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Changement climatique - Entreprises et industrie - Environnement
La commission de l’Environnement du Parlement européen vote pour un mécanisme de réserve de stabilité du marché des quotas d’émissions, mais souhaite une introduction plus rapide que celle proposée par la Commission
24-02-2015


La commission de l’Environnement du Parlement européen a adopté le 24 février 2015 sa position sur la mise en place d’un mécanisme de réserve de stabilité (MRS) du marché dans le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE (SEQE ou ETS). Les députés ont introduit quelques amendements : ils veulent que cette réserve soit introduite en 2018, et non pas en 2021 comme proposé par la Commission, afin de réduire au plus vite l'excédent des quotas, estimé à environ deux milliards de tonnes. Ils ont par ailleurs proposé de placer une partie des 900 millions de quotas "gelés" dans la réserve au lieu de les mettre sur le marché et ils veulent également créer un "fonds spécial pour l'innovation énergétique" conçu pour aider la transition du secteur industriel vers les technologies faibles en carbone.

Le contexte

carboneCe projet législatif de MRS (ou MSR pour market stability reserve), proposée par la Commission en janvier 2014, vise à créer une réserve de quotas en retirant du marché 12 % de quotas en cas d’excédent pour les réinjecter en cas de besoin. Le nouveau système retirera automatiquement du marché une partie des quotas SEQE et les placera dans la réserve si le surplus dépasse un certain seuil.

Selon la Commission, la  réserve a "pour fonction de déclencher un ajustement des volumes annuels de quotas à mettre aux enchères lorsque le nombre total de quotas en circulation sort des limites d'une certaine fourchette prédéfinie".

Ce projet législatif fait partie de la réforme du système SEQE visant à réduire les surplus grandissant de quotas qui s’établit actuellement à plus de deux milliards de quotas (un quota équivaut à une tonne de CO2). Auparavant, la Commission avait proposé un gel temporaire d’un maximum de 900 millions de quotas excédentaires jusqu’à 2019/2020, avec l’objectif de relever le prix des quotas, tombés très bas. Il a été voté par le Parlement européen en décembre 2013. Selon la Commission, le gel de quotas n’est qu’une "mesure temporaire à court terme", alors qu’une réserve de stabilité du marché permettra de gérer les surplus de quotas et d’améliorer la résilience du système à des chocs importants.

Pour rappel, le SEQE avait été conçu dans la foulée de la signature du protocole de Kyoto pour réduire les émissions de CO2 dans l’UE, en les plafonnant via l’introduction de quotas par pays qui étaient, dans une première phase, alloués gratuitement à l’industrie. Le système visait à réduire, d’ici 2020, de 21 % les émissions des secteurs industriels qu’il couvre, mais les excédents des quotas d'émission, causés par une offre excessive et la crise économique, ont fait chuter les prix à un tel point que le système risquait de perdre son caractère incitatif pour l’industrie.

Les principales propositions des eurodéputés

La réforme du système SEQE vise à réduire "le surplus de crédits carbone disponibles dans le but de soutenir les prix", indique le communiqué du Parlement européen. Les députés ont proposé d'introduire la stabilité de réserve du marché dès 2018 afin de réduire au plus vite l'excédent de crédits carbone. La réserve entrerait en vigueur le 31 décembre 2018, au lieu de 2021 (au début de la prochaine période d’échange de quotas d’émission du SEQE), comme proposé par la Commission européenne.

Les parlementaires ont par ailleurs proposé d'empêcher le retour automatique sur le marché, à partir de 2019, d'une partie des 900 millions de quotas "gelés" et de les placer dans la réserve.

Les députés proposent par ailleurs d'investir les profits générés par la mise aux enchères de 300 millions de quotas dans un "fonds spécial pour l'innovation énergétique" conçu pour aider la transition du secteur industriel vers les technologies faibles en carbone.

