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Economie, finances et monnaie
"L'effet final sur l'économie luxembourgeoise du plan Juncker, bien qu'estimé positif, ne saurait être analysé qu'une fois les projets d'investissement sélectionnés", répond Pierre Gramegna au député Justin Turpel
03-04-2015


Le 13 mars 2015, le député Justin Turpel (Déi Lénk) adressait au ministre des Finances, Pierre Gramegna, une question parlementaire portant sur le plan d’investissement de la Commission Juncker.Chambre des Députés

Il lui posait toute une série de questions.

  1. Quelles sont les raisons de la baisse des niveaux d'investissement observée dans l'UE depuis la crise financière et économique mondiale d'environ 430 milliards d'euros en comparaison du maximum de 2007 ?
  2. Cette somme est-t-elle identique à la perte de bénéfices en Europe pendant la période indiquée ou bien ne serait-il pas plus probable que les bénéfices réalisés ne soient plus réinvestis dans l'économie réelle, mais plutôt dans les produits financiers plus spéculatifs ?
  3. Quelles sont les sources des 16 milliards que veut contribuer l'Union Européenne : est-ce que cet argent est pris dans les Fonds d'investissement existants ou s'agit-il de moyens budgétaires supplémentaires ?
  4. Le Luxembourg veut-il contribuer à un financement supplémentaire du Fonds européen d'investissements stratégiques (FEIS) ou bien à un cofinancement des projets sélectionnés ?
  5. Dans l'affirmative, quelle sera la grandeur de ce financement supplémentaire ?
  6. S'agit-il d'une contribution directe de l'Etat ou bien par la banque nationale de développement, qui, au Luxembourg, est la SNCI ou bien la SNCI se partage-t-elle le risque avec les banques commerciales et les promoteurs des projets, tel qu'annoncé par le gouvernement lors de la présentation des nouveaux instruments de financement de la SNCI le 24.10.2014 ?
  7. Parmi les projets proposés par le Luxembourg dans le cadre du plan d'investissement pour l'emploi et la croissance en Europe, éligibles pour un soutien par le FEIS, a) quels sont les nouveaux projets, non encore prévus dans les plans d'investissements actuels et pour quel volume total d'investissement ? b) quels sont les projets déjà envisagés avant l'annonce du plan d'investissement pour l'emploi, dit plan Juncker, et quel en est le volume total ?
  8. Au cas où les projets prévus sous b) seront sélectionnés, quel sera le volume d'investissement que l'Etat n'aura plus besoin de faire suite au soutien par le FEIS ?
  9. Quel sera l'effet final supplémentaire du plan Juncker sur l'économie ?

La réponse du ministre des Finances

Le ministre des Finances, Pierre Gramegna, lui a répondu en date du 2 avril 2015.

Le même jour, le Premier ministre annonçait à l’issue du Conseil de gouvernement que le Luxembourg entendait contribuer au plan Juncker à hauteur de 80 millions d’euros par l’intermédiaire de la SNCI.

La baisse du niveau d’investissement : explications du ministre

Depuis le début de la crise, le niveau d'investissement dans les pays européens a connu une importante baisse. En effet, en 2013, le niveau de l'investissement, public et privé confondus, était inférieur de 430 milliards euros par rapport à son niveau en 2007. Ceci correspond à une baisse de 21 % à 17 % du PIB européen. Il s'agit cependant ici d'une moyenne globale qui ne reflète pas la situation individuelle de chaque Etat membre. En effet, la situation au sein de l'UE est très hétérogène entre les différents Etats : ainsi, dans certains Etats membres comme l'Espagne ou la Grèce, la baisse de l'investissement pouvait avoisiner voire dépasser les 60 %, alors que des pays comme la Suède ou le Luxembourg la baisse du niveau de l'investissement est beaucoup moins prononcée.

La baisse du niveau de l'investissement s'explique par de multiples facteurs et peut varier en fonction du secteur (investissement privé ou public) et de la situation structurelle des pays.

