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Economie, finances et monnaie
Conseil ECOFIN – Alors que le vote s'annonçait difficile, les ministres des Finances de l’UE marquent un accord politique de principe sur la proposition de règlement visant à réformer la structure des banques
19-06-2015


La conférence de presse à l'issue du Conseil ECOFIN du 19 juin 2015 (c) Union européenneLe 19 juin 2015, les ministres des Finances de l’Union européenne (UE), se sont réunis à Luxembourg dans le cadre d’un Conseil "Affaires économiques et financières" (ECOFIN) marqué notamment par un accord politique de principe des ministres sur la proposition de règlement sur la réforme de la structure des banques, proposée par la Commission européenne en janvier 2014 dans le cadre de l’Union bancaire, et par une discussion sur le projet législatif visant à introduire un échange automatique d’informations en matière de "tax rulings".

Ce Conseil, le dernier à s’être tenu sous présidence lettonne, fut l’occasion pour Pierre Gramegna, le ministre des Finances luxembourgeois, de présenter les priorités de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE au second semestre 2015. Pierre Gramegna a présenté les questions relevant de la fiscalité, et plus précisément de la fiscalité des entreprises comme la priorité numéro un de son gouvernement en vue de la Présidence. Les services financiers, et notamment la mise en place d’une Union des marchés des capitaux, seront également à l’ordre du jour. Suit la nécessité de trouver un accord sur le budget 2016 de l’UE, avec tous les défis liés à l’actualité qui y sont liés, comme les financements nécessaires pour faire face à l’afflux de réfugiés ou encore la mise en place du Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI). Enfin, le rapport des cinq présidents sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire sera lui aussi à l’agenda de la Présidence à venir.

Réforme des structures bancaires et union des marchés de capitaux

Les ministres ont marqué un accord politique de principe sur la proposition de "règlement relatif à des mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l’UE" (2014/0020 (COD). Ce règlement vise à renforcer la stabilité financière et réduire la prise de risques excessive en protégeant l’activité de dépôt des banques européennes les plus grandes et les plus complexes des activités de trading risquées, et est censé empêcher ces mêmes établissements de pratiquer la négociation pour compte propre, une activité de marché risquée. Il avait été proposé par la Commission européenne le 29 janvier 2014 dans le cadre de la mise en place de l’Union bancaire.

Alors que le vote s’annonçait particulièrement difficile, la France s’opposant au champ d’application jugé "trop restreint" ainsi à l’exception accordée au Royaume-Uni au motif que ses banques se verront appliquer la réforme Vickers, jugée aussi ambitieuse que le projet européen, les ministres sont parvenus à s’entendre sur le texte de compromis proposé par la Présidence lettonne.

La proposition de règlement ne s’applique qu’aux banques systémiques ou à celles dont l’actif total était d’au moins 30 milliards d’euros sur les trois dernières années et les activités de trading d’au moins 70 milliards d’euros ou 10 % du total de leurs actifs, des banques considérées comme "too big to fail". Elle prévoit une séparation obligatoire du trading pour compte propre et établit un cadre légal permettant aux autorités compétentes de prendre des mesures pour réduire la prise de risque excessive. Si l’autorité compétente estime qu’un risque excessif existe, elle peut exiger que les activités de trading soient séparées ou demander à la banque de renforcer ses fonds propres.

La proposition lettonne de compromis répartit par ailleurs les grandes banques européennes en deux groupes ('Tier1' et 'Tier 2') en fonction d'un seuil correspondant à 100 milliards d'euros d'activités de trading calculé soit sur les activités mondiales des groupes bancaires basés dans l'UE, soit sur les activités dans l'UE des groupes bancaires établis dans des pays tiers. Simple, transparente et inspirée du rapport 'Liikanen', cette méthodologie tient également compte des risques encourus, justifie la Présidence lettonne. Le compromis prévoit aussi que toute banque dont les dépôts sont inférieurs à 35 milliards d’euros (50 milliards dans la proposition initiale de la Commission), ou celles dont les dépôts correspondent à moins de 3 % du total de bilan, ne seront pas concernées par le règlement.

Le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, lors du Conseil Ecofin du 19 juin 2015 à Luxembourg (c) Union européennePour Pierre Gramegna, le compromis trouvé, qui permet une certaine séparation des activités des banques universelles, va certes "moins loin que la proposition d’origine et moins loin aussi que la législation britannique" mais offre "un bon équilibre". Le ministre s’est engagé à tout faire pour parvenir "si possible" à un accord en trilogue d’ici la fin de l’année. La Présidence luxembourgeoise commencera donc les négociations avec le Parlement européen dès que ce dernier aura arrêté sa position, la dernière tentative ayant avorté le 26 mai 2015. La proposition de règlement requiert la majorité qualifiée au Conseil.

