Principaux portails publics  |     | 

Politique étrangère et de défense
Conseil européen informel – "Soutien prudent" des dirigeants de l’UE à l’accord négocié de Minsk par François Hollande et Angela Merkel et maintien de la pression sur la Russie dans un climat de vigilance
12-02-2015


ce-150212-angela-merkel-francois-hollandeLe début de la réunion informelle du Conseil européen du 12 février 2015, qui devait aussi traiter de l’Ukraine, avait été retardé de quelques heures pour donner au président français François Hollande et à la chancelière allemande Angela Merkel tout comme au président ukrainien Petro Porochenko le temps de rejoindre Bruxelles alors qu’ils venaient de réussir à Minsk, après 16 heures de négociations depuis la veille, la conclusion d’un accord sur un cessez-le-feu et sur un règlement politique global du conflit dans l'est de l'Ukraine.

Cet accord prévoit

  1. un cessez-le-feu immédiat et général dans certaines parties des régions ukrainiennes de Donetsk et de Lougansk et sa stricte application à partir du 15 février 2015 à minuit ;
  2.  un retrait de toutes les armes lourdes par les deux parties afin de créer deux zones de sécurité, l’une d’au moins 50 km, l’autre de 140 km, selon le type de systèmes d’artillerie et de missiles tactiques engagés sur le terrain. Ce retrait commencera deux jours après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu et devra être achevé dans les 14 jours avec le soutien du groupe trilatéral de l’OSCE ;   
  3. la surveillance par l’OSCE de l’application du cessez-le-feu ;   
  4. dès le premier jour du retrait des armes lourdes, un dialogue devra être engagé sur l’organisation d’élections locales selon les modalités de la loi ukrainienne, dont celles de la loi sur l’autogouvernement local intérimaire dans certaines parties des régions de Donetsk et de Lougansk qui est basée sur les accords de Minsk de septembre 2014 ;  par ailleurs, au plus tard 30 jours après la signature de l’accord, le parlement ukrainien devra spécifier les parties de son territoire où cette loi sera appliquée ;    
  5. une loi d’amnistie qui prohibe la poursuite et la sanction de personnes en relation avec les événements dans certaines parties des régions de Donetsk et de Lougansk ;
  6. la libération et l’échange de tous les otages et personnes illégalement détenus, et ce au plus tard 5 jours après le retrait des armes lourdes ;
  7. le libre accès à l’aide humanitaire ;
  8. la définition des modalités de prise des liens socio-économiques, y compris les transferts sociaux comme les pensions, et en parallèle le rétablissement du contrôle par l’Ukraine de son système bancaire dans les territoires touchés par le conflit ;   
  9. le rétablissement du contrôle des frontières par le gouvernement de l’Ukraine, y compris dans les territoires touchés par le conflit, et ce un jour après les élections locales prévues en attendant un règlement global du conflit ;
  10. le retrait de toutes les formations armées étrangères, de l’équipement militaire et des mercenaires du territoire de l’Ukraine sous le contrôle de l’OSCE, ainsi que le désarmement de groupes illégaux ;
  11. une réforme constitutionnelle en Ukraine fin 2015 qui prévoit comme élément-clé une décentralisation, une référence aux spécificités de certaines parties des régions ukrainiennes de Donetsk et de Lougansk en accord avec les représentants de ces territoires et l’adoption d’une législation permanente sur le statut spécial de ces parties qui inclut entre autres l’exemption de toute peine pour les personnes qui ont participé aux événements dans les régions séparatistes, le droit à l’auto-détermination linguistique, la participation des autorités locales à la nomination des procureurs et des présidents de tribunaux dans la région, le soutien du gouvernement de Kiev à des accords de coopération transfrontalière entre les autorités locales et la Fédération de Russie et la création d’unités d’une police populaire dans ces régions pour le maintien de l’ordre  ; 
  12. une intensification du travail du groupe trilatéral.

