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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
La commission de l’environnement du Parlement européen vote une résolution condamnant la faible réaction de la Commission à la première initiative citoyenne européenne "Right2Water"
24-06-2015


L'initiative citoyenne "L'eau, un droit humain" a recueilli 1 million de signatures le 11 février 2013La faible réaction de la Commission à la première initiative citoyenne européenne (ICE) sur "l'eau, un droit humain" (ou "Right2Water" en anglais) pourrait décrédibiliser le système d'ICE, a averti la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI)  dans une résolution votée le 24 juin 2015. La Commission européenne "manque d'ambition réelle et n'a pas répondu aux demandes des organisations", ont ajouté les députés, qui ont adopté le rapport de l’eurodéputée Lynn Boylan (GUE/NGL, IE) à 38 voix pour, 22 voix contre et 6 abstentions, comme le fait savoir un communiquédu Parlement européen.

Le contexte

L’ICE visant à inscrire le droit à l’eau comme un droit universel a été lancée en juin 2012. Quelques mois plus tard, elle était la première ICE à passer le cap du million de signatures nécessaires et dès le 9 mai 2013, "Right2Water" avait dépassé le seuil des 7 pays et du million de signatures nécessaires pour que l’ICE puisse être prise en compte. Au Luxembourg, le quorum des 4500 signatures requis avait été atteint début mai 2013.

Forts du soutien de 1,68 million de citoyens et des seuils légaux largement dépassés dans 13 Etats membres, les organisateurs de l’ICE avaient transmis officiellement leur initiative à la Commission européenne en décembre 2013. Une fois validée, une ICE permet à un million de citoyens provenant d’au moins un quart des Etats membres de l’UE d’inviter la Commission européenne à présenter une proposition législative dans des domaines relevant de la compétence de l'UE.

Le 19 mai 2014, la Commission européenne donnait une suite favorable à l’ICE "Right2Water". Si, dans sa communication, elle reconnaissait "clairement l’importance de l’eau comme bien public", elle indiquait cependant que les services liés à l'eau dans le marché intérieur  relevaient "avant tout du ressort national". A la lumière de l’ICE, la Commission avait pris les engagements suivants :

  • intensifier les efforts en vue de la mise en œuvre intégrale par les États membres de la législation de l’UE sur l'eau;
  • lancer une consultation publique au niveau de l'UE concernant la directive sur l’eau potable pour déterminer les améliorations à apporter et la manière de procéder, une mesure prise le 24 juin 2014;
  •  améliorer l'information des citoyens grâce à une gestion et à une diffusion des données simplifiées et plus transparentes dans le domaine des eaux urbaines résiduaires et de l’eau potable;
  • étudier la possibilité de la mise en place d’une évaluation comparative de la qualité de l’eau;
  • instaurer un dialogue plus structuré entre les parties prenantes sur la transparence dans le secteur de l’eau;
  • coopérer avec des initiatives existantes dans le but de définir un ensemble de critères de référence plus large pour les services liés à l’eau, améliorant ainsi la transparence et responsabilisant davantage les prestataires dans ce domaine en mettant à la disposition des citoyens des données sur les principaux indicateurs économiques et qualitatifs;
  • encourager les approches innovantes pour l’aide au développement (par exemple, soutien aux partenariats entre les compagnies de distribution d’eau et aux partenariats public-public), promouvoir les bonnes pratiques entre les États membres (portant, par exemple, sur les instruments de solidarité) et recenser de nouvelles possibilités de coopération;
  • promouvoir l’accès universel à l’eau potable et à l’assainissement en tant que domaine prioritaire dans les objectifs de développement durable pour l'après-2015;
  • inviter les États membres, agissant dans le cadre de leurs compétences, à tenir compte des préoccupations exprimées par les citoyens au moyen de cette initiative et les encourager à intensifier leurs efforts pour garantir la fourniture d’eau potable à un prix abordable pour tous.

La Commission européenne "se limite à réitérer les engagements déjà pris", selon les eurodéputés

"Près de deux millions de citoyens ont signé cette ICE et la réponse de la Commission européenne n'a tout simplement pas été suffisante", a indiqué Lynn Boylan, invoquant les "craintes sérieuses et légitimes concernant la privatisation des services liés à l'eau" que nourrissent les citoyens. "L'eau est un droit humain, et non une marchandise et ne devrait être traitée de la sorte", a-t-elle ajouté.

Dans un communiqué publié sur le site de son groupe politique, la rapporteure s’est félicitée que les amendements visant à exclure les services liés à l’eau des règles du marché unique et des accords commerciaux, comme le TTIP, aient été acceptés.

Dans leur résolution, les députés regrettent que la communication de la Commission pour répondre à l'ICE et à l'audition des organisateurs du l’ICE au Parlement le 17 février 2014 soit "sans ambition réelle, ne réponde pas aux demandes concrètes exprimées dans l'ICE et se limite à réitérer les engagements déjà pris". Lors de leur audition, les organisateurs de l’ICE avaient en effet instamment invité la Commission européenne à garantir l'accès à l'eau et aux services d'assainissement comme un droit humain, et à s'engager juridiquement à ce que les services liés à l'eau ne soient pas libéralisés au sein de l'UE.

Par ailleurs, les eurodéputés redoutent que l'Union européenne, en négligeant les ICE "couronnées de succès et largement soutenues", ne perde toute crédibilité aux yeux des citoyens.

Ainsi, ils appellent la Commission à présenter des propositions législatives, incluant, si nécessaire, une révision de la directive-cadre de l'UE sur l'eau (directive 2000/60/CE), afin de reconnaître l'accès abordable à l'eau comme un droit humain.

Garantir l'accès à l’eau à tous

Par ailleurs, les députés font remarquer que les États membres ont le devoir de garantir l'accès à l'eau à tous, quel que soit le fournisseur, et de veiller à ce que les prestataires fournissent de l'eau potable et améliorent les installations d'assainissement.

Ils estiment également que l'UE devrait rester neutre par rapport aux décisions nationales régissant la propriété des compagnies d'eau. Étant donné que les fournisseurs d'eau proposent des services d'intérêt général, ces services devraient être exclus de manière permanente des dispositions européennes sur le marché unique.

Exclure l'eau des accords commerciaux

De plus, en raison du caractère spécifique de l'eau et des services d'assainissement, comme la production, la distribution et le traitement, il est impératif de les exclure de tout accord commercial négocié ou envisagé par l'UE, ajoutent les parlementaires.

Prochaines étapes

Le rapport sera mis aux voix lors de la session plénière des 7-10 septembre 2015 à Strasbourg.