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Dans un entretien accordé au Luxemburger Wort, Pierre Moscovici se dit "certain" que la Présidence luxembourgeoise et la Commission européenne seront capables de "travailler main dans la main" pour faire avancer les grands dossiers fiscaux
20-06-2015


www.wort.luMoins d’une semaine après la présentation du plan d’action de la Commission européenne sur la fiscalité des entreprises, le commissaire européen en charge de la Fiscalité, Pierre Moscovici, a accordé une interview au quotidien luxembourgeois Luxemburger Wort, dans laquelle il revient sur les défis à venir en matière de fiscalité dans l’Union européenne (UE).

Dans cet entretien publié dans l’édition du 20 juin 2015 et réalisé la veille, en marge du Conseil Ecofin qui réunissait les ministres des Finances des Etats membres de l’UE à Luxembourg, Pierre Moscovici estime notamment que "la fiscalité européenne souffre de plusieurs défauts", la qualifiant "d’obsolète". "Conçue dans les années 30, elle n'est pas adaptée à l'économie moderne, souvent intangible, avec des flux financiers insaisissables", dit-il, jugeant qu’il fallait par conséquent "absolument actualiser ce cadre fiscal fait de distorsions" qui "ont permis aux entreprises d'éviter l'impôt". Pour le commissaire, ce phénomène a "privé les Etats des ressources pour financer les services publics nécessaires" et il "dessert" par ailleurs les entreprises qui "ne peuvent pas bénéficier d'un marché unique pour se développer". L’ensemble dans un contexte où la demande citoyenne est très forte, alors que "presque tous les citoyens européens ont consenti des efforts et se sont comportés avec civisme", assure-t-il.

Les propositions de la Commission à cet égard visent donc à ce que "ces entreprises paient leur juste part d'impôt, qu'il y ait une harmonisation des règles et finalement qu'une société qui génère des profits soit taxée là où elle crée cette richesse". Il s’agit là de s’attaquer "à la racine des problèmes", notamment via la proposition d'échange automatique d'informations sur les tax rulings qui "doit faire en sorte que cessent les rescrits fiscaux exagérément avantageux qui ont permis à des multinationales de conduire des stratégies d'optimisation borderline". Selon le commissaire, la transparence permettra ainsi "de faire le tri entre les bons rescrits fiscaux, qui confèrent de la visibilité aux entreprises, et ceux qui servent des intérêts plus ambigus". La Commission va par ailleurs relancer le projet sa proposition relative à une assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS), avec l’objectif de présenter le nouveau projet "le plus tôt possible en 2016", puisqu’il s’agit "d’aller vite". Mais le commissaire de préciser que "la Commission n'agit pas sur les taux, mais veille à rapprocher les assiettes et ensuite à imposer un principe de taxation effective dans tous les pays européens".

Dès lors, de nombreuses discussions se dérouleront sous Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE au deuxième semestre 2015, Pierre Moscovici soulignant à cet égard que "le Luxembourg souhaite vraiment être proactif et exemplaire en la matière". Et de se dire "certain" que la Présidence et la Commission seront capables de "travailler main dans la main sur ces sujets, pour des raisons politiques que chacun peut comprendre". "Les Luxembourgeois souhaitent aller de l'avant. Le président luxembourgeois de la Commission de même. Le Luxembourg apparaîtra à ce moment-là comme un acteur majeur de la transparence fiscale et de la modernisation des outils fiscaux", explique ainsi le commissaire à la Fiscalité.

Selon Pierre Moscovici, la Présidence luxembourgeoise serait notamment attachée à faire progresser les négociations BEPS au sein de l’OCDE de même que le plan d'action de la Commission. Elle devra ainsi "finaliser la proposition de directive sur l'échange automatique d'informations en matière de tax rulings puisque celle-ci doit être mise en place dès le 1er janvier 2016", poursuit le commissaire, qui relève que "dans ces deux dossiers, nous avons un agenda commun, Pierre Gramegna [le ministre luxembourgeois des Finances] et moi, et nous souhaitons bien avancer ensemble", cela "à la fois au sein de I'UE et dans les instances internationales".

Sur la question des potentielles nouvelles obligations de publication en matière d’impôts et de bénéfices pour les entreprises multinationales (dit aussi "reporting" par pays en anglais) au sujet de laquelle la Commission a lancé une consultation publique, Pierre Moscovici assure qu’il faut "agir de manière réaliste en la matière". La consultation "doit déboucher sur une décision", dit-il, affirmant qu’il "ne s'agit pas d'enterrer la chose". "Nous nous voulons conciliants. Mais, aussi bien Jean-Claude Juncker que moi-même nous sommes favorables à ce qu'on avance dans cette direction".

Quant aux enquêtes en cours en matière de ruling dont deux visent le Luxembourg, le commissaire européen rappelle être responsable de la législation fiscale et non des dossiers de concurrence, sur lesquels sa collègue Margrethe Vestager à la main. "Elle agit en toute indépendance. Elle a la confiance absolue du président. Nous travaillons main dans la main. Et bien sûr les procédures en cours suivront leur propre destin sous sa houlette", conclut-il.