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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
A l’issue d’élections législatives "historiques", Alexis Tsipras, chef de fil de Syriza, a été désigné Premier ministre de Grèce : les réactions s’enchaînent dans l’UE et au Luxembourg
26-01-2015


L'emblème du Parlement grecLe chef de file de la coalition de la gauche radicale Syriza arrivée en tête des élections législatives grecques du 25 janvier 2015, Alexis Tsipras, a été désigné  Premier ministre de Grèce après sa prestation de serment auprès du président de la République Carolos Papoulias, le 26 janvier, a rapporté l’AFP selon des images diffusées par la télévision publique Nerit.

Afin de former un gouvernement, Syriza a annoncé un accord avec le parti souverainiste des Grecs Indépendants (Anel), fort de 13 députés. Avec 149 sièges sur les 300 du Parlement grec, soit 36,34 % des suffrages et malgré une victoire écrasante sur les autres formations politiques, la coalition de la gauche radicale avait manqué de deux sièges la majorité absolue dans l’assemblée grecque, ce qui lui aurait permis de gouverner seule.

Alexis Tsipras, 40 ans, président de Syriza depuis 2008 et vice-président de la Gauche européenne depuis 2010, est ainsi le plus jeune Premier ministre depuis 150 ans en Grèce. "Je servirai toujours la Grèce et l'intérêt du peuple grec", a-t-il notamment déclaré lors de sa prestation de serment, selon des propos rapportés par l’AFP. Un peu plus tôt, lors d'un bref échange avec le chef de l'Etat, il avait estimé qu’"une route abrupte nous attend".

Les réactions, déjà nombreuses dans la matinée du 26 janvier 2015, ont continué de se suivre tout au long de la journée.

Tour d’Europe des réactions, la suite…

La chancelière allemande Angela Merkel attend du futur gouvernement grec qu'il respecte les engagements pris jusqu'à présent par le pays en matière de réformes économiques et de rigueur budgétaire, a déclaré son porte-parole Steffen Seibert lors d'une conférence de presse. "Il est pour nous important que les mesures du nouveau gouvernement visent la poursuite de la reprise économique de la Grèce, ce qui implique que les engagements pris soient respectés", a déclaré le porte-parole. 

La porte-parole du ministère allemand des Finances, Marianne Kothé, a exclu toute réduction de dette, précisant en revanche qu'un prolongement du programme d'aide à la Grèce pourrait être discuté au niveau européen si Athènes "en fait la demande".

Le porte-parole d’Angela Merkel a par ailleurs affirmé qu'il ne voulait pas commenter "une élection souveraine, (...) un vote qui doit être respecté". Le porte-parole a répété que l'Allemagne voulait garder la Grèce dans la zone euro. "Depuis le début de la crise, l'intention et l'objectif du gouvernement (allemand) est de stabiliser la zone euro" avec l'ensemble de ces pays, a-t-il insisté. Il a assuré que Berlin allait "proposer au futur gouvernement (grec) de travailler ensemble". Le gouvernement allemand s’était vu reprocher en janvier 2015 de s’immiscer dans la campagne électorale, suite à une fuite de presse selon laquelle le gouvernement allemand jugeait quasiment inévitable une sortie de la Grèce, si Alexis Tsipras abandonnait la rigueur budgétaire.

Le Premier ministre finlandais Alexander Stubb a défendu le respect des "règles". "Nous ne sommes pas prêts à effacer la dette grecque", a-t-il rappelé. Il a toutefois évoqué une "prolongation du délai du prêt" : "De toute évidence nous sommes prêts à débattre de divers programmes", a-t-il dit.

Le chef du gouvernement espagnol conservateur Mariano Rajoy a félicité Alexis Tsipras, alors qu’il avait fait campagne pour son adversaire, le Premier ministre sortant Antonis Samaras. "J'espère que ce résultat électoral débouchera sur la mise en place d'un gouvernement stable et engagé en faveur du projet d'intégration européenne que nous partageons en Grèce et en Espagne", ajoute le message.

