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Economie, finances et monnaie
Dans une communication relative à l’analyse des réformes du secteur financier engagées face à la crise, la Commission chiffre le coût de la crise et souligne les bénéfices attendus de la nouvelle réglementation qu’elle a initiée
14-05-2014


Commission européenneEn publiant, le 15 mai 2014, une communication intitulée "un secteur financier réformé pour l'Europe" qui analyse les réformes du cadre de régulation et de supervision du secteur financier engagées en réponse à la crise financière, la Commission européenne a fourni une première  analyse économique du programme de réglementation financière qui détaille l’ensemble des réformes engagées depuis 2008 ainsi que leurs objectifs. Mais surtout, elle tente d’y chiffrer, dans un volumineux document de travail, les conséquences de la crise sur les économies européennes et surtout les bénéfices attendus et les "principaux effets tels qu’ils peuvent d’ores et déjà être observés" de la nouvelle réglementation financière qu’elle a initiée.

"Cette analyse économique expose comment les réformes mises en œuvre vont donner naissance à un système financier plus sûr et plus responsable, en renforçant la stabilité financière, en approfondissant le marché unique des services financiers et en le rendant plus efficient, tout en améliorant son intégrité et la confiance dont il jouit", assure la Commission européenne dans le communiqué de presse qui accompagne sa communication.

Selon la Commission, "les faits montrent que le programme de réglementation financière devrait produire des avantages surpassant les coûts attendus, que l’on se fonde sur les réformes considérées isolément ou dans leur ensemble. Il existe d’importantes synergies positives entre de nombreuses règles, par exemple entre le paquet relatif aux exigences de fonds propres des banques et la réforme des marchés de produits dérivés". Et d’assurer que "le système financier est déjà en train de changer et de s’améliorer. Ce processus se poursuivra au fur et à mesure que les réformes prendront effet".

Des "coûts de la crise" et de la "nécessité des réformes"

Parmi les messages-clés de cette communication, la Commission insiste en particulier sur le fait que "la crise financière a montré qu'une réforme de fond du cadre réglementaire dans le secteur financier était nécessaire".

"Les décideurs politiques, les régulateurs et les superviseurs n'ont pas réussi à évaluer et régler adéquatement les risques s'accumulant dans le système financier mondial. Ils ont échoué dans la surveillance macro-prudentielle et en matière d’innovations financières. De nombreuses activités ont largement échappé à toute réglementation et de surveillance. En outre, alors que les opérations des plus grandes institutions financières se sont considérablement élargies à travers les frontières et que les marchés sont devenus de plus en plus intégrés à l'échelle internationale, les cadres réglementaires et de surveillance sont restées largement concentrés à l'échelle nationale", estime ainsi la Commission.

Les réformes engagées offrent désormais une plus grande stabilité financière qui devrait encore se renforcer au fur et à mesure que les réformes prendront effet et ce "sans sacrifier les autres objectifs de politiques publiques que sont l'efficacité, l'intégrité du marché (y compris la protection des consommateurs), et l'intégration financière", affirme encore la Commission.

Pour ce qui est du coût des réformes, la plupart sont "des coûts privés pour les intermédiaires financiers et sont compensés par des avantages économiques et sociaux plus larges". La réforme financière impose en effet avant tout des coûts sur les intermédiaires financiers (et leurs actionnaires et employés), car il introduit des coûts de mise en conformité et nécessite des ajustements dans la conduite des affaires, souligne la Commission.

Elle rappelle à ce sujet que les "coûts pour les intermédiaires financiers sont inévitables et, dans une certaine mesure, sont un signe de l'efficacité des réformes". Ainsi, une réduction de la subvention implicite (une garantie de renflouement public implicite des banques jugées d'importance systémique)  pour certaines grandes banques complexes et interconnectées va augmenter leurs coûts de financement, mais ce coût est compensé par les économies futures des contribuables et des avantages plus larges pour la stabilité financière.

De même, les réformes induisent une réévaluation des risques, ce qui crée encore frais, "mais ces coûts sont couverts par les avantages d'éviter la prise de risques excessifs en raison des risques sous-évalués sur le marché", assure encore la Commission. "Ainsi, les coûts des intermédiaires financiers ne représentent souvent pas de coûts d'un point de vue sociétal et sont compensés par des avantages plus larges de l'économie. Pour mesurer le bien-être économique, les coûts et les avantages sociétaux globaux sont pertinents, à savoir l'impact sur tous les acteurs de l'économie, y compris les utilisateurs des services financiers (par exemple, les déposants, les emprunteurs et les autres consommateurs de services financiers), les contribuables et l'économie en général".

Des coûts privés pour les intermédiaires financiers "compensés par des avantages économiques et sociaux plus larges", selon la Commission 

L’analyse économique détaillée des réformes présente par ailleurs des évaluations d’impact qui confirment des avantages supérieurs aux coûts qu’elle tente de quantifier.

Ainsi, selon les simulations par la Commission, les avantages macroéconomiques estimés des exigences plus élevées en matière de fonds propres des banques (selon le paquet CRD IV) combinées avec le principe de renflouement interne et le fonds de résolution (selon la BRRD) sont de l'ordre de 0,6 à 1,1 % du PIB annuel de l'UE (soit environ 75 à 140 milliards d'euros par an, sur la base du PIB 2013 de l'UE). En comparaison, les coûts macroéconomiques des mêmes réformes bancaires ont été estimées dans un modèle distinct et montrent un effet négatif à long terme d'environ 0,3 % du PIB de l'UE par an (soit environ 37,5 milliards d’euros annuels sur base du PIB 2013 de l’UE).

