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Conseil JAI – La réforme des règles de protection des données bute sur le guichet unique, la procédure européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires devient réalité
09-12-2013


Viviane Reding et Félix Braz © Jeannot Berg– Ministère de la JusticeLe 6 décembre 2013, la journée de la réunion du Conseil JAI consacrée à la Justice fut, aux yeux de la vice-présidente de la Commission européenne et commissaire européenne en charge de la justice, Viviane Reding, une "journée décevante pour la protection des données mais une excellente journée pour d’autres mesures de justice au service de la croissance".

Avis divergents sur le guichet unique

Après en avoir débattu une première fois lors du Conseil JAI d’octobre 2013, les ministres de la Justice ont discuté d’un aspect jugé majeur de la réforme des règles de protection des données, à savoir la création d’un guichet unique.

Selon le principe défendu par la Commission, une seule autorité nationale serait à l’avenir compétente pour régler, au nom de toutes les autres autorités, le contentieux à l’égard d’une entreprise exerçant son activité dans plusieurs États membres de l’UE. Ce serait l’autorité du pays où l'entreprise a son siège principal. La décision devrait néanmoins être validée par un avis rendu par le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD). Et, en cas de désaccord sur la décision prise, c’est à la Commission qu’il reviendrait alors de trancher.

Mais cette proposition ne fait pas l’unanimité. Lors du Conseil JAI d’octobre, les 28 avaient déjà exprimé des avis divergents sur le mode de fonctionnement de ce guichet unique. Parce qu’aucun Etat membre n’avait alors remis en cause l’idée du guichet unique, la commissaire Viviane Reding avait pensé qu’un accord était proche et que la nouvelle règlementation sur la protection des données était bien partie pour être adoptée avant les élections de 2014, comme elle l’espère. "Grâce au travail intense du Parlement européen, des politiciens nationaux et de M. Snowden, nous y étions presque (…),  mais nous avons fait marche arrière", a-t-elle déploré en conférence de presse, à l’issue du Conseil.

Les divergences ont porté sur le principe du "guichet unique", qui doit organiser les plaintes et les prises de décisions entre les différentes autorités nationales de protection des données. L’étendue des pouvoirs accordés à l’autorité nationale jugée compétente reste au centre du conflit, la Commission se défendant d’avoir voulu lui donner une compétence exclusive.

"A la suite d’un long débat, la Présidence a conclu qu’il y avait différentes opinions au sujet de  l’autorité de surveillance de l’établissement principal devrait avoir des moyens exclusifs limités pour adopter des mesures correctrices", lit-on dans le communiqué de presse du Conseil. De même, il est prévu que les travaux de préparation s’intéressent sur la possibilité de fournir au Contrôleur européen de la protection des données le pouvoir, dans certains cas,  d’adopter des décisions contraignantes en ce qui concerne les mesures correctrices.

"Les discussions au Conseil JAI butent encore sur les articulations d’un tel guichet unique, alors qu’il est reconnu que dans un contexte numérique, où les frontières s’estompent progressivement, un guichet unique peut apporter une réponse pour approfondir le marché intérieur et surtout pour renforcer la protection des données personnelles, qui est un droit fondamental", constate pour sa part le communiqué du ministère luxembourgeois de la justice. Représenté par son nouveau ministre de la Justice, Félix Braz, le Luxembourg a donc défendu le principe d’un guichet unique par lequel une seule autorité serait compétente pour une entreprise active dans plusieurs États membres. "Un tel mécanisme permet une application cohérente des règles et une sécurité juridique à travers l’Union européenne qui profiteront aux citoyens européens, ainsi protégés à un même niveau élevé à travers l’Union", souligne un communiqué de presse diffusé par le ministère de la Justice à l’issue de la réunion. 

"La réforme de la protection des données a été une priorité pour la présidence lituanienne en matière de justice ; et nous avons fait tout notre possible pour atteindre des progrès", a dit le ministre lituanien de la justice, Juozas Bertanotis, avant de préciser que "nous préférons un accord fort à un accord précipité et devons travailler pour assurer un équilibre entre intérêts commerciaux et droits fondamentaux des citoyens".

"Je ne peux soutenir un guichet unique qui deviendrait une coquille vide", a déclaré, dans le même sens, Viviane Reding qui se réconforte avec le programme de la présidence grecque de l’UE (au 1er semestre 2014) qui a déjà prévu 10 jours de réunions de travail à ce sujet. 

La justice au service de la croissance 

Le Conseil s’est par contre entendu sur deux projets de la Commission européenne qui ont trait au renforcement du marché unique.

Ils se sont mis d’accord sur une approche générale concernant la procédure européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires. Cette proposition, présentée par la Commission européenne le 25 juillet 2011, doit rendre plus simple et moins cher le recouvrement de créances dans les litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale.