Une prolongation de la 5e mission de suivi du programme d'aide sera discutée à l’Eurogroupe

A leur arrivée à la réunion de l’Eurogroupe du 26 janvier 2015, plusieurs ministres des Finances de la zone euro ont été interrogés par la presse.

Le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a affirmé que "faire partie de la zone euro signifie qu'il faut respecter l'ensemble des accords déjà passés". "Sur cette base, nous sommes prêts à travailler" avec le nouveau gouvernement grec, a poursuivi Jeroen Dijsselbloem. Concernant la dette, "nous avons déjà fait beaucoup pour en alléger le fardeau", a-t-il souligné. "Un effacement de dette en terme de valeur nominale, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de soutien pour cette idée", a-t-il ajouté. "Nous avons toujours dit que nous continuerions de travailler avec (les Grecs), notamment, si c’est nécessaire, en ce qui concerne la viabilité de la dette", a-t-il précisé. Mais il estime qu’il est "trop tôt pour en parler", insistant sur la nécessité de conclure la 5e mission de suivi du programme d'aide en cours avec les créanciers du pays. Celle-ci aurait dû être bouclée en décembre, mais une prolongation a été accordée jusqu'à fin février. "Nous allons discuter aujourd'hui à l'Eurogroupe de la possibilité d'une nouvelle prolongation", a dit le ministre néerlandais.

Cette prolongation pourrait être de six mois, a précisé le ministre français des Finances, Michel Sapin, jugeant que la question est de "savoir jusqu'à quand la Grèce peut tenir en terme de trésorerie".

Le commissaire en charge des Affaires économiques et monétaires, Pierre Moscovici, a dit espérer que l’Eurogroupe envoie un signal fort pour "la reprise rapide des  discussions sur une base positive et constructive, dans le respect des engagements qui ont été pris par les Etats membres (…) qui étaient eux-mêmes dans des moments difficiles". Le but est, selon lui, de faire en sorte que la Grèce "soit forte" et puisse se redresser, créer de l’emploi, réduire les inégalités et payer ses dettes ainsi que de permettre au peuple grec "qui a consenti à beaucoup de sacrifices" de voir les résultats. Il estime que les acquis – la baisse du chômage et la reprise de la croissance – ne doivent pas être "remis en cause".

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a évoqué un "résultat sans ambigüité", tout en jugeant qu’il était "trop tôt" pour discuter de la Grèce. Il a insisté sur le fait que "rien n’a été imposé" à la Grèce qui a fait "beaucoup de progrès" ces dernières années, mais que chacun doit respecter ses engagements.

La Grèce doit entrer en dialogue avec ses partenaires européens, a estimé pour sa part le ministre autrichien des Finances, Hans Jörg Schelling. Il a qualifié les appels à une restructuration de la dette grecque de "populistes", tout en estimant qu’une telle restructuration "ne servirait pas à grand-chose", puisque la Grèce "ne paye pas de taux d’intérêt jusqu’en 2020".

La Commission s’engage à travailler "étroitement" avec le nouveau gouvernement grec

Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, s’est également exprimé devant la presse à son arrivée à l’Eurogroupe. Il a déclaré que la Commission travaillera "étroitement" avec le nouveau gouvernement grec. "Nous avons nos règles qui ont été établies lors d’un accord commun avec les autorités grecques. Nous allons voir quelles seront les demandes du nouveau gouvernement et nous en discuterons comme nous discutons avec tous les gouvernements, indépendamment de  leur composition", a dit Jean-Claude Juncker, ajoutant qu’il n’était pas "outre mesure nerveux".

Son porte-parole, Margaritis Schinas a déclaré au cours d'un point de presse que la Commission européenne "respecte entièrement le choix souverain et démocratique des Grecs". "La Grèce a fait des progrès considérables et nous sommes prêts à l'aider à affronter les défis qui lui restent en matière de réformes", a-t-il ajouté.

