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Migration et asile - Justice, liberté, sécurité et immigration
Conseil JAI –La gestion de la crise migratoire met la solidarité européenne à l’épreuve
25-02-2016


Le Conseil JAI du 25 février 2016 à Bruxelles, consacré en grande partie à la question migratoire, s’est tenu dans un climat tendu, comme les déclarations alarmistes faites par de nombreux ministres à leur arrivée au Conseil le faisaient clairement sentir. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, ministre de l’Immigration, Jean Asselborn, avait prévenu que l’ "anarchie" planait sur l’Europe et que l’Union n’avait "plus de ligne commune" en matière de migration.

Le commissaire européen à la Migration, aux Affaires intérieures et à la Citoyenneté Dimitris Avramopoulos appelle à la fin des mesures unilatérales

Jean Asselborn, avec son homologue français, Bernard Cazeneuve et le commissaire à la Migration, Dimitris Avramopoulos, lors du Conseil JAI du 25 février 2016 à BruxellesAppelant lui aussi à des mesures européennes, le commissaire européen à la Migration, aux Affaires intérieures et à la Citoyenneté, Dimitris Avramopoulos avait parlé du Conseil à venir comme d’"un moment de grande responsabilité". A la sortie, il a déclaré avec gravité : " Dans les dix prochains jours, nous avons besoin de résultats clairs et tangibles sur le terrain. Autrement, il y a un risque que le système entier ne s’effondre.

Le sommet extraordinaire UE-Turquie, qui doit se tenir le 7 mars 2016, est ainsi désigné comme un moment décisif pour la crédibilité d’une réponse européenne à la situation de crise migratoire.  Si aucune amélioration n’était constatée, des États membres pourraient décider de fermer davantage leurs frontières et continuer à prendre des décisions unilatérales. C’est donc en amont de ce sommet et à la suite du Conseil européen des 18 et 19 février 2016, que le Conseil JAI a fait le point sur la mise en œuvre des mesures existantes en matière de migration, ainsi que sur la situation sur la route des Balkans occidentaux.

Le jour-même, la Grèce a rappelé son ambassadeur en Autriche pour protester contre la tenue d’une mini-réunion organisée la veille par Vienne au sujet de cette même route des Balkans occidentaux à laquelle elle n’a pas été invitée. "L'Autriche nous traite comme des ennemis", s'est exclamé le ministre grec Yannis Mouzalas devant ses homologues, selon l’AFP.

L'Autriche et la Slovénie, comme la Macédoine et la Serbie, elles aussi présentes, ont été invitées à expliquer le filtrage des migrants qu'elles appliquent désormais, et qui ont rendu la solution en Grèce, accusée de " laisser passer" les migrants sans les enregistrer, encore plus pénible qu’elle ne l’était. L’Autriche a défendu sa mesure de limiter à 3200 le nombre de migrants pouvant passer chaque jour sa frontière en disant qu'il fallait envoyer "un signal clair" pour "réduire le flux des migrants" en provenance de la Grèce.

Alors qu’il existe un risque de crise humanitaire sur cette route des Balkans occidentaux, Dimitris Avramopoulos a fait savoir aux Etats membres que " nous ne pouvons pas continuer à intervenir par des actions unilatérales, bilatérales ou trilatérales ; les premiers effets négatifs sont déjà visibles. Nous avons une responsabilité partagée – nous tous – envers nos Etats voisins, de l’UE et hors UE, mais aussi envers ces gens désespérés", a-t-il dit.

Le commissaire a fait savoir que le Conseil ne veut pas continuer avec la politique du laisser-passer. Mais il a aussi rappelé aux Etats membres que “nous ne pouvons pas imposer des limites sur le nombre de demandeurs d’asile que nous accueillons" car cela est contraire aux règles internationales et européennes. La Commission travaille à un plan d’urgence, avec le soutien de l’UNHCR et de l’IOM, mais il ne pourra remplacer l’application du système européen d’asile, du règlement Dublin et des accords de Schengen, a-t-il dit. Ainsi, il faut "retourner à la situation normale le plus vite possible" et aider la Grèce en accélérant la relocalisation des réfugiés, encore négligée, comme l’a constaté la Commission européenne le 10 février 2016.

“La Grèce a des obligations, mais a aussi besoin de soutiens pour augmenter ses capacités d’accueil. (…) Nous ne devrions jamais oublier qu’il y a des vies humaines en jeu. À ceux qui pensent que nous avons besoin de solutions nationales parce qu’une approche européenne ne fonctionne pas, je dis : c’est précisément parce que ce sont les actions nationales qui empêchent l’approche européenne", a conclu le Commissaire.

