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Commerce extérieur - Traités et Affaires institutionnelles
Les députés luxembourgeois ont pris connaissance des conditions d’accès aux documents de négociations du TTIP, pour la plupart avec déception
16-02-2016


ttip (source: Commission européenne)Le 16 février 2016, les députés luxembourgeois étaient invités à la Chambre des députés pour une réunion d’information sur les conditions d’accès à la salle de lecture aménagée au ministère des Affaires étrangères, pour la consultation de documents liés aux négociations de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis (TTIP).

À l’issue de la réunion, la majorité des députés se sont montrés dubitatifs quant aux restrictions sévères qui leur sont imposées. Les députés ont appris qu’ils ne pourraient pas faire de photocopie, ni de photo, qu’ils ne pourraient pas y emmener un appareil électronique et ne pourraient pas être non plus accompagnés d’un assistant parlementaire ou d’un expert.

Mais, la disposition la plus critiquée est celle qui interdirait aux députés de discuter avec des personnes autorisées des documents qu’ils ont lus, sous peine de conséquences légales mentionnées dans le texte que tout parlementaire devrait signer avant d'entrer dans la salle de lecture où l'attendent les documents du TTIP.

Sur son site internet, la Chambre des députés rappelle que ces conditions strictes auxquelles doivent se soumettre les députés désireux de consulter ces documents sont "le résultat de négociations entre la Commission européenne et les Etats-Unis", conclues le 17 novembre 2015. Or, "la partie américaine insiste fortement sur le caractère confidentiel des documents (et notamment des passages reprenant les positions des Etats-Unis), en autorisant certes la lecture des textes, mais en imposant de strictes limites quant à l'utilisation des informations reçues".

Le principal parti d’opposition, le CSV, pourrait dans ces conditions renoncer à l’accès aux documents de négociation qu’il avait demandé "simple", le 15 septembre 2015, après avoir eu connaissance de l’intention du président du Bundestag allemand de requérir à un tel accès auprès de la Commission européenne. Le député CSV, Laurent Mosar, a en effet estimé, dans les colonnes du Luxemburger Wort, qu’ "il y a une série de dispositions dans le document, qu’en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas signer. Cela restreindrait nos droits constitutionnels."

Il est selon lui inacceptable que les députés ne puissent divulguer aucun détail sur les documents. "C’est quand même la chose plus normale du monde, quand on parle du texte d’un accord aussi essentiel, qu’on puisse discuter au sein de la commission compétente, qu’on puisse poser une question au ministre, qu’il réponde ou qu’il ne réponde pas. Mais comment peut-on fonctionner par la suite si nous n’avons pas nous-mêmes la possibilité de discuter de l’information que nous devons recopier comme à l’école primaire", a-t-il dit au micro de 100komma7. Il faudrait que les modalités pour l’accès aux documents soient modifiées pour que le CSV révise sa position, a-t-il fait savoir.

Alors que son parti, Déi Lénk, avait en vain demandé la diffusion télévisée de la réunion d’information, le député Serge Urbany a regretté qu’il ne soit pas possible d'emporter des documents pour les comparer et les discutera avec d’autres membres du parti et en public. "Il est inacceptable qu'en tant que député, nous devions signer un document, qui contraint au silence", a-t-il déclaré au Luxemburger Wort. "Nous devons pouvoir partager publiquement nos conséquences tirées de la consultations des documents, sans en révéler les détails."

Le député Déi Gréng Claude Adam estime que l’accès aux documents est davantage une "ouverture" qu’un progrès. Pour cause, "ce document est difficilement conciliable avec le mandat d’un député, dont la mission consiste à contribuer à la formation des opinions", pense-t-il. Il est favorable à de nouvelles discussions avec le gouvernement, pour  ensuite décider si les députés verts useront ou pas de la possibilité de consulter les documents. Claude Adam fait en effet état de différences d’interprétation sur l’interdiction faite au député de parler.

Le député DP, Gusty Grass a pour sa part déclaré au Luxemburger Wort, qu’ "évidemment, en tant que représentant du peuple, on se demande, si un accès aussi fortement réglementé est justifié". "Nous recevons tout de même la possibilité, comme député, de consulter des documents confidentiels", concède-t-il, avant d’imaginer que de nouvelles discussions avec le gouvernement puisse donner lieu à un "accord à la luxembourgeoise" qui sied au plus grand nombre. Son colisitier, Eugène Berger, a néanmoins, dans Le Quotidien, qualifié de "but contre son camp", les modalités d’accès aux documents.

Au micro de 100 komma7, le président de la Chambre des députés, Mars Di Bartolomeo, a déclaré que la marge de manœuvre était très réduite, et que chacun des 28 Etats membres devait composer avec les mêmes dispositions.

"Les textes ne peuvent être copiés intégralement et mis en ligne. Mais, il est faux de croire, qu’on ne pourrait pas en discuter ”, pense le député LSAP et président de la commission des Affaires étrangères, Marc Angel.

Le député ADR Fernand Kartheiser ne pense pas non plus que le règlement d’accès aux documents de négociations n’empêche le député de discuter du TTIP. Il est de la responsabilité  du député de ne rien trahir qui "puisse nuire à sa nation ou l'isoler internationalement", mais il est aussi de sa responsabilité d’informer le public des projets politiques en cours et de savoir ce qu’il peut dire dans de telles conditions sans rien trahir. Jugeant que l’accès aux documents constituait un "plus de transparence", il a regretté que les députés ne puissent être accompagnés en salle de lecture avec des experts qui les aident à comprendre ce qu’ils consultent.

Dans un communiqué de presse diffusé le 15 février 2016, la plate-forme TTIP avait  qualifié  les conditions d’accès aux documents de négociations du TTIP de "farce du point de vue démocratique" et avait appelé à la "désobéissance civile en divulguant les éléments essentiels des textes".