Principaux portails publics  |     | 

Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Emploi et politique sociale - Santé
Dans un rapport qui souligne les impacts négatifs de la crise et des politiques d’austérité sur les plus précaires, Médecins du Monde réaffirme la nécessité de garantir des systèmes de santé nationaux universels, solidaires et équitables dans l’UE
13-05-2014


medecins-du-monde-rapport-europe-source-mdmDans la perspective des élections européennes de mai 2014, l’ONG Médecins du Monde (MdM) a présenté son rapport sur l’accès aux soins des plus précaires dans une Europe en crise sociale, le 13 mai 2014. Un exercice qui se donne pour ambition de dépeindre l’une des rares images concrètes des conséquences de la crise et des politiques d’austérités mises en œuvre pour la combattre sur les populations les plus vulnérables à l’heure où certains Etats membres de l’UE avancent régulièrement la crainte d’un "tourisme aux prestations sociales" dont ils se disent victimes notamment de la part des migrants européens.

Le contexte

Réalisé sur base de l’analyse de près de 30 000 consultations menées en 2013 au sein des centres gratuits de l’ONG dans 25 villes de huit pays européens au cours desquelles 16 881 patients ont été accueillis, le rapport souligne que la crise économique et les mesures d’austérité prises par les gouvernements ont des effets néfastes sur la santé des populations. Il met surtout en évidence que les groupes déjà fragilisés avant la crise – ressortissants européens démunis, migrants sans papiers, demandeurs d’asile, usagers de drogues, travailleur(se)s du sexe et sans-abris – connaissent une réduction, voire une privation des éléments de sécurité et des réseaux qui leur assuraient une assistance de base, s’inquiète MdM.

Ce rapport de MdM présente ainsi pour l’année 2013 les observations de l’ONG sur les déterminants sociaux de la santé et sur l’état de santé des personnes ayant bénéficié "de l’appui de 25 de nos 160 programmes européens pour accéder aux soins", souligne le texte dont les analyses quantitatives sont étayées par des témoignages émanant des équipes de terrain. Et face aux résultats préoccupants qu’elle met en lumière, MdM a choisi, "cette année, de réaffirmer la nécessité d’un accès inconditionnel au suivi prénatal des femmes enceintes et aux vaccinations essentielles des enfants qui aujourd’hui ne sont pas toujours assurés. Il s’agit là d’un déni de droit, contraire aux droits fondamentaux, aux conventions internationales et au respect des fondamentaux de la santé publique", y lit-on.

Près de deux tiers des femmes enceintes reçues par MdM n’ont pas eu accès aux soins prénataux

En 2013, 285 femmes enceintes ont été vues en consultation dans les centres gratuits de MdM. Leur âge moyen est de 27,6 ans et parmi elles, 3,2 % sont mineures et la plus jeune est âgée de 14 ans. La quasi-totalité des femmes enceintes reçues (94,7 %) sont de nationalité étrangère, originaires principalement d’Afrique subsaharienne (41,3 %), de l’UE (20,1 %) et de pays européens hors UE (12,6 %).

L’analyse de leur situation administrative montre que 63,7 % n’ont pas d’autorisation de séjour. En corollaire, près d’une sur deux (45,1 %) limite ses déplacements de peur d’être arrêtée, ce qui "représente une barrière supplémentaire non négligeable dans l’accès au suivi de grossesse", ajoute l’ONG. Quelle que soit leur situation administrative, 83,5 % des femmes enceintes reçues à MdM ne disposent d’aucune couverture maladie, ce qui signifie qu’elles doivent payer leurs soins dans la plupart des pays.

Les résultats de 2013 indiquent que pour les 285 femmes enceintes reçues, près de deux tiers (65,9 %) n’avaient pas eu accès aux soins prénataux avant de consulter dans les centres de l’ONG et un peu moins de la moitié (42,8 %) avaient reçu ces soins trop tardivement, c’est-à-dire après leur douzième semaine de grossesse. Lors de leur première consultation médicale, les médecins ont jugé que plus de 70 % d’entre elles nécessitaient des soins urgents ou assez urgents. "La mise en danger des femmes et de leurs enfants à naître concerne donc les deux tiers des femmes enceintes reçues à Médecins du monde", relève l’organisation.

En outre, les équipes de MdM assistent désormais à des refus de délivrance de certificats de naissance aux bébés de femmes qui n’ont pas pu payer, en dépit du droit fondamental de tout être humain à avoir une reconnaissance de son existence, l’ONG dénonçant une "spirale infernale enclenchée par l’obsession du recouvrement des coûts". "Ainsi des enfants, parce qu’ils sont nés de parents trop pauvres pour payer l’accouchement, n’auraient aucune existence, en Europe ? Comment peut-on tolérer une telle dérive ? Nous demandons aux Institutions Européennes et aux gouvernements de garantir à chaque enfant une existence légale", interpelle MdM.