"Ces résultats sont cohérents avec les résultats d'autres études menées par les pouvoirs publics", souligne la Commission qui cite notamment "l'évaluation à long de la réglementation en termes de capital propre et de liquidité bancaires établi par la Banque des règlements internationaux (BRI) [qui] confirme des avantages nets significatifs".

L'étude réalisée en 2013 par le groupe d'évaluation macro-économique de la BRI sur les dérivés estime ainsi que les coûts macroéconomiques de la réforme réglementaire des dérivés de gré à gré (OTC) seraient compris entre 0,03 % et 0,07 % du PIB mondial annuel alors que les bénéfices bruts estimés de la réforme sont de 0,16 % du PIB mondial annuel, dépassant les coûts de plus du double.

"Bien que ces estimations montrent des bénéfices nets, ils sont soumis à des incertitudes de modélisation", reconnaît néanmoins la Commission qui relève qu’en outre, "toutes les dimensions de l'impact de la réforme ne peuvent être inclus dans les modèles quantitatifs disponibles. Les modèles sont généralement statiques et ne tiennent pas compte de la transition vers un système financier plus stable".

Dès lors, la Commission souligne que la transition vers un système financier plus stable est particulièrement difficile et doit être gérée avec soin. Elle justifie d’ailleurs que le processus de réforme a tenu compte des coûts potentiels de la réglementation et en particulier l'interaction des nouvelles règles avec les conditions difficiles actuelles sur les marchés financiers et dans l'économie au sens large:

Ainsi des périodes de mise en œuvre progressive plus longues ont-elles été accordées dans la phase de transition pour minimiser les coûts et les perturbations possibles au cours de la transition. Par ailleurs, lorsque des effets négatifs importants ont été anticipés, les règles ont été ajustées ou, dans certaines circonstances, des dérogations ont été accordées. Enfin, lorsque les règles ont pénétré dans les eaux inexplorées, des périodes d'observation ont été appliquées (par exemple en ce qui concerne le ratio de levier financier et de la réglementation de la liquidité des banques) et des clauses de révision ont été introduites dans toutes les législations majeures.

"Il existe des zones où les réformes pourraient contribuer à créer de nouveaux risques ou créer des conséquences inattendues si rien n'est fait", poursuit la Commission qui souligne dès lors que "la surveillance continue et l'examen de toutes les réformes sont nécessaires pour veiller à ce qu'elles produisent les avantages escomptés tout en évitant les effets indésirables".

Les "coûts majeurs" de la crise pour l’économie de l’UE et les ménages

Dans son analyse économique détaillée, la Commission revient par ailleurs sur les "coûts majeurs pour l’économie de l'UE" provoqués par "la crise financière et économique".

Ainsi, selon la Commission, entre 2008 et 2012, les gouvernements européens ont fourni une aide d’Etat d'un montant total estimé à 1 500 milliards pour éviter l'effondrement du système financier, ce qui représente plus de 12 % du PIB de l'UE en 2012 ou 1,5 fois le budget de l’UE sur sept ans. En outre, ajoute la Commission, les banques centrales ont dû fournir un soutien important en termes de liquidité. "Par exemple, dans le cadre de ses opérations de refinancement à long terme de trois ans en 2011 et 2012, la BCE a prêté environ 1 000 milliards d’euros aux banques de la zone euro", poursuit l’institution.

Par ailleurs, la production "a fortement diminué" et pour certains Etats membres le PIB reste en-deçà des niveaux d'avant la crise. La Commission souligne ainsi que, alors que les coûts finaux liés à des pertes de production sont encore inconnus, les pertes de production cumulées, mesurées à valeur courante, pourraient s’élever entre 50 % et 100 % du PIB annuel de l’UE d’avant la crise, soit de 6 000 à 12 500 milliards d’euros (sur la base du PIB de l’UE de 2008), soit entre 6 et 12,5 fois le budget de l’UE sur sept ans.

La crise a également "effacé la richesse financière, y compris la richesse accumulée par les ménages", lit-on dans le document de travail. Les actifs financiers nets totaux des ménages dans la zone euro ont ainsi baissé de près de 14 % entre la mi- 2007 et mi-2009, mais ils ont depuis récupéré affirme la Commission. Cette moyenne cache néanmoins "d'importantes disparités entre les États membres", relève-t-elle encore. Une façon diplomatique de dire que beaucoup de ménages ont été les perdants de la crise et quelques-uns les gagnants.

La confiance des ménages dans le secteur financier a d’ailleurs "été considérablement endommagée", souligne la Commission. Plus de 60 % des citoyens européens interrogés en 2013 ont déclaré qu'ils avaient perdu confiance dans le secteur financier (ainsi que dans les autorités compétentes) en conséquence de la crise. "La confiance peut se perdre rapidement mais est lente et difficile à restaurer", appuie la Commission.

Enfin en matière sociale également les coûts de la crise ne sont pas négligeables. La Commission relève ainsi que "la crise s'est accompagnée d’importantes pertes d'emplois dans l'UE et a augmenté la pauvreté et les inégalités". Le taux de chômage dans l'UE est passé d’un niveau de pré-crise "bas" de 7,2 % en 2007 à 10,8 % en 2013 en moyenne, avec des pointes à plus de 25 % en Grèce et en Espagne. Par rapport à la fin de 2007, 9,3 millions de personnes supplémentaires sont maintenant sans emploi dans l'UE.

Les jeunes sont encore moins épargnés. Ainsi leur taux de chômage a-t-il augmenté plus fortement, "et il y a un risque de tensions sociales et d'une génération perdue dans certains Etats membres", poursuit la Commission. Entre 2008 et 2012, le nombre de personnes exposées au risque de pauvreté et d'exclusion dans l'UE a également grimpé de quelque 7,4 millions de personnes supplémentaires, alors que l’objectif 2020 de l’UE était de diminuer le nombre de pauvres dans l’UE de 6 millions.