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Commerce extérieur
La Plateforme de syndicats et d’ONG sur le TTIP rencontre le gouvernement mais maintient sa position en faveur d’un arrêt des négociations et précise ses critiques
03-07-2014


ttip (source: Commission européenne)Suite à leur prise de position diffusée en mai dernier et qui réclamait l’arrêt des négociations entre l’UE et les USA sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI ou TTIP), les organisations membres de la Plateforme sur le PTCI/TTIP ont rencontré une délégation gouvernementale  le vendredi, 27 juin, "afin d’échanger leurs impressions et positions mutuelles sur les négociations en cours", rapporte un communiqué de la Plateforme publié le 3 juillet 2014.

Cette entrevue, lors de laquelle étaient présents les ministres Jean Asselborn, Félix Braz, Carole Dieschbourg, Fernand Etgen, Dan Kersch, Nicolas Schmit, Etienne Schneider ainsi que Romain Schneider, qui avaient aussi signé la position écrite du gouvernement du 24 juin dernier, avait été sollicitée par la Plateforme suite à la publication de sa prise de position sur le PTCI.

Pour mémoire, la Plateforme se compose d’Action Solidarité Tiers Monde, de l’Aleba, de Bio-Lëtzebuerg, de Caritas Luxembourg, du Cercle de coopération des ONG de développement, de la FNCTFFEL, de Greenpeace Luxembourg, du LCGB, des Lëtzebuerger Jongbaueren a Jongwënzer Asbl, du Mouvement écologique, de l’OGBL, de Syprolux et de l’Union luxembourgeoise des consommateurs.

Désaccord avec le gouvernement sur la poursuite des négociations sous l’actuel mandat

Si la rencontre entre la Plateforme et la délégation gouvernementale a été l’occasion d’échanger sur le sujet, elle n’aura cependant pas permis de concilier les positions de chacun. Ainsi dans son communiqué, la Plateforme rappelle qu’elle "ne partage pas le point de vue du gouvernement sur la poursuite des négociations sous l’actuel mandat". A l’heure actuelle, seuls les domaines de l’audiovisuel et de la culture seraient clairement exclus du champ des négociations, la Plateforme estimant donc le mandat de négociation "bien trop vaste et opaque". Cela ne ferait dès lors "qu’alimenter davantage les interrogations et inquiétudes quant aux risques de dilution des normes et réglementations européennes et d’atteintes aux conditions de vie et de travail des citoyens européens", écrivent les organisations membres. En conséquence, la Plateforme réitère sa position pour un arrêt des négociations.

Par ailleurs, la Plateforme déplore l’absence d’études et d’analyses d’impact officielles pouvant attester des retombées positives du futur accord sur l’emploi et l’économie et en particulier sur les PME travaillant au niveau local et régional. Elle craint notamment que le TTIP n’ait les mêmes conséquences désastreuses sur l’emploi que l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), "qui a conduit à des délocalisations et destructions d’emplois massives", souligne le communiqué.

Craintes sur l'ouverture des marchés publics et la préservation des normes européennes

Un autre sujet préoccupant pour la Plateforme concerne l’ouverture des marchés publics, revendiquée par l'Union européenne. Selon les organisations membres, cette volonté soulève beaucoup d'interrogations quant à son impact économique, social et environnemental. De même, elle questionne, dans le domaine des services, le "droit des Etats d'organiser souverainement leurs services d'intérêts général, notamment par le biais de contrats de service public sous forme d’attribution directe".

La Plateforme nourrit également de sérieux doutes sur la préservation des normes environnementales, sanitaires et phytosanitaires européennes : "les politiques énergétiques et climatiques de l’UE seront-elles appliquées et adoptées par les Etats-Unis ?", s’interroge-t-elle. Et de rappeler que la réglementation européenne en matière de produits chimiques, REACH est régulièrement la cible des lobbies européens qui souhaitent affaiblir les normes européennes dans ce domaine. "Il y a donc de fortes chances que les négociations renforcent ces tentatives de dérégulation". Les organisations de la Plateforme se sont également montrées concernées par les conséquences d’un tel accord sur la culture, sur l’agriculture y compris la mise sur le marché européen d’OGM, sur les normes sanitaires et phytosanitaires ainsi que sur les droits des consommateurs, rapporte encore leur communiqué.