Au mieux un mineur sur deux reçu par MdM est vacciné contre le tétanos, l’hépatite B, la rougeole ou la coqueluche

En 2013, 1 703 mineurs ont consulté l’un des centres européens de MdM. Seul un mineur sur deux, au mieux, est vacciné contre le tétanos, l’hépatite B, la rougeole ou la coqueluche. Dans certains pays, ce taux est inférieur à 30 %, ce qui est bien en-deçà des taux de couverture vaccinale de la population générale, qui se situent autour de 90 %.

L’analyse relève par ailleurs que les mécanismes de couverture santé se dégradent laissant une part grandissante à la charge de chaque patient, fut-il sans ressources financières, dans un contexte où les besoins d’un nombre croissant de personnes en situation de précarité augmentent. "Cette injustice remet en cause le socle social de la solidarité en Europe et doit être combattue", affirme Médecins du Monde, qui relève que si "les ONG et les prestataires de soins font preuve de solidarité", il revient "in fine aux gouvernements d’assurer la protection des populations vulnérables, ce que certains semblent oublier sous la pression de calculs économiques à court terme et de politiques d’austérité. Les personnes vulnérables ont besoin d’encore plus de protection en ces temps de crise, et non de l’inverse".

Les effets de la crise et de l’austérité à travers l’Europe selon le rapport de MdM

Dans ce rapport documenté et étayé de nombreuses sources académiques ainsi que de témoignages d’équipes médicales et de patients de MdM, l’ONG rappelle que de plus en plus d’études scientifiques sur les effets précis de la crise économique et sociale sur la santé des populations sont menées. Si l’ONG relève qu’à l’heure actuelle, seuls les tout premiers effets ont pu être observés en raison des délais de publication des données relatives à la santé, elle ne manque pas de mettre en lumière divers exemples de cette situation.

Ainsi la proportion de personnes susceptibles d’être en mauvaise santé mentale a-t-elle augmenté de plus de 3 millions dans l’UE entre 2007 et 2011, la précarité du logement et du travail ayant "particulièrement contribué à cette augmentation". En outre, le nombre de suicides chez les personnes de moins de 65 ans a également crû dans l’UE depuis 2007.

La grande vulnérabilité aux problèmes de santé mentale chez les personnes les plus défavorisées "peut s’expliquer par des facteurs tels que l’insécurité et le désespoir, une faible éducation, le chômage, l’endettement, l’isolement social et de mauvaises conditions de logement", relève l'ONG. La proportion de personnes se déclarant en bonne ou très bonne santé a décliné substantiellement, en particulier chez les personnes à faible revenu. Parmi les patients reçus en 2013 dans les centres de santé de MdM, 27,6 % ont déclaré une santé mentale mauvaise ou très mauvaise.

S’"il a été démontré que des mécanismes forts de protection sociale atténuent certains des effets négatifs d’une récession sur la santé, dans de nombreux pays, la contribution des individus à la couverture maladie ou la part des frais restant à la charge des patients ont été accrues" face à la crise et au déficit des services de santé ou des régimes publics d’assurance-maladie, relève l’ONG qui cite notamment la Bulgarie, la Grèce, le Portugal, la Roumanie et la Slovénie.

Par ailleurs, de nombreux programmes de réduction des risques chez les usagers de drogues ou pour les travailleur(se)s du sexe ont subi des coupes budgétaires ces dernières années et les politiques stigmatisantes de certains pays ont clairement conduit à un effet inverse "d’augmentation des risques", avec pour conséquence une plus forte prévalence du virus de l’hépatite C (VHC) et du VIH, souligne l’ONG. Les récents foyers de VIH liés à l’injection de drogues en Grèce et en Roumanie ont ainsi mis un terme à une évolution positive de baisse du nombre de nouvelles infections par le VIH en lien avec l’usage de drogues.

De plus, le fait d’être sans domicile est de plus en plus traité comme un délit, avec des amendes pour mendicité à la clé et des "mesures discriminatoires sont parfois prises pour refuser aux personnes sans-abri l’accès aux services sociaux et à un toit", juge-t-elle. Enfin, les personnes âgées sont elles aussi de plus en plus touchées par la crise et l’austérité.

