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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Santé
Dans une réponse à une question parlementaire de Claudia Dall'Agnol, la ministre de la Santé Lydia Mutsch a exprimé sa position sur l’ouverture du don de sang à la communauté homosexuelle
23-07-2014


Au Luxembourg, les homosexuels sont exclus du don de sang (Source: DRK-Blutspendedienste)La ministre de la Santé Lydia Mutsch a répondu le 23 juillet 2014 à une question parlementaire  du 17 juin 2014 de la députée socialiste Claudia Dall'Agnol qui voulait connaître sa position sur l’ouverture du don de sang à la communauté homosexuelle. La députée voulait notamment savoir si Lydia Mutsch comptait "inciter les services compétents à adopter une position nuancée et individualisée des facteurs de risque potentiels pour les donneurs de sang". Au Luxembourg, les critères d’exclusion sont stricts : Ainsi, le questionnaire médical pour un futur donneur de sang établit une liste de questions permettant "d'identifier dans le cadre de la transfusion sanguine" le risque d’infection VIH. Par exemple :

  • Pour les hommes : Avez-vous ou avez-vous eu depuis 1977 un contact sexuel avec un autre homme ? (même une seule fois)
  • Pour les femmes : Avez-vous ou avez-vous eu dans votre vie, des relations sexuelles avec un homme qui a eu un contact sexuel avec un autre homme depuis 1977 ?
  • Pour tous : Avez-vous ou avez-vous eu dans votre vie, des relations sexuelles avec une personne originaire d’Afrique ?

Le Luxembourg n’est pas le seul pays dans l’UE à exclure les homosexuels du don de sang, en supposant que ces personnes auraient un comportement sexuel à risque et donc une exposition accrue au virus VIH. Souvent, ils se réfèrent à la directive européenne de 2004 qui prévoit une liste de critères d’exclusion permanente du don de sang, notamment pour les "sujets dont le comportement sexuel les expose au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang".

Selon la question parlementaire de Claudia Dall'Agnol, diverses associations de lutte pour l'égalité des droits critiquent le fait que, partant d'un "comportement à risque", évoqué par la directive, les pays désignent toute une "population à risque" sur base de l'orientation sexuelle.

"L'exclusion du don de sang doit être basée sur un comportement à risque et non pas sur une orientation sexuelle", insiste la ministre dans sa réponse. Elle y précise que le critère du comportement sexuel considéré à risque est "appliqué par l’ensemble des Etats européens". Il s’agit, selon elle, des sujets hétérosexuels ou homosexuels ayant des partenaires multiples ainsi que des prostituées femmes et prostitués hommes.

La ministre de la Santé luxembourgeoise indique également que "le contrôle par analyses seul n'élimine pas les risques", évoquant une "fenêtre entre présence de virus dans le sang d'une personne contaminée et l'apparition de marqueurs permettant la détection de sa présence" qui peut atteindre plusieurs semaines. "Seules les réponses sincères du donateur permettent d'éviter ce risque de la fenêtre", précise-t-elle.

La pratique française constitue une "évidente discrimination indirecte", selon l'avocat général de la CJUE

De son côté, la France exclut de façon permanente les hommes "ayant eu ou ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes" du don de sang pour "garantir la sécurité transfusionnelle", selon l’Etablissement français du sang qui justifie que les tests "ne peuvent pas détecter une contamination récente". Une question qui a d’ailleurs été portée devant la Cour de Justice de l’UE dans l’affaire C-528/13.

Dans cette affaire, l’avocat général de la CJUE juge que la pratique française constitue une "évidente discrimination indirecte fondée" sur le sexe et l’orientation sexuelle, selon ses conclusions générales du 17 juillet 2014. Paolo Mengozzi estime que le seul fait pour un homme d’avoir eu ou d’avoir des rapports sexuels avec un autre homme ne constitue pas un "comportement sexuel" au sens de la directive, c’est-à-dire un risque élevé de contamination. "La règlementation française tend plutôt à considérer ce fait comme une présomption irréfragable d’exposition à un risque élevé, indépendamment des conditions et de la fréquence des rapports ou des pratiques observées", juge l’avocat général. Pour lui, le critère d’exclusion du droit français est "formulé d’une manière trop large et trop générique", en excluant ainsi "la totalité de la population masculine homosexuelle et bisexuelle" du don de sang.

Concernant une adaptation de la pratique actuelle au Luxembourg, la ministre de la Santé dit vouloir attendre les conclusions d’un groupe d’experts instauré par le Conseil de l’Europe.