Un tel accord risque "d'accroître la pression exercée sur les pays en développement"

L’impact du TTIP sur les pays tiers se doit également d’être évalué, plaident les organisations membres. La Plateforme souligne en effet ses craintes que la conclusion d’un accord commercial d’une telle envergure, dans une approche strictement bilatérale et en dehors du cadre de l’OMC, ne fasse "qu’accroître la pression exercée sur les pays en développement".  Selon elles, ces derniers "seront tôt ou tard amenés à appliquer les standards et règles fixées dans le TTIP sans avoir la possibilité d’en influencer le contenu, alors que celui-ci touche pourtant des domaines sensibles pour les économies faibles". Ce qu’elles jugent "d’autant plus inquiétant que le mandat de négociation actuel ne semble faire aucune référence en termes d’engagements en faveur d’un commerce mondial équitable".

Enfin, la Plateforme est d'avis que la pleine et entière transparence et le droit d'accès sans restriction aucune aux documents de négociation, sont les conditions préalables indispensables à l’évaluation de l'impact du TTIP. Et d’en appeler le gouvernement à intervenir en ce sens auprès de la Commission européenne.

La position du gouvernement en défaveur de l’inclusion d'un mécanisme de règlements des différents entre investisseurs et Etat (RDIE) "accueillie favorablement"

Seul point qui semble faire relativement consensus, la position du gouvernement en défaveur de l’inclusion d'un mécanisme de règlements des différents entre investisseurs et Etat (RDIE), est "accueillie favorablement", par les organisations membres.

Dans une longue réponse à une question parlementaire du député Déi Lénk Justin Turpel datée du 24 juin 2014, le gouvernement avait souligné, pour ce qui est de ce mécanisme qui pourrait permettre à des investisseurs s'estimant lésés par une politique publique de poursuivre un Etat devant un tribunal arbitral, qu’une consultation publique était en cours. "La Commission européenne reste convaincue de l'importance des dispositions de protection des investissements assurant le flux des investissements entre les parties de l'accord et vise à négocier un règlement des différends entre investisseurs et Etats ambitieux, sur base d'une analyse des faiblesses du système existant", disent-ils.

Les ministres y précisaient néanmoins que "le Luxembourg est d'avis qu'un tel système n'est pas nécessaire avec un pays membre de l'OCDE" et qu’ "à l'instar d'autres ministres du Commerce, Monsieur le ministre des Affaires étrangères et européennes a écrit au Commissaire Karel De Gucht pour lui faire part de la position luxembourgeoise à cet égard". Mais d’ajouter qu’il "est vrai néanmoins qu'il existe des pays pour lesquels l'inclusion d'un tel mécanisme dans un accord d'investissement peut s'avérer utile ; la question d'éventuels "doubles standards" en la matière mérite d'être prise en considération".

Lors de son entrevue avec la délégation gouvernementale, la Plateforme a de son côté souligné le danger d’un tel mécanisme en particulier pour les petits pays, comme le Luxembourg. Ce type de mécanisme permet en effet aux investisseurs étrangers de poursuivre un Etat pour obtenir des compensations financières très importantes suite à l’instauration d’une politique publique jugée contraire à leurs intérêts et ce en évitant de devoir recourir aux juridictions nationales et européenne.

"Il s'agit d'une procédure contraire aux principes régissant un Etat de droit, très coûteuse et privilégiant les investisseurs étrangers au détriment des investisseurs nationaux et des autorités publiques. Les risques sur le droit du travail applicable, les critères sociaux ainsi que l’impact sur l’emploi dans les différents secteurs économiques ont également été mis en avant", poursuivent les organisations membres.