Des politiques basées sur la peur et l’intolérance au lieu de politiques basées sur des faits : les migrants démunis, "boucs émissaires faciles à trouver"

Par ailleurs, s’alarme l’organisation, alors que "la population générale est confrontée à une pauvreté grandissante, certains partis politiques profitent de cette situation pour accabler les migrants démunis, qui représentent des boucs émissaires faciles à trouver". "En temps de crise, surtout lorsque celle-ci frappe aussi fort qu’en Espagne et en Grèce, la plupart des gens commencent à craindre pour eux-mêmes, leur famille, leur avenir. Une telle période est propice à la manipulation politique par certains acteurs et groupes extrémistes profitant de ces peurs. La solidarité fait vite place à l’exclusion et au rejet. Désigner des boucs émissaires devient la norme, en raison des peurs, du reste légitimes, des peuples d’Europe confrontés à [des] forts taux de chômage, des baisses de salaires et peu d’espoir d’amélioration", souligne l’ONG.

En réalité, près de la moitié des patients reçus par MdM vivent en situation régulière en Europe "et la situation est encore plus dure pour les personnes sans autorisation de séjour, européens ou extra européens". En outre, si plus d’un quart des patients reçus par MdM déclarent un mauvais ou très mauvais état de santé général, la santé personnelle ne représente que 2,3 % des raisons ayant motivé la migration, dans la continuité de ce qui était observé les années précédentes – les raisons les plus fréquentes parmi celles exprimées sont de loin des raisons économiques (48,1 %), politiques (en tout, 23,7 % + 6 % "pour fuir la guerre") et familiales (soit pour un regroupement familial : 15,2 %, soit pour fuir des conflits familiaux : 6,7 %).

Près des deux tiers des patients (64,5 %) reçus dans les centres ne bénéficient en réalité d’aucune prise en charge de leurs soins au moment où ils s’adressent aux programmes de MdM. Les trois obstacles à l’accès aux soins les plus fréquemment cités sont les problèmes financiers (25 %), les problèmes administratifs (22,8 %) et un manque de connaissance ou de compréhension du système de santé (21,7 %).

"Ces chiffres démontrent une fois de plus combien les discours contre les migrants qui viendraient profiter des systèmes de santé européens sont infondés", estime l’ONG, qui souligne que si les systèmes de santé doivent être efficaces et financièrement viables, "afin d’être efficaces, ils doivent englober la population dans son ensemble, sans lacunes, et en particulier sans [exclure] les personnes confrontées à de multiples facteurs de vulnérabilité".

MdM relève ainsi notamment que lors des débats au sujet de la libre circulation des personnes dans l’UE, certaines personnalités politiques du Royaume-Uni invoquent le danger d’un "tourisme de prestations". En réalité, les ressortissants européens mobiles sont des contributeurs nets aux systèmes nationaux de protection sociale et les dépenses en lien avec leur prise en charge sont très faibles par rapport aux dépenses de santé totales des pays d’accueil, souligne l’ONG, comme l’avait mis en évidence une étude commanditée par la Commission européenne publiée en octobre 2013 et mise à jour en décembre suivant. Le ministère britannique de la Santé prévoit néanmoins d’augmenter et de créer de nouvelles contributions au système de santé pour les immigrés et les visiteurs à partir de mars 2015.

"Ces changements devraient selon toute vraisemblance rendre plus difficile encore l’accès aux soins pour les immigrés", poursuit MdM qui note qu’avant même son entrée en vigueur, "le message politique de restriction de l’accès aux soins a engendré une confusion accrue parmi les professionnels de santé, des refus de soins même primaires et une incompréhension générale parmi les étrangers, qui ne savent plus à quels soins ils ont accès".

En Belgique, l'aide médicale urgente permet en théorie aux immigrés en situation irrégulière d’avoir accès aux services de santé (préventifs comme curatifs). Mais à Anvers, deuxième ville du pays, le centre public d’action sociale entretient depuis de nombreuses années une conception extrêmement restrictive de la législation nationale. "Les pouvoirs publics locaux sont convaincus qu’une restriction de l’accès aux soins permet de réguler les flux migratoires, mesure dont le manque d’éthique et l’inefficacité ont été démontrés", appuie l’ONG.

Espagne : "la destruction d’un système de santé qui était universel"

En avril 2012, le gouvernement et le parlement ont approuvé le Décret royal 16/2012 portant sur "les mesures urgentes garantissant la viabilité du système national de santé et améliorant la qualité et la sécurité de ses prestations". Ce décret supprime l’accès aux soins des sans-papiers et rattache la couverture maladie au travail au lieu du système universel qui prévalait auparavant, souligne MdM. En dehors des sans-papiers, toute personne (espagnole ou immigrée en situation régulière) qui réside plus de trois mois en dehors d’Espagne sans contribuer à la sécurité sociale, perd sa carte de santé automatiquement. Elle devra recommencer le processus d’inscription à la sécurité sociale depuis le début.