Le Conseil a par ailleurs adopté des conclusions sur l'établissement d'une Union des marchés de capitaux, censée lever les obstacles au financement pour stimuler la croissance de l'Europe. Le Conseil estime que des marché de capitaux plus développés et plus intégrés pourraient libérer l’investissement pour les entreprises et les projets d’infrastructure, attirer l’investissement étranger, contribuer à la croissance et à la création d’emploi et rendre le système financier plus efficace, robuste et résistant aux chocs.

Fiscalité

Echange automatique d’informations en matière de décisions fiscales anticipées

Les ministres ont eu une discussion sur le projet législatif proposé par la Commission européenne en mars 2015 visant à introduire un échange automatique d’informations en matière de décisions fiscales anticipées (tax rulings), un sujet apparu sous les feux de l’actualité dans la foulée des révélations faites dans l’affaire Luxleaks en automne 2014.

Le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, a assuré avoir fait de ce texte une priorité pendant la Présidence et espère donc parvenir à un accord d’ici fin 2015. "Mais cela ne dépend pas que de nous", n’a-t-il pas manqué de commenter devant la presse à l’issue de la réunion.

Les discussions se sont articulées autour de plusieurs questions relevées par la Présidence lettonne au fil des travaux qui ont été menés jusque-là au niveau technique.

Il s’agissait ainsi de s’entendre sur les délais de mise en œuvre d’un tel échange automatique d’information. Si l’idée est d’avancer vite, la Commission visant une mise en œuvre dès 2016, la Présidence lettonne a toutefois mis en avant le fait qu’il faudrait prévoir un délai de transposition d’un an afin de laisser à tous les Etats membres le temps nécessaire aux procédures de transposition du texte dans la loi nationale. L’idée est que la mise en œuvre de l’échange automatique d’informations coïncide avec la fin de ce délai de transposition.

La question de la rétroactivité de la transparence sur ces rulings, que la Commission souhaite établir à dix années pour les décisions fiscales anticipées encore en vigueur, est apparue dans ce contexte comme un enjeu important des discussions. Nombreuses sont en effet les délégations qui ont invoqué l’aspect pratique des choses pour mettre en cause la pertinence de ces dix années de rétroactivité : la masse d’informations que représenteraient dix ans de décisions fiscales anticipées, et par conséquent la charge administrative que cela impliquerait,  a donc été un argument phare des différents appels au pragmatisme qui ont été lancés. Un argument basé sur l’efficacité soutenu aussi par Pierre Gramegna, qui a souligné que ce sujet était "un souci partagé", sans pour autant être "une condition absolue" pour le Luxembourg.

Il s’agit encore de conseil-ecofin-moscovicidéfinir le champ d’application du texte. La Commission, suivie sur ce point par plusieurs Etats membres, comme le Luxembourg, qui s’est notamment demandé pourquoi exclure les rulings nationaux ayant des implications internationales, veut une définition aussi large que possible. Mais certains Etats membres sont désireux de voir introduire, souvent dans le souci d’éviter une trop grande charge administrative, des exemptions concernant par exemple les PME, ou encore les décisions fiscales anticipées bilatérales et multilatérales concernant des pays tiers. Ce dernier aspect est apparu comme une préoccupation importante pour de nombreux pays qui s’inquiètent de voir remis en question tout un réseau d’accords fiscaux bilatéraux. Pierre Gramegna, qui a rappelé les obligations internationales découlant de l’OCDE, a pour sa part mis en avant le fait que l’objectif était de parvenir à un "level playing field". Si l’UE a un rôle de pionnier en matière d’échange automatique d’informations sur les rulings, il importe donc que les autres suivent, a-t-il souligné.

Enfin, la question du rôle de la Commission dans ce futur mécanisme a elle aussi été un enjeu important des discussions. Beaucoup s’inquiètent en effet de la confidentialité des données qui seront échangées et du fait que la Commission n’est pas une autorité compétente en matière fiscale, et n’est donc pas soumise aux règles de confidentialité des administrations fiscales.  Pour Pierre Gramegna, qui a pris note des remarques faites par ses pairs sur le sujet, le sujet méritera d’être analysé. Mais le rôle de la Commission en tant que "garante du processus et d’un bon fonctionnement" a aussi été mis en avant à plusieurs reprises.

