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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Dans son discours du 1er mai, l’OGB-L dénonce la politique de l’UE durant la crise qui a engendré selon le syndicat plus de pauvreté et d’inégalités et fragilisé les systèmes publics de protection sociale
29-04-2015


Le président de l'OGBL, André Roeltgen, lors du comité national élargi du 29 avril 2015 à Mondorf-les-Bains (source: OGBL)Le discours du 1er mai de l’OGB-L prononcé par son président, André Roeltgen,  à l’issue du comité national élargi du syndicat luxembourgeois organisé à l’avant-veille de la fête du travail, n’a pas manqué de faire une large part aux questions européennes.

Inégalités, globalisation et TTIP

Rappelant que, selon les chiffres publiés en janvier 2015 par l’ONG Oxfam, les 1 % les plus riches de la population, qui détiennent actuellement 48 % du patrimoine mondial, concentreraient dès 2016 davantage de richesse que les 99 % restant, le président de l’OGB-L a estimé que "lorsque les inégalités économiques dans le monde prennent une telle ampleur, alors on sait que la pauvreté sociale s’accroît sous toutes ses formes" .

Selon le président de l’OGB-L, la responsabilité en incombe principalement "à la globalisation capitaliste et à son modèle politique dominant néolibéral" qui ont donné "une nouvelle dimension au conflit entre le travail et le capital". Ainsi, la concentration du capital "a énormément augmenté", a souligné le syndicaliste, qui pointe du doigt son corollaire : un accroissement de la puissance des grandes entreprises et des groupes financiers transnationaux "qui se soustraient toujours davantage au contrôle démocratique et politique".

Pour exemple, le président de l’OGB-L cite le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI ou TTIP en anglais), actuellement négocié entre l’Union européenne (UE) et les USA. Cet accord servirait avant tout à "renforcer et à garantir les intérêts" de ces grands groupes "au détriment des lois sociales et du travail et des services publics". Il irait par ailleurs à l’encontre "de la légitimité démocratique" représentée par les parlements nationaux en voulant imposer la mise en place de tribunaux d’arbitrage privés fonctionnant "en dehors [des principes] de l’Etat de droit" (à savoir le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etat, dit ISDS en anglais). Et de rappeler que ces mêmes grandes entreprises mettent régulièrement et systématiquement en cause les libertés syndicales et le droit de grève.

Alors que l’OGB-L est l’un des membres de la plateforme luxembourgeoise d’ONG et de syndicats s’opposant au TTIP, André Roeltgen a salué la mobilisation aux niveaux européen et américain contre ce projet. Il a ainsi jugé qu’elle avait permis l’émergence "d’une pression politique importante contre le TTIP qui commence à montrer ses premiers effets, notamment au niveau du Parlement européen". Dans ce contexte, il a réitéré son appel au gouvernement ainsi qu’aux partis politiques luxembourgeois de rejoindre le mouvement d’opposition.

Crise, austérité et paupérisation

Le président de l’OGB-L est ensuite revenu sur la crise financière et économique déclenchée en 2008 suite à "une dérégulation sans frein de l’économie capitaliste et du monde bancaire". Une crise qui a provoqué "une paupérisation et un déclassement social importants" a souligné André Roeltgen, et qui, appuie-t-il, a encore renforcé une redistribution des richesses "du bas vers le haut". Et le constat est valable pour l’UE, qui depuis les années 1990, n’a eu de cesse "de libéraliser et de privatiser l’économie" et où "une politique de dumping salarial et social est menée sous le couvert de réformes structurelles", a dénoncé le syndicaliste.

La crise a dans ce contexte "affaibli toujours davantage l’économie européenne", provoquant une explosion de la pauvreté et des inégalités dans l’UE ainsi que du chômage de masse, qui a crû de plus de 50 % depuis 2008, a-t-il déploré. Près de 25 millions de personnes (soit un taux de 10 %) sont au chômage dans l’UE et quelque 18 millions (11,5 %) le sont dans la zone euro, a-t-il notamment rappelé. Et de dénoncer à cet égard la "politique d’austérité et les mesures d’économies indifférenciées" imposées depuis 2008 dont les effets ont été "extrêmement négatifs sur l’économie".

