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Commerce extérieur
TTIP – Jean Asselborn plaide pour que l’UE renonce au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats et annonce que le gouvernement entamera le dialogue avec la Plate-forme des ONG qui demande l’arrêt des négociations
22-05-2014


tageblattDans un entretien accordé au journaliste Serge Kennerknecht et publié dans le Tageblatt daté du 22 mai 2014, le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn explique la position du gouvernement luxembourgeois sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement que négocient UE et USA (TTIP).

Le ministre déclare respecter les réserves et les critiques des syndicats et des ONG qui ont formé un front contre le TTIP en créant une plate-forme commune qui demande l’arrêt des négociations. Le gouvernement cherchera à établir un dialogue avec la société civile sur le TTIP, et ce sous la direction de Jean Asselborn lui-même. Une date sera fixée dès le 22 mai. Jean Asselborn sera en charge de ce dialogue parce que le TTIP relève de la compétence des sections "commerce extérieur" des Ministères des Affaires étrangères de l’UE. Quant au Conseil de l’UE, il aura à prendre de premières décisions sur le TTIP en 2015, vraisemblablement sous présidence luxembourgeoise.  

"Il est erroné et totalement irréaliste de croire que l’on pourrait interrompre comme ça les négociations" sur le TTIP

Jean Asselborn est d’avis que "c’est erroné et totalement irréaliste de croire que l’on pourrait interrompre comme ça les négociations" sur le TTIP. Le mandat de négociation a été donné en juin 2013 à la Commission européenne qui est dotée du droit de négocier ainsi par le traité de Lisbonne. Le ministre précise que le Conseil européen, le Parlement européen et les parlements nationaux devront par la suite approuver le résultat de ces négociations. Le Luxembourg ne sortira donc pas du jeu des négociations, car cela le priverait de toute influence sur leurs résultats.

Ne pas laisser diluer les normes européennes

Jean Asselborn estime que trois points devront être respectés au cours des négociations, afin qu’il n’y ait pas de dilution des normes européennes : le modèle social européen ne devra pas être sapé, la législation européenne ne doit pas être minée et le développement durable ne doit pas être remis en question. "Si ces éléments sont respectés, on ne peut pas s’opposer à des négociations avec les USA comme on en mène également avec d’autres pays comme la Corée du Sud", met en garde Jean Asselborn.

Jean Asselborn s’inscrit également en faux contre la crainte que les USA imposent avant tout leur point de vue. Pour lui, on ne tient pas assez compte du fait que l’apport de l’UE au commerce mondial est de 17,5 % contre 13,5 % pour les USA. L’UE est le premier partenaire commercial de 80 pays, les USA de 20 pays seulement. "L’influence de l’UE dans le monde est plus importante que celle des USA", en conclut-il. Le TTIP, qui doit être conclu entre "les deux plus grandes puissances commerciales", créera selon Jean Asselborn des emplois dans une économie européenne qui tire 36 % de son PIB du commerce extérieur, un chiffre qui passe à 80 % dans le cas du Luxembourg. "Sans le libre-échange, le Luxembourg ne représenterait qu’un tiers de ce qu’il représente aujourd’hui",  souligne le ministre, ajoutant qu’au Luxembourg, 10 000 emplois dépendent d’investissements provenant des USA.

Le manque de transparence : "un réel problème"

Le manque de transparence du processus de négociations constitue néanmoins "un réel problème", admet Jean Asselborn. C’est ce manque de transparence qui nourrit selon lui les craintes que "les USA aplatiront les normes européennes et que les multinationales américaines vont déferler sur le marché européen". Le Luxembourg doit dans ce contexte contribuer à ce que certaines garanties soient données et que les négociations se déroulent entre partenaires égaux. La question du bœuf aux hormones, des poulets au chlore ou des produits basés sur des OGM qui ont suscité tant d’alarmes est d’ores et déjà écartée par l’UE. Les futurs résultats intermédiaires devront être approuvés aux niveaux européen et nationaux. Il ne pourra pas y avoir pour cette raison de secrets, et "les arguments devront être publiés".

Jean Asselborn défend" le point de vue que nous devrions pas conclure un tel mécanisme de protection des investissements entre l’UE et les USA"

Quant au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats que la Commission défend et qui est un des points les plus contestés du dossier, Jean Asselborn constate d’abord que "l’on craint, peut-être à raison, que si un gouvernement change de politique, cela puisse être au détriment d’un investisseur". Il cite l’exemple de l’Uruguay attaqué par un grand producteur de cigarettes pour sa politique contre le tabagisme ou du Venezuela et du Sénégal attaqués pour des nationalisations.

Son point de vue se veut clair : "Je défends le point de vue que nous devrions pas conclure un tel mécanisme de protection des investissements entre l’UE et les USA." Certains Etat membres veulent ce mécanisme, d‘autres pas, comme l’Allemagne, précise le ministre, qui est d’avis que "notre législation prévoit d’autres moyens pour trancher ces litiges". Il faudrait donc renoncer à ce mécanisme sur le règlement de différend dans le cadre du TTIP, estime Jean Asselborn, "même s’il existe 3 200 accords de ce genre dans le monde, dont 1 400 ont été signés par des Etats européens et que nous en avons aussi signé 45 dans le cadre de l’Union économique belgo-luxembourgeoise".

Et pour atteindre ces objectifs, estime le ministre, ce serait "erroné et irresponsable" et "pas du tout" dans l’intérêt du Luxembourg de claquer la porte au milieu de ces négociations, car le Grand-Duché se priverait de toute possibilité de participer à un processus de décision qui touche à ses propres intérêts commerciaux.