Le commissaire aux Affaires économiques et monétaires, à la Fiscalité et à l’Union douanière, Pierre Moscovici n’a pas manqué de souligner que l’argument de la confidentialité ne devrait en aucun cas servir de prétexte pour écarter la Commission, qui traite déjà des données très confidentielles et n’a ni la capacité ni la volonté de traiter elles-mêmes les données échangées entre administrations fiscales des Etats membres.

Impôts sur les sociétés : directive concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectuées entre des sociétés associées d’Etats membres différents

Les ministres ont ensuite eu un rapide débat sur le projet de directive concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements transfrontaliers d’intérêts et de redevances effectuées entre des sociétés associées d’Etats membres différents. Ce projet législatif, qui vise à réviser la directive 2003/49/CE, a été mis sur la table par la Commission européenne en novembre 2011. La question de "la lutte contre l’évasion fiscale et la planification fiscale agressive" ayant émergé comme une priorité politique à l’issue du Conseil européen de décembre 2014, la Présidence lettonne a tenté, tout au long du semestre, de faire avancer un dossier essentiel en matière d’imposition des sociétés, puisque ce texte est destiné à prévenir l’évasion fiscale des entreprises.

Soucieuse d’avancer vite, la Présidence lettonne a proposé un compromis visant à trouver un accord distinct sur l’introduction d’une clause-anti abus commune minimale, tout en assortissant cet accord de déclarations assurant de la volonté de poursuivre le travail sur le reste des dispositions prévues par ce projet législatif.

Au cours du débat, il est apparu clairement que cette idée de scinder la directive pour parvenir à un accord au plus vite, - une idée que soutenait la Commission, préférant avoir un accord, même s’il ne devait pas être complet, - fait l’objet de vives oppositions, notamment de l’Allemagne et de la France dont les ministres se sont accordés pour continuer à travailler à l’établissement d’une véritable norme, dans la dynamique de l’initiative BEPS conduite au niveau de l’OCDE.

"La proposition de la Présidence lettonne n’a pas été retenue, ce qui veut dire que la directive reste sur la table dans son intégralité", a retenu Pierre Gramegna. Pierre Moscovici a pour sa part pris le parti de voir cette décision comme "une incitation à aller plus vite, plus fort, plus loin, plus haut" dans les discussions à venir, relancées par le plan d’action sur la fiscalité des entreprises que la Commission a présenté succinctement aux ministres. Pierre Gramegna a d’ailleurs assuré de "larges discussions" sur ce dernier lors de la réunion informelle des ministres de l’Economie et des Finances prévue à Luxembourg en septembre prochain.

Plan d'investissement : Fonds européen pour les investissements stratégiques

Les ministres ont pris note de l'accord en trilogue intervenu le 28 mai 2015 avec le Parlement européen sur le règlement relatif au Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) dans le cadre du plan d'investissement pour l'Europe proposé par la Commission Juncker. Le Parlement européen sera amené à donner son accord final sur le texte lors d’une session plénière le 24 juin 2015.

L’EFSI pourra ainsi être opérationnel comme prévu dès le mois de septembre 2015. Le ministre letton des finances, Jānis Reirs, qui présidait le Conseil, s’est félicité, lors de la conférence de presse, qu’un compromis ait pu être trouvé en si peu de temps. "Nous avons jeté des fondations solides qui feront de l’EFSI un instrument dynamique, qui facilitera la coopération et redynamisera les synergies sur le marché", a-t-il indiqué.

"Tout est sur les rails pour que le cadre juridique et financier de l’EFSI soit en place fin juin", s’est réjoui pour sa part Pierre Gramegna, relevant que, lors des discussions, tout le monde avait souligné le besoin de réussir rapidement sa mise en œuvre. Pour cela, plusieurs conditions sont requises, a observé le ministre luxembourgeois devant la presse. La Banque Européenne d’Investissement (BEI) doit optimiser ses relations avec les agences nationales de promotion des investissements, car il importe de "dénicher de bons projets". Elle doit aussi individualiser des projets avec une forte "additionnalité" par rapport aux projets soutenus en temps normal : il pourra donc s’agir de projets plus risqués, mais qui restent viables, a souligné Pierre Gramegna. Le ministre s’est d’ailleurs félicité de voir que la BEI avait déjà mis en œuvre une dizaine de projets grâce à ses réserves, ce qui démontre d’une part qu’il y a une marge de manœuvre, et d’autre part que le ratio de levier visé fonctionne bien.

