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Commerce extérieur - Énergie - Politique étrangère et de défense
Un sommet UE-USA dominé par l'Ukraine et une révision de la politique européenne en matière d’approvisionnement énergétique sur la base d’importations de gaz de schiste américain que le TTIP viendrait faciliter
26-03-2014


sommet-ue-us (source: commission européenne)Le 26 mars 2014, un sommet UE-USA a eu lieu à Bruxelles qui a réuni le président des Etats-Unis d’Amérique Barack Obama, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. La crise ukrainienne et les sanctions contre la Russie suite à l’annexion par celle-ci de la Crimée, la diversification de l’approvisionnement de l’UE en énergie, alors qu’elle cherche à réduire sa dépendance des importations de gaz russe, et le TTIP étaient les grands sujets abordés par les trois dirigeants à l’issue de leur réunion.    

L’Ukraine et l’énergie

Pour le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, ce sont les "incertitudes non résolues" qui dominent dans le dossier ukrainien. Les relations transatlantiques sont cruciales pour faire face aux défis soulevés. La coopération entre l’UE et les USA "est unique", et ensemble, ils peuvent montrer la voie en politique. Pour le président du Conseil européen, les Ukrainiens ont le droit de "vouloir une vie meilleure" et leur indépendance nationale. L’obligation du moment est cependant d’arriver à une désescalade de la situation. La mission d’observation de l’OSCE qui est en train de se déployer depuis le début de la semaine en Ukraine est dans ce sens pour lui une chose positive, tout comme les contacts avec la partie russe et ukrainienne lors du Sommet sur le nucléaire qui s’est tenu le 24 mars à La Haye. Néanmoins, si la situation devait de nouveau se tendre, l’UE serait contrainte à "intensifier les sanctions" à l’égard de la Russie, comme cela a été décidé lors du Conseil européen le 21 mars. Pour Herman Van Rompuy, une issue de la crise devra passer par une solution négociée et conforme au droit international. En attendant, l’UE devra chercher à réduire sa dépendance du gaz russe, un sujet qui a été lui aussi à l’ordre du jour du dernier Conseil européen. Pour aller de l’avant, les ministres de l’Energie de l’UE et des USA vont se rencontrer prochainement. 

Pour le président américain Barack Obama, le monde est "plus sûr et plus juste quand l'Europe et les Etats-Unis sont solidaires". Il a déclaré que "les Etats-Unis et l'Europe sont unis" dans la crise ukrainienne et que "la Russie est seule". La Russie "a fait un mauvais calcul" lorsqu’elle a voulu enfoncer "un coin" entre les USA et l'UE. La crise ukrainienne démontre par ailleurs "la nécessité pour l'Europe de diversifier ses sources d'énergie" alors qu'elle est très dépendante des importations de gaz russe. Il a ajouté dans ce contexte que les licences d’exportation de gaz naturel liquéfié en provenance des USA – autrement dit du gaz de schiste - seraient encore plus faciles à obtenir si le TTIP était en vigueur.

Si les USA et l’UE se fixent sur l’Ukraine, "ce n’est pas à cause de ce pays en soi, mais à cause du type d’Europe et de  monde dans lequel nous voulons vivre" et qui est basé sur le respect du droit, de la souveraineté des Etats et de leur intégrité territoriale. L’objectif le plus immédiat est de stabiliser la situation politique et économique en Ukraine et d’assurer la sécurité de ce pays. Les sanctions prises contre la Russie par l’UE et les USA devraient montrer à ce pays que "son comportement en Ukraine a un prix". Les USA et l’UE ont selon Barack Obama fait preuve d’unité en organisant la prochaine réunion du G7 en juin 2014 à Bruxelles et non à Sotchi. Reste que "la désescalade par la diplomatie est la seule manière de résoudre la crise". Barack Obama s'est néanmoins déclaré "préoccupé" par la baisse des dépenses de défense de certains pays de l'OTAN, alors que "la situation en Ukraine nous rappelle que la liberté a un prix". "Nous devons avoir la volonté de payer pour la sécurité commune afin d'être en mesure d'avoir une force de dissuasion", a-t-il précisé, lançant un appel à investir dans le matériel, le personnel militaire et son entraînement, et ce malgré les politiques de consolidation budgétaire.