Pour André Roeltgen, la concurrence en termes de salaires que se livrent les Etats membres de l’UE ainsi que l’affaiblissement généralisé des systèmes publics de sécurité sociale ont d’ailleurs conduit, dans la plupart des pays européens, "à un véritable recul des revenus et donc du pouvoir d’achat". Dans le même temps, la politique d’économies indifférenciées menée par les Etats en vertu de l’assainissement budgétaire "ont réduit de manière drastique les moyens publics pour mener une politique anticrise efficace", a-t-il souligné.

Or cette politique "hypothèque" l’avenir social et économique de l’UE, dénonce le syndicaliste, qui en veut pour preuve le niveau des investissements privés dans l’UE, qui affiche un déficit de "200 à 300 milliards d’euros par an" par rapport à ce qui serait jugé nécessaire. A cet égard, le plan Juncker "ne devrait pas changer grand-chose" car il serait d’une part "insuffisant" et que d’autre part, "il n’est même pas encore garanti qu’il fonctionnera", a déploré André Roeltgen. D’où la revendication de la Confédération européenne des syndicats, soutenue par l’OGB-L, de lancer "un véritable plan d’investissement de 250 milliards d’euros par an", a-t-il noté.

La Grèce et le "diktat" de la "troïka"

Selon l’OGB-L, il est donc urgent de réformer les règles relatives au Pacte de stabilité et de croissance (PSC), André Roeltgen pointant des traités européens "trop rigides" et "dirigés dans la mauvaise direction", ce qui les rend "contreproductifs". "Les Etats membres doivent disposer de davantage d’espace en matière de politique budgétaire afin de leur permettre de réaliser des investissements d’avenir à un niveau approprié", a-t-il ainsi dit. Il s’agirait là d’une "réforme structurelle qui ferait enfin sens", a-t-il poursuivi alors que les politiques menées qui sont basées sur le "démantèlement social" mènent "dans l’impasse".

Or, a poursuivi le syndicaliste, l’accroissement des inégalités et le détricotage des acquis sociaux sont le terreau de développements politiques "dangereux" qui "mettent en péril tant l’intégration européenne que notre démocratie". Et André Roeltgen de citer le score du Front National, parti français qualifié d’"extrémiste, raciste et nationaliste", lors des dernières élections départementales en France, comme "un exemple parmi d’autres". A l’inverse, l’opposition à des "politiques erronées" peut aussi mener à un vrai changement politique, comme le montre l’exemple de la Grèce selon le président de l’OGB-L.

En Grèce, alors que "le peuple s’est prononcé démocratiquement" pour un tel changement politique, "l’Europe lui met un coup de poignard politique dans le dos". "Outre la poursuite de la mise en vente du pays, il s’agit de briser la volonté politique des grecs et de saboter son gouvernement", a-t-il encore dénoncé, notant la volonté des autres gouvernements "de statuer un exemple" pour qu’aucun autre ne soit tenté de remettre en cause "le diktat de Bruxelles, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international" (à savoir les trois institutions créancières de la Grèce dans le cadre de ses programmes d’aide financière, anciennement dites la "troïka").

Selon André Roeltgen, ce diktat imposé pendant 5 ans aux Grecs par la troïka a mené le pays droit dans l’appauvrissement social et la dépression économique, alors que les réformes imposées en échange de l’aide financière ont conduit à "un désastre humain et social" et ont profité avant tout aux banques privées, les véritables destinatrices de l’aide. L’économie grecque, en revanche, n’a pas été soutenue. "On a fait l’inverse de ce qu’il aurait fallu", déplore-t-il.

Par ailleurs, alors que "tout le monde sait que la dette grecque ne pourra pas être remboursée", le syndicaliste dénonce le fait que l’on refuse toute restructuration de la dette à la Grèce, alors que cela fut le cas en 1953 pour l’Allemagne, suite à la Seconde Guerre mondiale. "L’UE est politiquement responsable, elle a fait de nombreuses erreurs en Grèce" et "elle doit désormais prendre une décision en faveur de ce pays et pas contre lui". Selon André Roeltgen, il faudra donc passer par une telle restructuration de la dette grecque ainsi que par "une aide active à l’économie grecque […] dans l’intérêt de la population".