L’ONG souligne également l’augmentation du reste à charge des médicaments, déjà très important en Espagne – 40 % sans limite de coût pour les personnes avec des revenus inférieurs à 18 000 euros par an et de 50 % pour les revenus compris entre 18 000 et 100 000 euros par an. "Les patients que reçoivent les équipes de MdM vivent tous sous le seuil de pauvreté, soit 645 euros en Espagne. L’achat de médicaments représente donc pour eux une charge très importante", soulève l’ONG.

Avec la nouvelle loi, 750 000 étrangers en situation précaire de séjour ont perdu brusquement leur couverture santé. Si les femmes enceintes et les mineurs restent explicitement protégés, leur accès aux soins est parfois rendu impossible en raison des barrières administratives dans certaines régions autonomes, de la non délivrance de cartes individuelles de santé, mais aussi de l’impression de plus en plus généralisée, à cause des discours politiques, qu’un étranger en situation irrégulière n’a plus droit au système de santé.

Le décret soulève ainsi d’importants problèmes éthiques pour les professionnels de la Santé (personnel médical, infirmiers, pharmaciens, personnel administratif, travailleurs sociaux…) et viole le droit déontologique, estime l’ONG. "Il introduit également une réforme du modèle de santé espagnol, qui s’avère injuste du point de vue des droits de l’homme, inefficace sur le plan économique et dangereuse du point de vue de la santé publique".

Par ailleurs, relève MdM, la suppression de l’accès au système de santé entraine un risque sanitaire personnel et global : les pathologies infectieuses ne sont plus dépistées en médecine générale. Comme pour le repérage des violences, le seul point d’entrée désormais est les urgences hospitalières, ce qui veut dire que de plus en plus de pathologies et de victimes de violence ne seront pas repérées et traitées correctement.

Grèce : "peut-on sauver la santé publique ?"

En Grèce, la crise et les mesures d’austérité ont conduit à une récession bien plus grave que prévu, comme l’a reconnu le Fonds monétaire international, souligne l'ONG. En décembre 2013, le taux de chômage atteignait les 28 %. Les coupes massives dans les dépenses de santé ont conduit à une réduction des prestations de l’EOPYY (l’Organisme national pour les prestations de santé), une réduction des services publics de santé, des coupes dans les programmes de prévention et une augmentation des frais de consultation et de médicaments à la charge des usagers, y compris pour des maladies chroniques comme le diabète, les maladies coronariennes, le cancer… Selon les chiffres officiels, le nombre de citoyens sans assurance approche les 3 millions, soit près d’un tiers d’une population totale de 10 815 197 habitants, relève Médecins du Monde.

Et de rappeler que le dernier Protocole d’accord entre les autorités grecques et la Troïka comprenait un programme de bons de santé qui devait fournir un accès gratuit aux soins de santé primaires (dont sept consultations prénatales) pour les personnes sans couverture maladie. "En réalité, les estimations indiquent que le programme couvrirait en théorie seulement 230 000 personnes pour la période 2013-2014, soit moins de 10 % des personnes sans couverture maladie. Entre l’annonce du programme, en juillet, et le mois d’octobre 2013, seuls 21 000 bons de santé ont été distribués (soit moins de 1 % des personnes sans assurance). Au moment de la rédaction du présent rapport, en mars 2014, le ministre de la Santé a ordonné la fermeture de la plupart des structures publiques de soins de santé primaires pour au moins un mois afin de réorganiser le Réseau national primaire de santé (PEDY)".

Au sujet de la vaccination, bien que le calendrier national n’ait pas été modifié, MdM souligne que de plus en plus d’enfants ne sont pas vaccinés, "en raison de la disparition graduelle des services publics de santé, dont l’accès était gratuit pour les enfants". Selon une étude menée par l’École nationale de santé publique publiée en mai 2013, entre 65 et 70 % des enfants sont vaccinés par des pédiatres privés, ajoutant encore à la charge financière pesant sur les parents sans emploi et sans couverture maladie (le coût d’une vaccination totale pour un enfant s’élève à 1 200 euros en l’absence d’assurance).