Répondant à la question d’un journaliste, Barack Obama a reconnu qu’il y a des pays de l’UE qui sont plus dépendants que d’autres du gaz russe. Il a été tenu compte de leur situation quand les décisions sur les sanctions ont été prises, a-t-il expliqué. Estimant que la crise ukrainienne démontrait "la nécessité pour l'Europe de diversifier ses sources d'énergie" alors qu'elle est très dépendante des importations de gaz russe, Barack Obama a précisé que les USA pouvaient offrir à l’UE des sources additionnelles d’énergie. Les USA ont d’ores et déjà accordé des licences d’exportation de leur gaz de schiste sur des quantités qui équivalent au volume de gaz consommé par l’UE toute entière. Mais ces licences ont été émises pour le marché libre. L’objet de la réunion des ministres de l’Energie américain et de l’UE sera d’accélérer cette diversification des sources d’énergie de l’UE, "mais cela ne se fera pas du jour au lendemain", a prévenu le président.

José Manuel Barroso a salué cette proposition, parlant d’une "bonne idée que de mettre du gaz de schiste sur le marché", et même d’une "bénédiction pour le monde". Il a ajouté que l’UE ne devait pas se borner à profiter des licences d’exportations américaines, mais à faire "des efforts propres" dans ce domaine, car c’est à cela que sert le marché unique. 

Le TTIP

L’accord sur un Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) a été une troisième thématique centrale du sommet UE – USA. Le TTIP serait "l’exemple le plus concret de l’approfondissement des relations entre les deux régions", a estimé José Manuel Barroso qui a souligné qu’il permettrait de développer la "relation économique la plus importante dans le monde".

Selon le président de la Commission européenne, il s’agira là d’un "accord entres pairs". "Nos économies sont comparables et nos sociétés partagent les mêmes valeurs. Je pense que pour nos deux économies une nouvelle impulsion liée à ce TTIP sera essentielle pour se redynamiser et renforcer le potentiel de croissance", a-t-il affirmé.

Pour Barack Obama, le TTIP sera également une chance de donner un coup de pouce à la croissance dans l’UE et aux USA. Si le président américain reconnaît que le public a des questions légitimes et des craintes sur la dilution des normes de protection des consommateurs, des normes environnementales ou sociales qui pourrait découler d’un tel accord, il a appelé à ne pas céder à l’excitation et à attendre de voir ce qui se trouvera dans l’accord "qui ultimement sera soumise à examen à la lumière du jour". "Il y aura alors tout le temps de le critiquer", a-t-il estimé.

Sur la question de savoir si le TTIP représentera un bénéfice sur le long terme pour un pays donné et si les progrès en matière sociale ou environnementale seront préservés plutôt que d’être affaiblis, Barack Obama s’est voulu rassurant, affirmant "s’être battu toute sa carrière politique" pour accroître le niveau de protection des consommateurs ou les normes environnementales. "Je n'ai pas l'intention de signer un accord qui [les] affaiblirait", a-t-il assuré.

Concernant le possible mécanisme de règlement des différends entre Etats et investisseurs – qui prévoirait la possibilité d'instaurer des tribunaux d'arbitrage pour régler les différends entres les entreprises et les Etats, et ainsi à des investisseurs privés de contester des législations mises en place par les pouvoirs publics – un point qui suscite beaucoup d'inquiétude auprès des ONG et de l'opinion publique européenne, Barack Obama "conseille à tout le monde d'attendre de voir ce qui sera effectivement négocié avant de s'engager dans des spéculations, quelles qu'elles soient".

Les craintes en la matière seraient selon le président des USA  "parfois infondées", et reflèteraient "parfois des modèles obsolètes d'accords commerciaux qui ont été mis à jour depuis", a-t-il poursuivi. "Ce que je peux dire de manière certaine, c’est que la relation commerciale entre l’UE et les USA a permis de créer des millions d’emplois et de renforcer la croissance des deux côtés, et la prospérité a progressé. Il y a un moyen pour faire cela bien et qui nous assurera que nous restions au croisement de l’innovation, de la croissance et du développement".

Barack Obama a également mis ces craintes sur le compte d’une crainte plus générale, à savoir si la globalisation bénéficie à l’ensemble de la population et pas seulement aux plus aisés de même qu’au petites entreprises plutôt qu’uniquement aux grandes multinationales. "Il est important pour nous en tant que leaders d’assurer que le commerce aide les gens des classes inférieures et moyennes, pas juste quelques élites".

En écho, José Manuel Barroso a rappelé que la Commission européenne avait "reçu un mandat clair" qu’elle compte bien respecter et qui "ne permet en aucune manière d'affaiblir les standards" de protection de l'environnement et des consommateurs. Il a noté que les standards américains étaient également très élevés et que dans les cas où une convergence règlementaire ne pourrait être menée à bien, il faudrait "accepter un mécanisme de reconnaissance mutuelle" des normes américaines et européennes. Reconnaissant que la convergence des normes était déjà importante, il a néanmoins insisté pour un approfondissement supplémentaire et surtout plaidé pour une réduction des barrières non tarifaires.