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Migration et asile - Justice, liberté, sécurité et immigration - Politique étrangère et de défense
Pour Jean Asselborn, les questions migratoires constitueront "très probablement" une des priorités de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE
29-04-2015


Chambre des DéputésLe 29 avril 2015, Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères et européennes, de l’Immigration et de l’Asile, a prononcé à la Chambre des députés une déclaration sur la réponse que l’UE entend apporter aux drames endurés récemment par les migrants en mer Méditerranée, déclaration qui fut suivie d’un débat.  Dans ce contexte, le ministre a annoncé que les questions migratoires "constitueront très probablement une des priorités" de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE au second semestre 2015.

"La Méditerranée est devenue un cimetière du migrant inconnu", regrette Jean Asselborn

"La Méditerranée est devenue un cimetière du migrant inconnu", a regretté Jean Asselborn en guise d’introduction. Cette "catastrophe" constitue selon lui un "immense défi" pour l’Union européenne (UE), mais aussi pour le Luxembourg. "Nous ne pouvons pas être indifférents", a poursuivi le ministre, avant d’appeler le pays  à assumer sa "part de responsabilité". "Nos valeurs européennes sont en jeu", a-t-il encore souligné. A ses yeux, il est évident que "le Luxembourg, un pays qui s’engage pour la démocratie et pour les droits de l’homme, doit contribuer, avec les moyens dont il dispose, à construire une politique européenne crédible et solidaire".

Priorité au sauvetage des personnes en difficulté

Pour le ministre, il faut avant tout focaliser les efforts sur le sauvetage des personnes en difficultés. "Les deux opérations sous coordination de Frontex vont être renforcées de façon imminente, l’opération Triton pour l’Italie, et Poseidon pour la Grèce", s’est-il félicité. "Nous devons permettre à l’agence Frontex, avec tous les moyens possibles, d‘être plus active et plus efficace", a encore dit Jean Asselborn. "Un soutien est possible à travers plus de personnel, et plus de moyens techniques efficients", a-t-il précisé. Mais à côté de cela, Jean Asselborn estime que les Etats membres eux-mêmes doivent mettre en place leurs dispositifs de recherche et de sauvetage.

La lutte contre les passeurs

La lutte contre les passeurs constitue également une priorité pour Jean Asselborn, qui est néanmoins sceptique face à l’idée de détruire les bateaux et les infrastructures des passeurs. "Pour ce faire, nous aurions soit besoin d’une autorisation d’un nouveau gouvernement libyen, soit d’un mandat du Conseil de sécurité des Nations-Unies, ce qui n’est pas facile", a-t-il souligné. Le ministre plaide plutôt pour que les quatre agences européennes pertinentes,  à savoir Europol, Eurojust, Frontex, et l’EASO,  jouent "un rôle plus important dans la collecte d’informations sur ces passeurs criminels", afin de "découvrir leur modus operandi" et d’en savoir plus sur leur financement.

Renforcer la coopération avec les organisations et les Etats tiers concernés

Jean Asselborn souligne par ailleurs la nécessité d’ "œuvrer à la stabilisation de la Lybie" et plaide pour un renforcement de la coopération "avec les organisations et les Etats tiers concernés". "Les futurs objectifs de développement durable doivent tenir compte de l’importance de l’immigration", a souligné le ministre, en faisant référence aux nouveaux objectifs de développement qui seront définis en septembre prochain à New York, à l’occasion d’une réunion qui sera un rendez-vous important pour la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE. Il indique que l’UE est sur le point d’élaborer des programmes de protection et de développement régionaux "qui nous permettront d’offrir une aide concrète à nos partenaires" : la Turquie, la Jordanie, le Liban et l’Egypte pour discuter des problèmes en Syrie et en Irak ; la Tunisie, l’Egypte, le Mali, le Niger et le Soudan pour ce qui est des problèmes en Lybie. "L’objectif est de combattre à tous les niveaux les causes de l’immigration irrégulière et les passeurs", a-t-il expliqué. "Dans ce contexte, l’UE organise pendant la présidence luxembourgeoise un Sommet avec ses partenaires africains à Malte", a annoncé Jean Asselborn.

"L’Europe doit repenser sa politique de migration légale", estime Jean Asselborn

En outre, Jean Asselborn s’est rallié à l’idée avancée le matin même au Parlement européen par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, de renforcer les voies de migration légale en Europe. A ses yeux, "l’Europe doit repenser sa politique d’immigration légale" pour faire face à son déclin démographique. Il indique que l’UE est en train d’élaborer un projet pilote de réinstallation qui prévoit que "des migrants coincés dans des Etats tiers, qui ont le droit à une protection, soient répartis entre Etats membres selon une logique de quotas". Dans ce contexte, il est possible selon lui "que le Luxembourg doive faire plus d’efforts". Pour Jean Asselborn, une révision de la "carte bleue européenne" est nécessaire, et l’introduction d’un visa humanitaire "ne serait pas inintéressante" en vue de faciliter l’immigration légale. Dans ce contexte, l’UE doit à ses yeux être solidaire. "On ne peut pas abandonner les pays du Sud", a-t-il souligné.