Lors de son intervention au Conseil, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn a lancé " un appel véhément en faveur d’une réponse commune et européenne à la crise migratoire", rapporte le communiqué de presse du ministère. Jean Asselborn a ainsi appelé ses partenaires européens à mettre toutes les ressources possibles dans les déploiements de Frontex, d’EASO (European Asylum Support Office), du UNHCR et de l’OIM (Office international pour les migrations), afin d’offrir un dispositif de soutien à la Grèce et à l’Italie. Dans ce contexte,  "il a souligné que la procédure lancée sous les articles 19 et 26 du Code frontières Schengen ne constitue pas une procédure punitive, mais doit justement se faire dans une logique d’appui et de coordination". Le ministre Jean Asselborn a par ailleurs également "appelé de ses vœux une meilleure coordination entre États membres et pays tiers, afin de prévenir l’émergence de routes alternatives".

Les ministres ont également eu un échange de vues sur la coopération entre l’UE et la Turquie, en présence du vice-ministre turc de l’Intérieur, Sebahattin Öztürk. Les ministres attendent "des signaux très clairs" de la Turquie d'ici au 7 mars. La Commission voudrait une baisse importante du nombre de franchissements de frontières. Le vice-ministre turc de l'Intérieur en aurait accepté le principe. "Il est primordial de continuer et de renforcer le partenariat avec la Turquie qui fait partie intégrante d’une solution efficace sur le long terme", a en tout cas estimé Jean Asselborn, devant ses pairs.

Un corps européen de gardes-frontières et gardes-côtes et des contrôles obligatoires des citoyens de l’UE aux frontières extérieures

Par ailleurs, les ministres ont eu une discussion sur un corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes, dont la création fut proposée par la Commission européenne le 15 décembre 2015. "Un corps européen pourrait mutualiser les ressources de Frontex et des États membres de l'UE et serait chargé de surveiller les flux migratoires, de repérer les points faibles ainsi que de prendre les mesures nécessaires lorsqu'une frontière extérieure de l'UE est sous pression", rappelle le communiqué du ministère luxembourgeois. Les ministres se sont mis d’accord sur un calendrier de négociations ambitieux. La présidence néerlandaise entendrait obtenir un accord d’ici la fin du mois de juin 2016.

Le Conseil s’est mis aussi d’accord sur un règlement modifiant le code frontières Schengen, afin de renforcer la sécurité au sein de l’UE en rendant obligatoire la vérification des données des citoyens de l’UE lorsqu’ils se présentent à un point de passage d’une frontière extérieure. C’était une autre proposition de la Commission datée du 15 décembre 2015, afin de combattre le phénomène des combattants terroristes étrangers, dont un grand nombre sont des citoyens de l'Union. Par l’adoption d’une approche générale, les ministres permettent l’ouverture des négociations avec le Parlement européen dès lors que ce dernier aura adopté son avis.

Lors du débat qui a précédé l’accord au Conseil, le ministre Jean Asselborn a estimé que "notre sécurité collective, celle de chaque citoyen, dépend du maillon le plus faible dans la chaîne de contrôle des États Schengen". Le texte adopté rappelle que "le contrôle aux frontières extérieures demeure l'un des principaux moyens de protéger l'espace sans contrôle aux frontières intérieures".

Comme pour les ressortissants des pays tiers, les contrôles deviendraient donc obligatoires à tous les points de passage aux frontières extérieures aériennes, maritimes et terrestres pour les citoyens de l’UE. En recourant notamment au système d'information Schengen, à la base de données d'Interpol sur les documents de voyage volés ou perdus; ainsi qu’aux bases de données nationales contenant des informations sur les documents volés, détournés, égarés ou invalidés, il s’agit pour les autorités de vérifier si le citoyen de l’UE ne voyage pas sous une fausse identité mais aussi s’il n'est pas considéré comme une menace pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de l'un des États membres.

La proposition prévoit qu’un assouplissement des contrôles soit possible. En cas de temps d'attente trop longs, les Etats membres pourraient provisoirement introduire de simples contrôles ciblés sur la base de critères de risques, mais après avoir communiqué son analyse des risques, à l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, montrant qu'une telle mesure d'assouplissement n'est pas susceptible de compromettre la sécurité.

Cet assouplissement ne serait par contre possible aux frontières aériennes que sur une période transitoire de six mois après l'entrée en vigueur du règlement, afin que les Etats membres aient le temps de mettre en place les ressources nécessaires. "Après cette période, les vérifications systématiques n'excluront personne", a commenté le ministre néerlandais, Klaas Dijkhoff. Les dérogations qui existent aux frontières maritimes et terrestres pourraient être supprimées, lors de la révision prévue deux ans après l'entrée en vigueur, a dit le ministre néerlandais.