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Migration et asile - Justice, liberté, sécurité et immigration
En amont du Conseil européen consacré à la question des migrants en Méditerranée, les groupes politiques au Parlement européen et les ONG en Europe et au Luxembourg réagissent
23-04-2015


l’appel d’un collectif d’ONG représentatives à la Place d’Armes pour un « cercle du silence »Alors que les 28 chefs d’Etat ou de gouvernement de l’Union européenne (UE) vont se réunir, le 23 avril 2015 à Bruxelles, pour un sommet extraordinaire consacré à la recherche de mesures face aux tragédies à répétition en Méditerranée, les présidents des groupes politiques au Parlement européen PPE, S&D et ALDE ont appelé à trouver une "solution européenne" dans une déclaration commune. Quelques ONG ont également manifesté leur position. A Luxembourg, plusieurs centaines de personnes et des représentants de tous les partis politiques se sont réunies à l’appel d’un collectif d’ONG représentatives à la Place d’Armes pour un "cercle du silence". 

Trouver une "solution européenne" qui "repose sur la solidarité", selon le PPE, les S&D et l’ALDE

A la veille de ce sommet extraordinaire, Manfred Weber (PPE), Gianni Pittella (S&D) et Guy Verhofstadt (ADLE), ont publié une déclaration commune appelant à trouver une "solution européenne" qui "repose sur la solidarité". Dans leur lettre, les chefs des groupes politiques se concentrent sur quatre points : sauver des vies en mer, fournir une protection temporaire, lutter efficacement contre les réseaux de traite des êtres humains et de trafic de migrants en coopération avec les pays tiers et examiner les différentes méthodes permettant d’accélérer les procédures de demandes d’asile, y compris en évaluant la faisabilité de celles-ci dans les pays tiers.

Ainsi, les présidents des groupes politiques appellent les Etats membres à mener des  recherches et des opérations de secours "adéquates" en Méditerranée. L’opération Triton devrait être capable d’opérer en haute mer (ce qui était possible par le passé avec l’opération Mare Nostrum), ajoutent-ils. Pour cela, ils appellent à renforcer les moyens et les ressources financières de l’agence FRONTEX, qui coordonne les opérations, et enjoignent les Etats membres à faire preuve d’une "plus grande solidarité en mettant à disposition des bateaux et des moyens humains pour conduire les opérations de recherche et de sauvetage".

Au sujet de la protection des personnes, les trois présidents appellent à examiner "toutes les options envisageables (…) afin de faire face aux afflux massifs de personnes ayant dû quitter leur pays d’origine et ne pouvant pas y retourner en raison d’un manque de sécurité", car, estime FRONTEX, "entre 500 000 et 1 million de personnes pourraient tenter la traversée de la Méditerranée dans les mois à venir". Ces options incluent un "mécanisme de solidarité juridiquement contraignant", une "utilisation accrue de visas humanitaires", un "mécanisme de relocalisation d’urgence", et la "mise en œuvre de la directive relative à la protection temporaire (2001/55/CE)", qui n’a à ce jour pas encore été appliquée au sein de l’UE, les conditions nécessaires à son application (afflux massif) n’ayant jamais été réunies.

Enfin, dans leur déclaration commune, les chefs de groupes appellent les autorités des Etats membres à "travailler étroitement avec EUROPOL, FRONTEX, EASO (Bureau européen d’appui en matière d’asile) et EUROJUST afin de combattre les réseaux criminels de trafic et de traite de migrants, ainsi que pour détecter et tracer leur financement". Ils préconisent également de collaborer avec les pays tiers et notamment les pays voisins de la Libye.

Les réactions des ONG

appel d’un collectif d’ONG représentatives à la Place d’Armes pour un « cercle du silence »A la veille du sommet extraordinaire, plusieurs ONG ont, elles auss,i fait entendre leur voix. Ainsi, John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International, a qualifié d’"occasion historique" la rencontre extraordinaires des chefs d’Etat ou de gouvernement européens, alors que l’ONG a publié un plan d’action, Europe’s sinking shame : The failure to save refugees and migrants at sea, demandant aux dirigeants européens de "prendre des mesures immédiates et efficaces" pour "mettre un terme à la situation catastrophique s’étant soldée par la mort de milliers de réfugiés et de migrants". Dans son communiqué, Amnesty International parle de la "négligence de l’Europe" qu’elle compare "à celle de pompiers qui refuseraient de sauver des gens sautant d’un immeuble en feu". L’ONG demande en outre aux dirigeants européens d’ "autoriser le déploiement immédiat de ressources navales et aériennes suffisantes le long des principaux itinéraires de migration afin de secourir les bateaux en difficulté" et d’offrir aux migrants "des places de réinstallation et d’admission humanitaire ainsi que plus de voies de migration régulières". En attendant, les gouvernements sont invités à "fournir de toute urgence à l’Italie et à Malte le soutien financier et logistique requis pour renforcer leurs capacités de recherche et de sauvetage", alors que, selon l’ONG, quelque 24 000 personnes ont atteint l’Italie par la mer depuis le début de 2015 et, si les chiffres sont confirmés, quelque 1 700 personnes auront péri cette année, soit 100 fois plus qu’au cours de la même période en 2014.

