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Dans un entretien accordé au quotidien allemand "Süddeutsche Zeitung", Jean-Claude Juncker exclut la possibilité d’un Grexit et d’un Brexit et annonce l’ouverture d’une procédure d’infraction contre l’Allemagne au sujet de la "Maut"
31-05-2015


Süddeutsche ZeitungEn marge d’une rencontre à Berlin le 1e juin 2015 avec la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande où il sera question de la politique économique de l’UE, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a accordé, le 31 mai 2015, un entretien au quotidien allemand "Süddeutsche Zeitung". Au menu : l’avenir de l’Union européenne sur fond de discussions autour d’éventuels "Grexit" et "Brexit", de montée en puissance des partis populistes, et des récents propos du président hongrois Viktor Orbán sur la réintroduction de la peine de mort dans son pays. Le président de la Commission européenne a également évoqué le projet de l’Allemagne d’instaurer une redevance pour les conducteurs étrangers empruntant ses autoroutes, la fameuse "Maut".

"Le Grexit n’est pas une option à envisager"

Interrogé sur une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro, Jean-Claude Juncker a répondu qu’il ne "partage[ait] pas l’idée selon laquelle on aurait moins de soucis et de contraintes si la Grèce abandonnait l’euro", mais au contraire, "on aurait bien d’autres soucis" si cela devait avoir lieu. Le président de la Commission a ici fait référence à sa rencontre, le 29 mai 2015 lors du Sommet UE-Japon à Tokyo, avec le Premier ministre japonais Shinzō Abe qui avait clairement exposé que les investissements du Japon en Europe dépendaient de la "confiance en l’euro". Ainsi, si un pays devait quitter la zone euro, on risquerait de faire fuir les investisseurs internationaux, selon Jean-Claude Juncker et, par ailleurs, "l’idée selon laquelle l’euro n’est pas irréversible se propagerait".

Au sujet du programme d’aide à la Grèce, Jean-Claude Juncker a rappelé l’importance de la participation du Fonds monétaire international (FMI) et a estimé que si la Grèce avait "fait des progrès" jusqu’ici dans les négociations avec ses institutions créancières, ceux-ci n’étaient pas encore assez "mûrs" pour tirer un bilan définitif. La Grèce, dont le programme d’aide avait été prolongé de quatre mois (jusqu’à la fin du mois de juin 2015), dans le cadre d’un accord trouvé lors de l’Eurogroupe de février 2015, s’était en effet engagée à présenter à ses institutions créancières une liste de réformes précises qu’elle entendait mettre en œuvre en contrepartie. S’il serait, selon Jean-Claude Juncker, "souhaitable" que ces négociations aient abouti avant le sommet du G7 qui se tiendra les 7 et 8 juin 2015 en Allemagne, cela n’est "pas indispensable", la Grèce ayant jusqu’au 30 juin pour présenter sa liste de réformes. Mais une chose est sûre, les "résultats des négociations avec Athènes devront renforcer l’Union monétaire".

 "Le système partisan européen est en train de vaciller"

Commentant la montée en puissance des partis populistes en Europe, le président de la Commission a reconnu que "l’on a été trop inattentif aux conséquences sociales que pouvait avoir la politique de crise dans les Etats membres". "Celui qui ne voit pas qu’il y a une crise humanitaire en Grèce est aveugle", a-t-il estimé, ajoutant que si les Grecs avaient voté pour Syriza et les Espagnols pour Podemos, c’est parce que les "partis établis ne perçoivent plus les peurs et les besoins des gens".  Selon Jean-Claude Juncker, "le système partisan européen est en train de vaciller" mais cela pourrait rester un "phénomène transitoire" si les "partis populaires réagissent" maintenant.

 "La question du Brexit ne se pose pas"

Au sujet d’une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’UE qui fera l’objet d’un référendum d’ici à fin 2017, Jean-Claude Juncker a soutenu que les Britanniques "n’aspirent pas" à un "Brexit", rappelant qu’il revenait au Conseil européen et aux Etats membres, et non pas à la Commission, de discuter et de négocier avec le Premier ministre britannique David Cameron pour le maintien de son pays dans l’UE.

 "Celui qui introduit la peine de mort n’a pas sa place dans l’Union européenne"

Le président de la Commission européenne s’est montré intransigeant face aux récents propos du président hongrois Viktor Orbán sur une éventuelle réintroduction de la peine de mort dans son pays. "Si la Hongrie réinstaurait la peine de mort, cela serait un motif de séparation. Un motif de séparation !", a-t-il insisté, soulignant que "celui qui introduit la peine de mort n’a pas sa place dans l’Union européenne".

Péage autoroutier : la Commission ouvrira une procédure d’infraction contre l’Allemagne

Enfin, Jean-Claude Juncker a fait savoir que la Commission européenne, en tant que gardienne des traités, ouvrira une procédure d’infraction contre l’Allemagne dont le Bundestag a approuvé, le 27 mars 2015, un projet de loi visant à introduire une "redevance d’infrastructure" pour les conducteurs étrangers empruntant les autoroutes du pays. "Si besoin", la Commission pourra également poursuivre le pays devant la Cour de justice de l’UE, a ajouté Jean-Claude Juncker, précisant qu’"un péage n’est conforme au droit européen que s’il respecte le principe fondamental de non-discrimination garanti par les traités". Or, la Commission a de «sérieux doutes" que cela soit le cas, a-t-il insisté.

Réactions

Aussitôt après la publication de l’interview du président de la Commission, de nombreuses voix se sont fait entendre en Allemagne. Le ministre des Transports, Alexander Dobrindt, a vivement réagi, indiquant que "si la Commission avait des remarques à faire, elle devait clairement exposer ce qui ne lui convient pas", une "critique au forfait" n’étant "pas acceptable", ainsi que le rapporte une dépêche de la Deutsche Presse Agentur (DPA). Pour le ministre "le gouvernement, le Bundestag et le Bundesrat ont décidé de lois qui sont conformes au droit européen".  Alexander Dobrindt avoue par ailleurs "ne pas comprendre pourquoi une "Maut" ne serait pas possible en Allemagne alors qu’elle existe déjà presque partout ailleurs en Europe".

L’eurodéputé allemand Jo Leinen (S&D), qui avait déjà prédit la réaction de la Commission européenne lors d'une prise de position en février 2015, s’est pour sa part félicité de l’annonce de Jean-Claude Juncker. Pour lui, un péage autoroutier pour automobilistes étrangers engendrerait de "sérieux dégâts" dans les régions frontalières où les secteurs du commerce, de la gastronomie et du tourisme devraient faire face à des pertes de chiffre d’affaires, notamment en Sarre, dont il est originaire. Après la décision de la Cour de justice de l’UE, l’Allemagne devra donc choisir entre l’abolition de la "Maut" ou l’instauration d’un péage pour tous les automobilistes, a ajouté l’eurodéputé.