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Economie, finances et monnaie
L'Autorité bancaire européenne (ABE) constate que la limitation des bonus a produit une baisse significative du ratio moyen entre la rémunération fixe et la rémunération variable
30-03-2016


European Banking Authority, EBALe 30 mars 2016, l'Autorité bancaire européenne (ABE) a publié un rapport dans lequel elle rend compte des effets de la directive 2013/36/UE dite Capital Requirements Directive ou CRD IV sur les politiques de rémunération menées par les instituts de crédit et les compagnies d'investissement de l'UE en matière de bonus ou rémunérations variables versés aux cadres dirigeants, dont l'activité a un impact sur le profil de risque de l'entreprise.

La nouvelle règle, adoptée début 2013 et entrée en vigueur début 2014, plafonne les rémunérations variables ou bonus des banquiers à 100 % du montant de leur rémunération fixe, voire à 200 % en cas de décision exceptionnelle des actionnaires. Ces mesures avaient été prises après les scandales qui ont émergé lors de la crise financière internationale, les rémunérations variables ayant été identifiées comme des incitants à des prises de risque spéculatives qui ont mis en danger l'existence, voire causé la faillite de différents établissements financiers, et eu des effets de contamination sur les marchés financiers et les dettes publiques.

Ainsi, selon le rapport de l'ABE, le ratio moyen entre la partie variable et la partie fixe de la rémunération versée aux dirigeants bancaires ayant perçu au moins 1 million d'euros, qualifiés de hauts revenus, a diminué en 2014  pour atteindre 127 % contre 317 % en 2013. La moyenne faite à partir des moyennes des Etats membres de l'UE – et non du nombre total de hauts revenus –  s'établit à 123 % en 2014 contre 180 % en 2013. Avec un ratio moyen de 200 %, le Luxembourg affiche le taux plus élevé parmi les Etats membres de l'UE.  

Dans le même temps, le nombre de ces hauts revenus en 2014 est passé de 3 178 à 3 865 personnes, soit une hausse de 21,6 %, "principalement due aux changements dans le taux de change entre euro et livre sterling", précise le rapport. Le Royaume-Uni arrive largement en tête des Etats membres qui accueillent le plus grand nombre de hauts revenus (2 926 soit + 40,27 % par rapport à 2013), loin devant l'Allemagne (242), la France (171), l'Italie (143) et l'Espagne (119). Avec 27 dirigeants bancaires millionnaires, le Luxembourg arrive en 8e position.

Le rapport de l'ABE rappelle que la mise en place de la législation a nécessité la publication en mars 2014 de normes techniques établies par la Commission européenne et l'ABE introduisant des critères qualitatifs et quantitatifs permettant d'identifier le personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque d'un établissement, et qui sont directement visés par la directive. Ils sont désignés de "personnel identifié" dans le rapport de l'ABE.

Ces changements ont eu pour conséquence une augmentation de nombre du "personnel  identifié" comme tels de 84 % en 2014 par rapport à 2013. Ainsi, 2,34 % du personnel des banques faisait partie en 2014 du "personnel identifié", contre 1,17 % en 2013. Par ces nouveaux critères, 87 % des hauts revenus (plus de 1 million d'euros) sont désormais comptabilisés dans le "personnel identifié", alors qu'ils n'étaient que 59 % dans ce cas en 2013. Pour cause, ces critères considèrent d'emblée toute personne gagnant plus d'un million d'euros comme "preneur de risques significatifs" (L'autorité compétente doit informer l'Autorité bancaire européenne si elle veut réfuter ce statut). L'ABE fait par ailleurs savoir que ces changements l'ont empêché d'examiner d'éventuelles corrélations entre l'évolution des profits des banques et l'évolution des rémunérations variables.  

Pour le "personnel identifié" dans son ensemble, le ratio moyen entre la rémunération variable et la rémunération fixe est descendu à 65,48 % en 2014 contre 104,3 % en 2013. L'ABE précise par ailleurs que pour le reste des salariés des banques, ce ratio est passé de 17,48 % en 2013 à 14,69 % en 2014.

Des critiques toujours d'actualité

Le rapport renvoie toutefois à ses critiques émises en octobre 2014 concernant l'allocation de rémunérations fixes sous forme d'instruments d'indemnisations appelés "role-based allowances”, qui, dans leur grande majorité ne remplissent pas les critères définissant une rémunération fixe. "Dans ces cas, le ratio calculé aurait souvent excédé le ratio maximum imposé par la législation", prévient l'ABE qui précise que "les autorités compétentes assureront que les institutions seront en ligne avec l'opinion de l'ABE sur les 'allowances' en 2015".

Normalement, les banques sont tenues de différer le versement d'au moins 40 % de la rémunération variable pour les hauts revenus et pour le personnel identifié. Certains Etats membres sont en-dessous, dont le Luxembourg qui affiche le plus bas taux moyen (19 %). "C'est en partie parce que des hauts revenus n'ont pas été traités comme du personnel identifié ou parce que la banque a pu déroger par la loi nationale aux dispositions", précise l'ABE.

Enfin, l'autorité européenne souligne l'insuffisante harmonisation des pratiques de rémunération à travers l'UE. En particulier, l'application d'un différement dans le temps et la nature des instruments financiers employés varient "de manière significative" selon les États membres et les banques. La faute est notamment à renvoyer aux Etats qui permettent, en de nombreux cas, des dérogations aux dispositions dès lors que certains critères sont respectés, dit l'ABE.

Le rapport conclut toutefois que l'introduction d'une limitation des bonus n'a pas d'effet significatif sur la stabilité financière et sur la flexibilité financière des banques, notamment au vu d'une part de la rémunération fixe du "personnel identifié" représenté moins de 1 % des fonds propres des banques et seulement 3,12 % de leurs coûts administratifs.