Réactions des groupes politiques

"Ce vote envoie un message fort : le Parlement européen prend au sérieux la lutte contre le changement climatique tout en gardant à l'esprit les inquiétudes du secteur. La réforme approuvée aujourd'hui montre que nous pouvons associer une politique climatique ambitieuse à la croissance et l'emploi. La réserve de stabilité du marché garantira que les prix du CO2 favorisent les investissements en vue d’une plus grande efficacité énergétique", a affirmé le rapporteur Ivo Belet (PPE). "Une nette majorité d'États membres partagent l'avis du Parlement européen. Je pense que nous pourrons parvenir rapidement à un accord", a-t-il ajouté.

Pour Antonio Tajani (PPE), rapporteur pour la commission de l’Industrie, qui doit donner un avis sur ce projet législatif, la réserve de stabilité offre une certitude et de la prévisibilité à l’industrie européenne et permet d’arriver à une production à faible intensité de carbone par un "processus progressif". Vu que ce changement de système nécessite des investissements importants, la commission a proposé un "fonds spécial pour l'innovation énergétique" censé aider l’industrie à s’adapter à des technologies à faible intensité de carbone, explique-t-il.

Placer les quotas gelés dans la réserve permettra d’éviter des excédents "inutiles" de quotas, a estimé Matthias Groote (S&D). Le système de SEQE a besoin de "stabilité et de prévisibilité", a-t-il dit, estimant que ce modèle pourrait inspirer d’autres régions dans le monde. De plus, le vote de la commission enverra selon lui un "message clair" à la conférence internationale sur le climat à Paris de décembre 2015. La réserve aidera à gérer le problème des surplus de quotas, a déclaré pour sa part Theresa Griffin. La création d’un système de SEQE "fort" permettra de créer des emplois de haute qualité dans les technologies vertes et de réduire les émissions de CO2, estime-t-elle.

Pour l’ALDE, la commission de l’Environnement a adopté des "propositions ambitieuses" pour réformer un système "au bord du collapse". "Un énorme déséquilibre entre l'offre et la demande, se traduisant par un excédent de plus de deux milliards de quotas d'émission, compromet en effet le bon fonctionnement du marché européen du carbone”, note le groupe. "Notre commission a envoyé un signal fort au Conseil en améliorant de manière substantielle la proposition de la Commission", a déclaré Gerben-Jan Gerbrandy. Selon lui, l’ALDE aurait préféré la création d'une réserve de stabilité dès 2017, mais il estime qu’un "large soutien au compromis actuel renforce la position du Parlement". "Tant que les quotas d'émissions inonderont le marché, polluer restera plus rentable que d'investir dans des technologies propres", a-t-il critiqué.

"En repoussant la création d'une réserve de stabilité de marché à 2019, la grande coalition continue de faire chuter le prix du carbone, et de porter la surabondance des droits à polluer au-dessus des deux milliards de quotas", a pour sa part jugé Michèle Rivasi (Verts). Le groupe dénonce le fait que "la majorité formée par les sociaux-démocrates, libéraux et conservateurs retarde encore une réforme nécessaire d'un marché largement subventionné grâce au lobbying intensif des industries les plus énergivores". Yannick Jadot, a dénoncé la "schizophrénie européenne en matière de climat", reprochant aux sociaux-démocrates, libéraux et conservateurs d’imposer le marché carbone européen "comme principal – voire unique – instrument de l'UE pour lutter contre le réchauffement climatique plutôt que des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de notre consommation d'énergie". Bas Eickhout a appelé à créer un système qui récompense les industries réduisant leurs émissions, tout en estimant qu’un prix de quota plus élevé rendra des investissements dans des technologies verts "plus intéressants".

Prochaines étapes

La commission a donné à Ivo Belet un mandat (57 voix pour, 10 voix contre et une abstention) pour débuter directement les négociations avec les États membres afin de conclure un accord final dès que possible, indique le communiqué.