Les engagements du Luxembourg pour faire face à la problématique des réfugiés

Jean Asselborn a évoqué plusieurs points sur lesquels le Luxembourg entend s’engager pour faire face à la problématique des réfugiés :  

  • un renforcement de notre engagement via notre personnel de la direction de l’immigration, et aussi le personnel de police dans le cadre de la mission Triton ;
  • la mise à disposition de moyens techniques pour soutenir la mission Triton, par exemple des avions ou une surveillance à travers des systèmes de satellites ;
  • un soutien financier bilatéral pour les Etats membres les plus concernés ou pour des organisations humanitaires privées ;
  • un engagement dans un programme de protection et de développement régional, par exemple pour la Corne de l’Afrique, et enfin,
  • un renforcement de l’activité du Luxembourg en ce qui concerne la réinstallation, où tout le monde doit apporter son aide pour améliorer les capacités d’accueil.

La Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE

Jean Asselborn estime que les questions migratoires "constitueront très probablement une des priorités" de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE. "Nous pouvons supposer que nous allons nous en charger pendant la Présidence, aussi bien en formation JAI que dans les réunions qui concernent les ministres des Affaires étrangères", a-t-il souligné. "Le 20 juillet, les ministres des Affaires étrangères se réuniront avec ceux de l’Intérieur pour discuter des aspects externes de la migration", a-t-il annoncé. "Lors du Conseil JAI d’octobre, nous discuterons du lien entre immigration et développement", a-t-il ajouté.

Le débat à la Chambre : les grands partis unanimes quant à l’idée qu’il faut renforcer les efforts en matière de migration

naufrage-migrants-guardia-costiera-150419Les déclarations de Jean Asselborn ont bien été accueillies par les députés luxembourgeois. Tous les partis politiques se sont ralliés à l’idée avancée par Jean Asselborn quant au fait que le sauvetage des personnes en difficulté doit être une priorité.

Les intervenants des quatre grands partis (CSV, LSAP, DP, Déi Greng) ont critiqué le manque d'engagement financier mais aussi humanitaire d'États comme le Royaume-Uni. Ils sont unanimes quant à la nécessité de renforcer les efforts en matière de migration, y compris au Luxembourg. Ils ont également souligné la nécessité de renforcer les voies de migration légale.

 "L’UE a vu, a jugé, et doit à présent agir", a souligné Marc Spautz (CSV) en faisant référence à une devise du cardinal Joseph Cardijn. A ses yeux, l’UE "doit revoir sa politique d’asile" et faire en sorte qu’il y ait "une répartition plus juste des réfugiés entre Etats membres de l’UE". "Il faut réviser l’accord de Dublin (II+III), et en faire éventuellement un Luxembourg I", a-t-il encore suggéré. Marc Spautz a en outre plaidé pour un renouveau de la politique européenne de voisinage à l'Est et au Sud de l’Europe. Le député chrétien-social a par ailleurs annoncé que son parti "soutient à 300 %" l’idée de faire du dossier des migrants l’une des priorités de la Présidence luxembourgeoise.

Le député Marc Angel (LSAP) s’est prononcé en faveur de la mise en place d’un visa humanitaire et plaide pour la mise en place d’un système de quotas, afin de répartir les migrants entre les Etats européens.

Le député Gusty Graas (DP) a pour sa part appelé l’UE à avoir plus de courage dans le combat contre les régimes et dictatures corrompus. "On ne peut accepter de tels systèmes", a-t-il souligné. Il a par ailleurs indiqué qu’il ne faut pas "se faire d’illusions" quant au fait que le flux de migrants cessera un jour. "Même si nous améliorons notre politique de développement, des réfugiés viendront", a-t-il souligné. Dans ce contexte, il faut selon lui adapter le règlement de Dublin.

Le député vert Claude Adam (Déi Greng) estime qu’il n’y a "aucune barrière qui peut durablement résister à l’immigration, si celle-ci est poussée par la pauvreté et la faim". A ses yeux, "ce n’est pas en fermant ses frontières que l’UE résoudra le problème". Elle doit plutôt selon lui "mettre en place une politique de commerce équitable pour venir en aide aux pays concernés par l’émigration".

Fernand Kartheiser (ADR) s’est pour sa part opposé à l’idée de renforcer l’immigration pour faire face au déficit démographique en Europe, estimant qu’il faut plutôt adapter la politique familiale pour contrecarrer le vieillissement de population. "Si notre devoir humanitaire nous impose d'aider à sauver ces vies, il ne faut pas oublier que les gens qui paient entre 5 000 et 10 000 dollars aux passeurs ne sont pas si mal lotis", a-t-il encore dit. "Il est donc préférable qu'ils restent dans leur pays pour aider à le reconstruire", a-t-il souligné. Fernand Kartheiser a par ailleurs vanté la politique migratoire australienne, qui consiste à refouler les réfugiés en "zone protégée". Une idée que Jean Asselborn a immédiatement rejetée, indiquant que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) a "condamné" la politique migratoire de l’Australie.

Pour David Wagner (Dei Lenk), "jouer au cow-boy ne suffira pas : cela n'amènera pas de changement car, tant qu'il y aura des migrants, il y aura des passeurs". "Et ces bombardements pourraient produire bien des dégâts collatéraux avec notamment les pêcheurs qui risquent des pertes importantes", a-t-il souligné. Le député de Déi Lenk a en outre pointé du doigt "la politique néolibérale", qui à ses yeux, "contribue à l’exploitation des ressources des pays du Sud".