La présidente du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a indiqué le 26 janvier au quotidien Le Monde qu’un effacement de la dette grecque était exclu. "Il y a des règles internes à la zone euro à respecter. On ne peut pas faire des catégories spéciales pour tel ou tel pays", relève-t-elle dans l’interview. Elle explique que sa priorité est de "réengager le dialogue avec les autorités grecques, notamment sur leur programme de réformes structurelles", car il y a "beaucoup de retard à combler". "Il faut notamment mettre en œuvre la réforme de l’appareil d’État et du système de collecte de l’impôt, le raccourcissement des délais judiciaires. Il ne s’agit pas là de mesures d’austérité, ce sont des réformes de fond qui restent à faire", explique Christine Lagarde.

La suite des réactions au Parlement européen

Le président du groupe Verts/ALE, Philippe Lamberts a salué dans un communiqué la "volonté de changement" exprimée, selon lui, par les Grecs qui devrait ouvrir la voie à des réformes durables et responsables ainsi qu’à une nouvelle justice sociale. La victoire de Syriza représente un "nouvel espoir" : celui "d'en finir avec des diktats économiques aveugles qui ont aggravé durablement la situation économique du pays, l'injustice sociale et qui ont affaibli la démocratie", mais également celui d’un "changement de cap au sein du Conseil". Les Verts estiment que les Etats membres devraient renforcer leur coopération aux plans économique et fiscal et prendre des initiatives contre le dumping fiscal. Le nouveau gouvernement grec devrait selon lui s’attaquer à la fraude, l'évasion fiscale, à des dépenses militaires démesurées et au chômage.

Dans un communiqué de presse daté du 26 janvier 2015, le leader des conservateurs européens Syed Kamall (ECR) a indiqué que "le nouveau gouvernement grec devra faire face au fait que faire partie de l'euro signifie que vous ne pouvez pas changer de cap économique sans l'accord des autres pays de la zone euro ". "Le peuple grec a fait son choix, mais est-ce que les électeurs de l'Allemagne, de la Finlande, des Pays-Bas  et d'autres pays de la zone euro seront prêts à financer la Grèce par l'intermédiaire de transferts fiscaux si le nouveau gouvernement décide de gaspiller leur argent?", s’est demandé Syed Kamall. "La marge de manœuvre dans la zone euro est limitée mais j’espère qu'un accord pourra être trouvé qui donnera à la fois aux électeurs de la Grèce et à ceux des autres Etats de la zone euro le sentiment qu'ils sont écoutés", a-t-il conclu.

Sur son compte Twitter, l’eurodéputé et chef du parti britannique eurosceptique UKIP, Nigel Farage, a souligné que "les élections de Grèce sont un appel à l'aide de ceux qui ont été appauvris par l'euro". Désormais, un "jeu de poker" commence avec la chancelière allemande Angela Merkel, estime-t-il et dans ce contexte, "la Banque centrale européenne est impuissante".