Sans prétention à l'exhaustivité, le niveau d'investissement est dépendant des facteurs suivants :

  • la crise économique et financière a conduit à une très grande incertitude macroéconomique face à laquelle les opérateurs économiques ont réagi en réduisant leurs plans d'investissement ; la faible demande en résultant a renforcé cette spirale de réduction ;
  • dans certains Etats membres, l'explosion de bulles immobilières / construction, le besoin de désendettement des ménages et des entreprises, voire le besoin des systèmes bancaires de réparer leurs bilans ont pu davantage aggraver des restrictions de crédit pour le financement de nouveaux investissements ;
  • en matière d'investissements publics, les Etats membres qui ont connu des difficultés sévères dans leurs finances publiques ont dû procéder à des baisses dans le cadre de leurs stratégies de consolidation pour rétablir une situation saine de leurs finances publiques.

Un rapport du 9 décembre 2014 de la task-force temporaire sur l'investissement, dirigée par la Commission européenne et la Banque européenne d'investissement, a analysé la faiblesse continue de l'investissement en Europe et procède à des recommandations pour y remédier.

Selon ce rapport, il n'existe pas de lien cohérent entré la baisse du niveau de l'investissement (public et privé confondus) de 430 milliards euros et la perte de bénéfices des entreprises à un niveau agrégé : i) le montant agrégé des investissements couvre des investissements publics qui ne génèrent pas directement des bénéfices pour les entreprises privées, ii) le bénéfice d'une entreprise est la résultante de nombreux facteurs où le niveau de l’investissement est un facteur parmi d'autres.

En outre, pendant une partie du temps de la crise, les entreprises européennes multinationales, pour répondre à la baisse de la croissance des marchés en Europe, ont cherché des opportunités d'investissements sur des marchés plus prometteurs en dehors de l'Europe.

Les sources du financement du FEIS

Quant aux sources de financement du Fonds Européen d'investissements stratégiques (FEIS), il sera doté de 21 milliards d'euros, dont 5 milliards d'euros proviendront de la Banque Européenne d’Investissement (BEI).

Les 16 milliards restants proviennent de la garantie de l'Union, dont 8 milliards seront versés en liquide dans un fonds de garantie.

Le fonds de garantie sera progressivement doté de ce montant de 8 milliards d'euros d'ici à 2020, grâce à des redéploiements provenant du budget général de l'Union. Il ne s'agira donc pas de dotations supplémentaires dans le cadre du budget annuel de l'UE, mais d'un redéploiement à l'intérieur du cadre financier pluriannuel 2014-2020.

Le financement des 8 milliards d'euros nécessaires au provisionnement du fonds de garantie se décompose comme suit :

  • 3,3 milliards d'euros provenant du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE);
  • 2,7 milliards d'euros issus d'Horizon 2020 (H2020) et
  • 2 milliards d'euros provenant des marges non allouées sous les plafonds de dépenses du cadre financier pluriannuel (CFP 2014-2020).

Le gouvernement favorise le modèle du co-financement de projets à travers la SNCI

Le gouvernement favorise le modèle du co-financement de projets à travers la SNCI. La SNCI et la BEI ne financent un projet qu'en partie seulement, le restant du financement devra, dans tous les cas, provenir des promoteurs privés et/ou des banques commerciales.

Le Ministère des Finances, en tant que coordinateur, se concerte avec les autres Ministères concernés afin d'élaborer une liste de projets qui seraient éligibles à un co-financement de la part de la BEI et du FEIS. Par ailleurs le Ministère des Finances entamera la même concertation avec les partenaires du secteur privé. Dans ce processus, la SNCI pourra endosser, suivant le type de projet, le rôle de partenaire financier.

L'effet final sur l'économie luxembourgeoise du "plan Juncker", bien qu'estimé positif, ne saurait être analysé qu'une fois les projets d'investissement sélectionnés

A ce stade, le gouvernement n'est pas en mesure de chiffrer des investissements spécifiques dans le cadre du FEIS. La Chambre des Députés et le public seront informés de la liste de projets nationaux dès que les travaux de concertation seront achevés. L'effet final sur l'économie luxembourgeoise du "plan Juncker", bien qu'estimé positif, ne saurait être analysé qu'une fois les projets d'investissement sélectionnés.