Semestre européen

Après leurs homologues en charge de l’emploi la veille lors du Conseil EPSCO, les ministres des Finances ont approuvé les recommandations par pays relatives aux politiques économiques et budgétaires adressées aux États membres dans le cadre du semestre européen 2015, ainsi qu'une recommandation sur les grandes orientations des politiques économiques de la zone euro

Les recommandations par pays 2015 devront maintenant être approuvées par les chefs d’Etat ou de gouvernement lors du Conseil européen des 25 et 26 juin et le Conseil les adoptera en juillet 2015. Les recommandations adressées au Luxembourg pour 2015 sont disponibles ici.

Autres points

Le Conseil a par ailleurs décidé la clôture des procédures pour déficit excessif ouvertes à l’encontre de Malte et de la Pologne, confirmant que ces pays avaient réduit leurs déficits à moins de 3 % de leur PIB, la valeur de référence fixées par l’UE. Neuf des 28 Etats membres restent donc concernés par cette procédure, alors qu’un pic de 24 avait été atteint pendant une période de 12 mois en 2010-2011.

La procédure pour déficit excessif concernant Malte avait été ouverte en juin 2013, alors que le déficit du pays atteignait 3,3 % du PIB de 2012. Malte avait réduit son déficit à 2,6 % en 2013 et 2,1 % en 2014. Les prévisions économiques du printemps 2015, présentées par la Commission le 5 mai 2015, prévoyaient un déficit pour 2015 à hauteur de 1,8 % du PIB et pour 2016 à hauteur de 1,5 %.

Pour ce qui est de la Pologne, la procédure avait été ouverte en juillet 2009. Si le déficit du pays atteignait encore 3,2 % du PIB en 2014, la Pologne a néanmoins pu bénéficier de dispositions spécifiques au regard de la procédure pour déficit excessif relative à la réforme des retraites, a noté le Conseil dans un communiqué de presse, son déficit étant proche de la valeur de référence et la dette publique étant inférieure à 60 % du PIB. Les prévisions économiques du printemps 2015 prévoient également un déficit pour 2015 à hauteur de 2,8 % du PIB et pour 2016 à hauteur de 2,6 %.

Le Conseil a par ailleurs conclu que le Royaume-Uni avait dépassé le délai au titre de la procédure pour déficit excessif ouverte depuis juillet 2008. Il a accordé au pays un délai de deux ans supplémentaires (l’exercice financier allant du 1e avril 2016 au 1e avril 2017) pour réduire son déficit à moins de 3 % du PIB.

Les ministres ont également tenu un débat sur le renforcement de la gouvernance économique dans la zone euro.

Une réunion de l’Eurogroupe avant le Sommet de la zone euro du 22 juin 2015

Pierre Gramegna devant la presse à l'issue du Conseil Ecofin du 19 juin 2015Interrogé au cours de son briefing national sur l’issue de la réunion de l’Eurogroupe qui s’était tenue la veille, Pierre Gramegna a expliqué aux journalistes que le sommet de la zone euro convoqué le 22 juin 2015 dans la soirée serait précédé d’une nouvelle réunion de l’Eurogroupe qui permettra de préparer les travaux des chefs d’Etat et de gouvernement. Le ministre luxembourgeois a répété à de nombreuses reprises qu’aucune décision n’avait pu être prise concernant la Grèce dans la mesure où un certain nombre d’informations manquaient à ce stade. "Des ouvertures ont été esquissées par les institutions", qui ajoutent de la flexibilité, et ce sont maintenant "des réactions et des propositions de la partie grecque, sur les mesures qui seront prises et leur calendrier de mise en œuvre" qui sont attendues, a rapporté le ministre. Car ce n’est pas parce que l’on s’est entendu sur un objectif que les choses sont réglées, il faut aussi s’entendre sur les moyens d’y parvenir, a précisé Pierre Gramegna, en citant l’exemple de l’excédent primaire budgétaire à dégager.

Un des enjeux du blocage actuel est qu’il est d’une part question de trouver un accord à très court terme, pour lequel l’accord trouvé le 20 février 2015 offre un cadre juridique, et d’autre part qu’il faut aussi trouver un accord à plus moyen terme, alors qu’à cet égard il n’y a ni chiffres, ni demande formelle sur la table, a encore expliqué Pierre Gramegna.