Human Rights Watch a quant à elle adressé une lettre aux 28 chefs d’Etat ou de gouvernement européens,  dans laquelle elle salue la tenue du Conseil européen mais critique le plan en dix points mis en avant le 20 avril par la Commission européenne qu’elle qualifie de trop "modeste". En effet, même si FRONTEX disposera de plus de moyens pour coordonner les opérations Triton et Poséidon en Méditerranée, ces derniers resteront encore "inférieurs à ceux de l’opération italienne Mare Nostrum", fait savoir Kenneth Roth, directeur exécutif de l’ONG, qui préconise la mise en place d’une opération multinationale avec un "mandat clair". Human Rights Watch demande aussi des "méthodes sécurisées pour les personnes qui demandent l’asile", pour que celles-ci n’aient pas à "mettre leur vie entre les mains de trafiquants sans scrupules" ainsi que davantage de "projets de réinstallation volontaire de réfugiés".

D’autre part, au sujet des autres propositions envisagées, comme par exemple les camps "offshores» pour traiter les demandes d’asile dans des pays tiers, l’assistance technique et financière aux pays voisins de la Libye pour renforcer leurs capacités en matière de patrouille en mer, ou l’augmentation de l’assistance financière aux pays de départ comme l’Erythrée, Human Rights Watch demande de les examiner "soigneusement pour s’assurer qu’elles n’engendrent  ou n’enracinent encore plus des violations de droits humains".

"Remplaçons les larmes par des politiques!" - Des centaines de personnes et de très nombreuses personnalités du monde civil et religieux ont participé à Luxembourg à un "cercle de silence"  

l’appel d’un collectif d’ONG représentatives à la Place d’Armes pour un « cercle du silence », le 23 avril 2015Les ONG ACAT, Amnesty, ALOS - LDH, ASTI,CARITAS, Cercle des ONGD, CLAE, CPJPO, FNCTTFEL, Keen ass illegal et les syndicats LCGB et OGB-L avaient appelé à une manifestation silencieuse à la Place d’Armes pour demander à ce que "les larmes soient remplacées par des politiques".  Des centaines de personnes avaient répondu à leur appel. Dans la foule se trouvaient des représentants de ces organisations, mais aussi de tous les partis politiques, majorité et opposition réunies, et de plusieurs communautés religieuses. Au milieu de la place, une vingtaine de manifestants se sont couchés par terre, faisant le mort, couverts par des pancartes sur lesquelles étaient inscrits des textes comme "Frontex kills" Ferries, not Frontex".     

Dans un communiqué virulent, les organisateurs déclarent que "la Méditerranée est devenue non seulement ‘la fosse commune de nos lâchetés’, mais aussi un aveu d’impuissance de l’Union Européenne à ‘assister des personnes en danger’ et à proposer une politique migratoire à la fois juste et humaine."

Pour eux, les valeurs d'humanisme et de solidarité qui ont valu un prix Nobel à l’Union Européenne "ont sombré corps et âmes face à l'absence d’entraide entre les Etats membres". Les femmes et  hommes politiques qui "expriment leur douleur et versent des larmes" ne pourront pas "faire oublier leur part de responsabilité dans cette aggravation d’une situation humanitaire qui ne fait qu’empirer depuis la suppression du programme Mare Nostrum et l’absence de politiques de migration à la hauteur des défis suivants."

Pour les organisateurs, l’UE doit trancher entre "protéger les réfugiés ou protéger les frontières, agir d’urgence et avec envergure pour sauver des vies ou bien faire part de condoléances, promouvoir des politiques de développement qui permettent aux personnes de vivre dans la dignité ou bien sauver des banques à coups de milliards d’euros, établir un véritable partenariat avec les pays du Sud ou jeter des bombes sur la Lybie et y installer le chaos, ouvrir des portes légales d'immigration ou se focaliser sur les filières criminelles des passeurs, seule issue pour celles et ceux qui fuient guerre, persécution et misère."

Leur constat : "La question des flux migratoires a, par essence, une dimension transversale. Elle doit mobiliser les chefs d'Etat et de gouvernement de l’UE dans toutes leurs politiques à commencer lors du sommet de ce 23 avril 2015 à Bruxelles."

Quant au Luxembourg, il "doit assurer l’accueil de réfugiés et les communes sont appelées à participer à cet effort", cela d’autant plus que "le Luxembourg aura une responsabilité particulière en ce domaine lors de sa présidence de l’UE au deuxième semestre de cette année."

Le contexte

Dans la nuit du 18 au 19 avril 2015, un chalutier avec à son bord plus de 800 migrants en provenance d’Afrique subsaharienne, du Bangladesh et de Tunisie, s’était échoué au large des côtes libyennes, faisant presque autant de morts, un naufrage qualifié par l’UE comme étant la "pire tragédie" du genre. Les ministres des Affaires étrangères de l’UE, réunis en formation Conseil le 20 avril 2015, s’étaient alors entendus, avec leurs homologues de l’Intérieur, sur un plan en dix points pour lutter contre le trafic de migrants en Méditerranée proposé par la Commission européenne. Ce plan prévoit entre autres le renforcement des opérations conjointes en Méditerranée, à savoir Triton et Poséidon, en augmentant leurs moyens financiers.  Le président du Conseil européen, Donald Tusk, avait également convoqué un sommet extraordinaire des dirigeants européens pour le 23 avril 2015.