luxembourgeois aux fonctions de bourgmestre et d’échevin, et aussi au programme de coalition pour revendiquer pour le Luxembourg la citoyenneté de résidence intégrale et l’accès au droit de vote pour tous les résidents aux élections nationales, comme c’est déjà le fait pour les communales. Malgré les réserves de son parti à l’égard de la déclaration sur l’honneur, il a apporté son soutien au projet de loi tout en misant sur une refonte de la loi électorale.

Le Premier ministre Xavier Bettel  a remercié la Chambre pour ce vote unanime.