L’accès aux maternités publiques est devenu extrêmement difficile, voire impossible, pour les femmes enceintes sans couverture maladie, s’inquiète par ailleurs l’ONG. Elles doivent régler les frais de suivi de grossesse ainsi que tous les frais d’accouchement ce qui est devenu impossible pour les familles moyennes. Bien que les demandeuses d’asile puissent théoriquement avoir accès sans paiement aux soins prénataux et à l’accouchement, elles se trouvent aujourd’hui confrontées à de nombreux obstacles administratifs. En effet, elles doivent justifier de leur incapacité à payer avant de se voir accorder un accès aux soins sans paiement dans les hôpitaux publics.

Pour une grossesse normale, le coût des soins prénataux et d’accouchement s’élèvent à environ 1 300 euros, une césarienne coûtant 1 200 euros. L’interruption volontaire de grossesse est légale en Grèce mais coûte environ 350 euros sans couverture. L’incapacité à payer pour un suivi de grossesse limite considérablement les chances du nouveau-né et constitue un danger pour la santé de la mère et celle de l’enfant. "C’est également source de forte anxiété chez les femmes qui arrivent à l’hôpital le jour de l’accouchement sans suivi, prévention ni avis préalables" et une "source de stress supplémentaire pour les équipes médicales", appuie l'ONG.

"En période de crise économique, les femmes enceintes et les enfants devraient faire l’objet d’une protection spécifique dans le cadre des filets de sécurité de la protection sociale. Ce n’est pas ce que nous avons observé", déplore MdM. Selon les chiffres officiels, la Grèce a d’ailleurs connu une chute du nombre de naissances vivantes alors que la mortinatalité a augmenté de 21,15 % entre 2008 et 2011.

En outre, MdM relève que "malheureusement, les immigrés sont encore la cible de discours haineux et de violences. Ils sont encore montrés du doigt comme étant responsables de la crise économique qui frappe le pays. La désagrégation des systèmes de protection sociale aggrave le désespoir des personnes démunies et la peur de l’avenir déjà répandue. La crise sociale a été largement exploitée par les partis d’extrême-droite".

La violence contre les immigrés en Grèce n’épargne pas les enfants, rappelle MdM comme cet enfant afghan de 14 ans, Ismail, qui a été battu par trois individus aussitôt après leur avoir répondu qu’il était afghan. Il lui a fallu plus de 30 points de suture après que ces individus l’ont défiguré avec des tessons de bouteilles. Ils l’ont laissé sur le trottoir dans son sang. Après avoir été amené à l’hôpital par un passant, il a reçu les premiers soins. Malheureusement, il a dû quitter l’hôpital quelques heures plus tard, seul, faute d’autorisation de séjour et de couverture santé. MdM lui a apporté des soins, un abri sûr et un soutien social pour qu’il retrouve sa famille.

"Les extrémistes attaquent indifféremment les femmes (y compris des femmes enceintes), les enfants et les hommes isolés, principalement la nuit ; ils ont organisé des descentes racistes contre des Albanais et des vendeurs étrangers sur les marchés, ont proféré des menaces contre des membres d’ONG humanitaires, ainsi que des appels aux crimes de haine…", rappelle l’ONG.

Appel des professionnels de santé au droit de dispenser des soins à tous les patients

"En tant que professionnels de santé, nous exigeons clairement le droit de dispenser des soins, conformément aux codes de déontologie des professions médicales, à tous les patients, indépendamment de leur statut administratif, de leur origine ethnique ou de leurs ressources financières. Nous appelons à la création de systèmes de santé nationaux universels, solidaires et équitables, ouverts à toute personne vivant dans l’Union européenne", souligne MdM.

Pour les populations particulièrement vulnérables, comme les enfants et les femmes enceintes, ces systèmes doivent permettre "un accès inconditionnel aux soins pré et postnataux, aux programmes de vaccination nationaux et aux soins pédiatriques. En temps de crise, l’accès aux soins doit être renforcé", poursuit l’ONG.

MdM rappelle par ailleurs que l’Agence de l’UE pour les droits fondamentaux (FRA) est porteuse d’espoir pour de nombreux citoyens : "nous demandons aux États membres d’appliquer les opinions qu’elle exprime". MdM estime aussi que le Conseil de l’Europe a un rôle important à jouer dans la protection des droits fondamentaux en Europe et que le Comité européen des droits sociaux "a donné un signal fort en confirmant que le droit aux soins de santé décrit dans la Charte sociale européenne s’applique clairement à chaque personne, quelle que soit sa situation administrative".

"La Commission Européenne et le Parlement Européen doivent encourager les États membres, responsables de la santé, à protéger et à consolider les systèmes de santé et les mécanismes de protection sociale en temps de crise", conclut Médecins du Monde.