A l’issue des négociations, les présidents Hollande et Poutine tout comme la chancelière Merkel ont publié une déclaration commune dans laquelle ils "réaffirment leur plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine", et se disent "fermement convaincus qu’il n’existe pas d’alternative à une solution exclusivement pacifique". Affichant leur volonté de contribuer à la mise en œuvre de l’accord, ils disent vouloir user "de leur influence sur les parties concernées". Par ailleurs, "l’Allemagne et la France fourniront une expertise technique pour restaurer la partie du système bancaire dans les zones affectées par le conflit, éventuellement à travers la mise en place d’un mécanisme international permettant de faciliter les transferts sociaux", une référence au point 8 de l’accord.

Les relations entre l’UE, l’Ukraine et la Russie entrent aussi en jeu : "Les dirigeants partagent la conviction qu’une coopération améliorée entre l’UE, l’Ukraine et la Russie favorisera la résolution de la crise." Elle se traduira par des discussions trilatérales "sur les questions énergétiques afin de définir les mesures qui prendront la suite du paquet gazier pour l’hiver" et sur la recherche de "solutions pratiques aux préoccupations soulevées par la Russie concernant la mise en œuvre de l’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi entre l’Ukraine et l’UE." Et de prôner "la perspective d’un espace humanitaire et économique commun de l’Atlantique au Pacifique fondé sur le plein respect du droit international et des principes de l’OSCE".

Déclarations de François Hollande et d’Angela Merkel à leur arrivée à Bruxelles

ce-150212-angela-merkelÀ son arrivée au Conseil européen à Bruxelles, François Hollande a parlé d’une "lueur d’espoir" et déclaré que  "l'accord ne garantit pas qu'il y aura dans les jours prochains un succès durable". Il a parlé de la nécessité de continuer à être vigilant et "à exercer la pression et poursuivre le mouvement qui a été engagé grâce à l'initiative que la chancelière et moi-même avons pu lancer". Pour lui, "tout peut encore se décider dans un sens ou dans un autre, et les prochaines heures seront déterminantes". Mais même au-delà de ces prochains jours, il sera pour lui "très important - et c'est le sens aussi de ce Conseil européen - que nous puissions continuer à exercer la pression nécessaire, la vigilance indispensable pour qu'il y ait la paix en Ukraine." Angela Merkel a, de son côté, parlé elle aussi des "grands espoirs" que l’accord soulève, " mais il reste des efforts importants à faire".

Les déclarations de Petro Porochenko 

ce-150212-petro-porochenkoPour le président ukrainien Porochenko, lui aussi présent à Bruxelles, "la négociation a été très difficile, et nous ne nous attendons pas à une mise en œuvre facile du processus". Il s’en est pris à "des terroristes soutenus par la Russie" qui immédiatement après la signature de l'accord (…) ont lancé une offensive". Il a ajouté qu’il était donc "vital pour nous tous de maintenir la pression pour tenir les promesses sur le cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes, la libération de tous les otages, le retrait des troupes et des mercenaires étrangers et la fermeture des frontières."

Plusieurs agences de presse rapportent par ailleurs que le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a déclaré avoir reçu l'assurance de Petro Porochenko qu'il n'y aurait pas d'amnistie pour les responsables du crash du vol MH17, et qu'ils ne seraient donc pas concernés par le point 5 de l'accord de Minsk assurant la grâce et l'amnistie des personnes en relation avec les événements qui ont eu lieu dans certaines zones des régions de Donetsk et Louhansk.

Unité de l’UE et tonalités variables

La tonalité des déclarations sur la question de l’Ukraine a fortement divergé, malgré l’unité politique affichée des membres du Conseil européen.