Viviane Reding a souligné, en conférence de presse, que le taux de recouvrement de dettes transfrontalières s’élevait à seulement 37 %. "Comment peut-on attendre de nos entreprises et citoyens qu’ils veuillent faire du commerce sur notre marché unique si plus de 60 % des dettes transfrontalières ne sont pas recouvertes ?", s’est-elle exclamée. Les entreprises européennes y laisseraient 2,6 % de leur chiffre d’affaires annuel, découragé par le caractère laborieux de la poursuite judiciaire. Ce serait principalement les PME qui seraient ainsi touchées. Ainsi, la solution trouvée par le Conseil "dopera la confiance du commerce et des consommateurs pour faire plein usage du commerce transfrontalier dans le marché unique", a promis Viviane Reding.  

"En cette période de difficultés économiques, les entreprises ont besoin de solutions rapides pour recouvrer des créances en souffrance. Elles ont besoin d’une solution efficace à l’échelle européenne afin que les fonds puissent être bloqués là où ils se trouvent jusqu'à ce qu'une juridiction ait statué sur le remboursement de la créance", a déclaré Viviane Reding, vice-présidente de la Commission et commissaire chargée de la justice, dans un communiqué spécialement dédié à cet accord.

Si les éléments-clés de la proposition, tels que l'"effet de surprise" exercé par des ordonnances délivrées à l'insu du débiteur, et une définition large des litiges transfrontières ont été maintenus dans le texte du Conseil, le Conseil a par contre décidé que les créanciers ne pourront pas recourir à une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires pour maintenir des instruments financiers sur des comptes bancaires, ni en cas de différends en matière de testaments et successions, ni au sujet de questions intéressant les régimes matrimoniaux. En outre, en règle générale, le créancier sera tenu pour responsable de tout recours injustifié à l’ordonnance de saisie conservatoire des comptes bancaires. De même, en termes d’accès aux informations relatives à un compte bancaire, le créancier ne pourra désormais recourir au mécanisme instauré par les nouvelles règles que si une décision exécutoire a été rendue à l'encontre du débiteur.

Le ministre luxembourgeois de la Justice, Félix Braz, a notamment défendu cette dernière modification. "Le ministre de la Justice luxembourgeois a soutenu cette faculté à condition qu’elle soit limitée aux situations dans lesquelles le créancier est définitivement confirmé dans ses droits par un titre exécutoire", dit en effet le communiqué du ministère. De même, il a défendu "la nécessité de prévoir, comme par ailleurs pour l’ensemble des instruments de coopération judiciaire civile, des mécanismes de signification effectifs qui soient en ligne avec les droits fondamentaux". Ainsi, "il faudrait veiller à établir un juste équilibre entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur", et notamment que ce dernier jouissent de garanties procédurales. 

Les ministres de la justice ont également trouvé un accord sur une approche générale sur la proposition, présentée en juillet 2013, qui modifie en partie le règlement concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (règlement "Bruxelles I"). Or, cette modification a un impact direct sur la protection des brevets. C’est la "pièce manquante dans le puzzle pour faire fonctionner le brevet unitaire", a déclaré Viviane Reding, qui a déclaré qu’avec cette décision, nous "pavons la voie pour la nouvelle  Cour européenne des brevets", prévue par l’accord signé le 19 février 2013 entre 25 Etats membres.

Cet accord faisait dépendre la réalisation de cette Cour de l’adoption d’amendements au règlement 1215/2012 pour y insérer des dispositions qui déterminent de quelle manière la Cour européenne des brevets peut exercer sa juridiction internationale.  Il prend aussi en compte l’existence de la Cour de justice du Benelux.

Dans son communiqué de presse, la Commission européenne a souligné les bénéfices qu’en tirera le Marché unique. "Enlever les obstacles bureaucratiques, les coûts supplémentaires et l’insécurité légale d’avoir 28 systèmes différents et contradictoires rend le marché unique plus attractif. C’est un très bon exemple de la manière dont les politiques judiciaires peuvent stimuler la croissance", a déclaré Viviane Reding. Le commissaire européen en charge du marché intérieur, Michel Barnier, y a vu la démonstration que "le marché unique progresse et sert l’innovation et à la fin, la croissance et l’emploi". La commission JURI du Parlement européen devrait voter en février 2014, tandis que la plénière s’exprimerait le mois suivant.

Les ministres de la Justice ont par ailleurs  eu un débat d’orientation au sujet de la proposition de règlement sur les procédures d’insolvabilité transfrontalières, présentée par la Commission en décembre 2012. Ils se sont penchés en particulier sur la question de l’accessibilité du public aux registres d’insolvabilité nationaux.

Le Conseil a également adopté ses conclusions sur la lutte contre les crimes de haine dans l'Union européenne, suite à une conférence accueillie par l’Agence des droits fondamentaux en coopération avec la Présidence, à Vilnius les 12 et 13 Novembre 2013, son rapport de la Citoyenneté européenne et une évaluation de l’Agence de l’UE pour les droits fondamentaux.