Les réactions au Luxembourg, la suite…

Le ministre des affaires étrangères Jean Asselborn a commenté le résultat des élections en Grèce en déclarant le 26 janvier 2015 sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg que "les Grecs ne se sont prononcés ni contre l’Europe, ni contre l’euro, mais contre les conditions dans lesquelles les plus faibles et une grande partie de la classe moyenne ont dû vivre". En réponse à une question de la journaliste Claude Zeimetz sur les implications des élections grecques sur "le contexte de l’UE", Jean Asselborn a souligné que"l’euro est important"mais qu’il ne faut pas perdre de vue "la dignité sociale". Selon lui, trois leçons doivent être tirées de ces élections. "Premièrement, chaque pays qui est membre de l’euro doit maitriser ses dettes et ses déséquilibres, et savoir, en cas de risque de dérapage, inverser la tendance à travers des réponses socialement soutenables, et c’est ce que fait notre gouvernement", a indiqué le chef de la diplomatie luxembourgeoise. Aussi, pour lui, "la conception et la perception de l’UE doivent être celles de l’espoir, et non de la peur". Dans ce contexte, un "pays qui va mal doit pouvoir espérer être aidé par l’UE pour sortir de ses difficultés, faute de quoi, à mon avis, le sens de l’Union européenne ne sera plus compris", a expliqué le chef de la diplomatie luxembourgeoise. Enfin, Jean Asselborn  a indiqué en troisième lieu qu’il "espère que la solidarité européenne jouera, et non la loi du plus fort". "Cette élection peut peut-être faire l’effet d’une douche froide à certains, mais je trouve qu’elle peut aussi s’avérer être un nouveau départ", a conclu le ministre.

"C’est un bon signe que les gens en Europe ne sont pas prêts à tout subir, et que cette politique d’austérité qui leur est imposée par la Troïka et qui est essentiellement dirigée par Berlin ne peut être acceptée", a déclaré de son côté le député socialiste Marc Angel (LSAP) à la Radio 100.7. Selon lui, il est important que l’UE fasse preuve de "plus de solidarité".

 "Si les gens n’ont plus rien à perdre, ils sont prêts à essayer quelque chose de nouveau. Mais seule l’UE peut aider le vainqueur des élections à maintenir ses promesses électorales", a déclaré le 25 janvier 2015 l’eurodéputé libéral (ALDE) Charles Goerens sur sa page Facebook. Le lendemain, il a déclaré au micro de Radio 100,7 que Syriza n’est "pas aussi radical qu’on ne le pense". "Il y a un véritable ras-le-bol dans ce pays", a-t-il souligné. "Que Syriza ait obtenu un score de 36 % ne m’étonne pas, et je m’attendais même à plus", a-t-il commenté.

Pour Claude Wiseler (CSV), les résultats des élections grecques doivent être analysés "calmement". Selon lui, "il serait inapproprié de déclencher la panique" ou de se livrer à un quelconque "bashing".

Le député du parti de droite Fernand Kartheiser (ADR) a déclaré, lui aussi interrogé par la rédaction de 100,7, que le résultat des élections en Grèce est une "affirmation de souveraineté du pays". "L’idée qui circule dans les cercles euro-fédéraux selon laquelle l’Europe peut pratiquement dicter aux pays ce qu’ils doivent faire tend vers sa fin", estime Fernand Kartheiser.

Egalement interrogé par la rédaction de la Radio 100,7, le député du parti de gauche radicale (Déi Lenk) Serge Urbany a félicité le parti Syriza pour sa victoire. "Ce résultat s’explique par le fait que le peuple grec  va mal, qu’il ne supporte plus les mesures d’austérité et que la pauvreté s’est accrue en Grèce". A ses yeux, ce résultat "oblige l’Europe à repenser ses politiques d’austérité".  Peu de temps après, son parti réagissait par voie de communiqué à cette "remarquable victoire électorale" en soulignant que "toute l’Europe, et particulièrement toute la gauche européenne, a les yeux rivés sur Athènes". Pour le parti de la gauche radicale luxembourgeois, "cette victoire est un formidable message d’espoir envers toutes celles et ceux qui luttent au quotidien pour une société qui repose sur la démocratie et la justice sociale". "Syriza fera de la Grèce le premier Etat de l’Union européenne qui refusera de se soumettre aux diktats des marchés financiers", se félicitent déi Lénk, conscients toutefois que la "tâche ne sera pas facile". La gauche luxembourgeoise annonce son "entière solidarité" et assure que, lorsque le Luxembourg prendra la présidence de l’Union européenne, elle "se mobilisera contre toute tentative de notre gouvernement de faire fi des choix du peuple grec, de mener une politique contraire à ses intérêts et, dans son ensemble, des peuples européens".