ce-150212-donald-tuskSon président, l’ancien Premier ministre polonais Donald Tusk, a évoqué dans sa déclaration à l’issue de la réunion comment les chefs d’Etat et de gouvernement avaient été briefés par le président ukrainien Porochenko "sur la situation terrible dans son pays qui est due à l’agression russe", et il a parlé de "son évaluation de l’accord de ce matin qui donne à réfléchir". Remerciant François Hollande et Angela Merkel pour leurs efforts, il a ensuite évoqué leur présentation des résultats des entretiens de Minsk et déclaré : "Nous leur accordons un soutien prudent." Il a insisté sur la nécessité que les actes suivent les paroles et que le cessez-le-feu soit respecté. "Nous devons voir une réelle désescalade du conflit. Il n’est plus seulement question de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Tout l’ordre géopolitique de l’Europe après 1989 est en jeu." Selon Donald Tusk, l’UE est préparée pour toutes les éventualités. Les débats se sont donc centrés sur la meilleure manière de soutenir la mise en œuvre de l’accord. "Mais si cela ne devait pas se faire, nous n’hésiterons pas à prendre les mesures qui s’imposent", a déclaré Donald Tusk. Au cours de la conférence de presse, il a estimé que maintenir la pression sur la Russie peut aider à ce qu’elle respecte ses engagements, car, a-t-il précisé, "notre confiance dans la bonne volonté du Président Poutine est limitée". Bref, si l'accord n'était pas mis en œuvre, l'UE n'hésiterait pas à prendre des mesures supplémentaires.

ce-150212-jean-claude-juncker"Nous approuvons l'essentiel des conclusions auxquelles ont abouti les négociations", a de son côté souligné le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Il a expliqué lors de la conférence de presse que la Commission allait se charger de mettre en musique des éléments qui font partie de l'accord. La Commission allait notamment relancer les négociations sur l'accord trilatéral en matière d'énergie afin d’éviter les problèmes de l’hiver précédent. La Commission européenne a par ailleurs été chargée d'étudier l'impact des dispositifs de l'accord de libre-échange UE-Ukraine sur la Russie, un point dont il est question dans la déclaration commune de MM. Hollande et Poutine et de Mme Merkel. Par ailleurs, "nous allons, avec une prudence de sioux, nous approcher du sujet difficile: l'intersection entre ce que nous faisons en Europe en matière de commerce et la communauté eurasiatique", a ajouté Jean-Claude Juncker, pour qui "ce sera une étude de fond que nous ferons quand l'occasion s'y prêtera". Interrogé sur la possibilité de changer l’accord de libre-échange UE-Ukraine, il a expliqué qu’il fallait d’abord tenir compte de l'impact de l'accord sur la Russie, "et à la lumière de cette évaluation, nous verrons ce que nous ferons".

Le "format Normandie" questionné

Au cours de la conférence de presse à l’issue de la réunion, Donald Tusk s’est vu poser la question si le format "Normandie" - la réunion des chefs d’Etat ou de gouvernement de l’Allemagne, de la France, de la Russie et de l’Ukraine qui s’était dégagée après les festivités pour le 70e anniversaire du débarquement des Alliés en Normandie pour discuter de la meilleure manière de résoudre de la crise ukrainienne et de la crise de l’Ukraine – un format qui exclut à la fois le président du Conseil européen et la Haute représentante de l’UE pour la politique étrangère, était bon pour l’UE. Donald Tusk a répondu que "nous recherchons des solutions efficaces et le format Normandie est le plus efficace. Il a été créé avant que je ne prenne mes fonctions. Je serais même d’accord  aujourd’hui avec ce format  de médiation. François Hollande et Angela Merkel sont plus efficaces que si c’était moi, l’interlocuteur des Russes. La question de la paix ne peut pas être l’objet d’une concurrence entre institutions européennes, d’autant plus que des vies de citoyens sont en jeu." Donald Tusk a cependant précisé qu’il était consulté par François Hollande et Angela Merkel et qu’il collaborait donc à leur démarche.

ce-150212-xavier-bettel-alexis-tsiprasUn journaliste a posé une question similaire sur le "format Normandie" au Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel. Il a déclaré avoir apprécié que la Haute représentante, Federica Mogherini ne se soit "pas énervée du fait qu’elle n’a pas fait partie des négociateurs". Xavier Bettel a ajouté : "Cela m’importe peu qui est autour de la table, mais si le format Normandie réussit des avancées, c’est ce qui importe, et peu importe qu’il y ait Mogherini autour de la table ou non." Pour lui, les négociations de Minsk sur l’Ukraine ont apporté des "résultats encourageants, mais fragiles car ce n’est pas la première fois qu’il y a des engagements des parties du conflit. Il faudra donc être vigilant sur ce qui va se passer dans les prochains jours", a-t-il opiné.