Principaux portails publics  |     | 

Entreprises et industrie - Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Plan Juncker – Le Parlement et le Conseil marquent un accord en trilogue sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques qui réduit la contribution prévue des budgets européens d'investissement pour la recherche et les transports
28-05-2015


Après une longue nuit de négociations, un accord en trilogue sur les modalités du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS ou EFSI en anglais), pièce centrale du "plan Juncker", a été conclu tôt dans la matinée du 28 mai 2015 entre les négociateurs du Parlement européen, du Conseil de l’UE et de la Commission européenne.

Cet accord informel, qui devra encore être confirmé par le Conseil une fois que le texte aura été ficelé au niveau technique, ouvre ainsi la voie pour un vote en plénière au Parlement européen le 24 juin 2015, ce qui "signifie que le Fonds sera opérationnel et commencera à financer des projets à la fin de l'été" 2015, souligne la Commission dans un communiqué, l’institution se félicitant du maintien du "calendrier ambitieux" qu’elle avait prévu dans sa proposition.

Le contexte

Pour mémoire, le 26 novembre 2014, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait présenté devant le Parlement européen un plan d’investissement pour l’emploi et la croissance en Europe visant à répondre à la baisse des niveaux d’investissement observée dans l’UE depuis la crise financière et économique mondiale, conformément au programme qui lui avait permis d’être élu en juillet 2014 à la tête de l’institution.

Le 13 janvier 2015, la Commission européenne avait mis sur la table sa proposition établissant l’EFSI et le 10 mars suivant, les ministres européens des Finances réunis en Conseil Ecofin avaient adopté leur position de négociation relative au projet législatif. Ils avaient été suivis rapidement par le Parlement européen où, dès le 20 avril 2015, les eurodéputés des commissions des budgets (BUDG) et des affaires économiques (ECON) ont adopté leur mandat de négociation, ouvrant ainsi la voie aux discussions en trilogue.

Lors de ces négociations, des critiques étaient néanmoins intervenues du côté du Parlement européen, certains y dénonçant une position dogmatique du Conseil. En réponse, la Présidence lettonne du Conseil de l’UE avait de son côté estimé, à l’occasion du Conseil Ecofin du 12 mai 2015, que le mandat de négociations des ministres était "suffisamment flexible et constructif" pour parvenir à un accord d'ici la fin mai.

Les coupes dans Horizon 2020 et le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe revues à la baisse

L’un des principaux enjeux de la négociation interinstitutionnelle concernait le financement du Fonds. Pour rappel, l’EFSI disposera d’un capital de 5 milliards d'euros de la Banque européenne d'investissement (BEI) et d’un fonds de garantie de 16 milliards, qui sera alimenté progressivement par le budget européen pour atteindre 8 milliards en 2020, et à partir duquel la BEI pourrait être payée en cas d'appel de la garantie.

Le financement de l'UE sera assuré par le redéploiement des subventions accordées par le Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE - dont le but est de relier les réseaux de l'énergie, des transports et du numérique en Europe) et le programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 ainsi que via les marges inutilisées dans le budget annuel de l'UE.

L’accord conclu entre les co-législateurs a néanmoins permis de revoir à la baisse les coupes qui étaient prévues dans les deux programmes européens, ce dont les négociateurs du Parlement européen se sont félicités dans un communiqué diffusé le 28 mai. Pour rappel, les eurodéputés avaient contesté le redéploiement prévu. Ainsi, comme le souligne le Conseil de l’UE dans un autre communiqué, le redéploiement de crédits, d’un montant de 5 milliards d’euros (contre 6 milliards dans la proposition de la Commission), touchera le programme MIE à hauteur de 2,8 milliards (contre 3,3 milliards proposés) et celui d’Horizon 2020 à hauteur de  2,2 milliards d’euros (la Commission prévoyait 2,7 milliards).

Le financement issu des marges non attribuées dans le budget de l’UE, qui devait atteindre 2 milliards d’euros issus des budgets 2015, 2016 et 2017, a par ailleurs été revu à la hausse. Selon l’accord, celui-ci sera finalement de 3 milliards d’euros pour la période 2016-2020, le Conseil précisant dans son communiqué qu’1 milliard d’euros sera issu des marges non utilisées des  budgets 2014 et 2015. Enfin, l’accord prévoit une extension jusqu’en 2023 des paiements pour abonder le fonds de garantie de l’EFSI.

Le Conseil souligne encore que le Fonds sera lancé pour une période initiale de trois ans à l’issue de laquelle la Commission mènera une évaluation indépendante pour vérifier si le Fonds a atteint ses objectifs et s’il s’agit de prolonger son action.

Les Etats membres et les tierces parties qui contribuent à l’EFSI exclus du comité de pilotage

Un autre sujet de débat était la gouvernance de l’EFSI, la question se posant de l’implication des "autres contributeurs" que la BEI et la Commission, à savoir les Etats membres et des tierces parties (notamment les banques publiques d’investissement des Etats membres), dans le futur comité de pilotage qui serait chargé de l’orientation générale, des orientations en matière d’investissement, du profil de risque, des stratégies et de l’allocation des actifs du Fonds.

Or, si selon la proposition de la Commission, ces autres contributeurs  auraient dû y être représentés proportionnellement à leurs contributions, tant le Conseil que le Parlement avaient rejeté cette solution dans leur position respective. L’accord informel prévoit finalement que si les Etats membres et les tierces parties pourront bien contribuer au Fonds sur base volontaire, leurs contributions "n’impliqueront aucune influence sur la gouvernance du Fonds", lit-on dans le communiqué diffusé par le Conseil. "Pour garantir un comité de pilotage impartial et éviter une influence politique sur la sélection des projets, les membres du comité seront exclusivement issus de la Commission et la BEI", poursuit le communiqué, qui précise par ailleurs que ce comité prendra ses décisions "par consensus" et non à l’unanimité comme proposé par la Commission. Enfin, il consultera régulièrement les parties prenantes, ajoute le Conseil.

Pour rappel, six États membres ont déjà annoncé leur contribution à l’EFSI par le biais de leurs banques publiques d’investissement : il s’agit de la Pologne (8 milliards d’euros), de l'Allemagne (8 milliards), de l'Espagne (1,5 milliard), de la France (8 milliards), de l'Italie (8 milliards) et du Luxembourg (80 millions). Lors de son point presse quotidien, la Commission a rappelé par la voix de sa porte-parole, Annika Breidthardt, que ces contributions ponctuelles seraient neutres au regard du Pacte de stabilité et de croissance.

Le service de presse du Parlement européen souligne de son côté dans son communiqué que les négociateurs de l’institution "ont aussi veillé à ce que le plan crée un mécanisme de financement stable pour combler le fossé lié aux investissements en Europe, en clarifiant la structure de gouvernance du fonds de garantie et en le rendant plus responsable auprès des représentants des citoyens européens", sans toutefois apporter plus de précisions.

Le Parlement serait notamment parvenu à obtenir un droit de regard sur les orientations en matière d'investissement et la nature des projets qui seront sélectionnés, comme le rapporte le Bulletin quotidien de l’Agence Europe daté du 29 mai 2015. L’Agence précise en outre qu’un tableau de bord, qui sera arrêté par le biais d'un acte délégué, permettra de suivre régulièrement l'ampleur et la nature des projets bénéficiant d'un soutien au titre du plan "Juncker" et que les eurodéputés interviendront aussi dans la nomination des futurs dirigeants du Fonds.

Les réactions

Au Parlement européen, les principaux négociateurs du projet de législation ont réagi à l’accord, leur propos étant rapporté dans le communiqué diffusé par le service de presse de l’institution.

Ainsi, José Manuel Fernandes (PPE, PT), rapporteur de la commission des budgets, a salué un accord "qui contribuera à la croissance et à la création d'emplois en Europe". "Nous sommes parvenus à réduire les coupes générales d'Horizon 2020 et du MIE d'un milliard d'euros. Après cette première victoire, nous allons poursuivre les mêmes objectifs lors de chaque négociation budgétaire annuelle", s’est-il par ailleurs félicité, tandis que Jean Arthuis (ADLE, FR), président de la commission des budgets, a convenu que "chaque équipe de négociation a[vait] dû faire des sacrifices pour que le plan fonctionne". "Chacun a dû consentir des concessions, mais je pense que nous nous sommes tous battus pour obtenir le meilleur résultat possible", a-t-il dit.

Graphique sur l'origine des crédits devant abonder l'EFSI (source: Commission européenne)Udo Bullmann (S&D, DE), rapporteur de la commission des affaires économiques, a de son côté estimé que "c'est grâce au Parlement que le plan d'investissement fonctionne". "Nous avons ouvert la voie à de nouveaux investissements dans les domaines de l'efficacité énergétique, du haut débit et des transports", a-t-il souligné. Son collègue Roberto Gualtieri (S&D, IT), président de la commission des affaires économiques, a pour sa part noté que "le Parlement européen est parvenu à améliorer le texte de manière significative".

L’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts/ALE), a également réagi par voie de communiqué à l’accord, jugeant également que le Parlement européen avait réussi à améliorer la proposition initiale de la Commission de manière significative dans plusieurs domaines très importants. Le député Vert relève notamment un accès privilégié au financement du Fonds accordé aux PME, l'accent mis, dans le domaine de l’énergie, sur le financement de l'efficacité énergétique, ainsi que de l’éolien, de l'eau et de l'énergie solaire ou encore l’exclusion de l'énergie nucléaire du financement de l’EFSI.

De son côté, le vice-président de la Commission en charge de l’Investissement, Jyrki Katainen, a dit dans un communiqué de son institution compter sur le Parlement et le Conseil pour qu’ils donnent leur approbation finale en juin "afin que l’EFSI puisse être en service cet automne".