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Semestre européen
Semestre européen 2016 – Les partenaires sociaux et le gouvernement ont eu l’occasion d’un deuxième échange de vues sous l’égide de CES, notamment sur le rapport de la Commission sur le Luxembourg – La position des syndicats
23-03-2016


ces-semestre-europeen-syndicatsLors de la deuxième manche du dialogue mené le 23 mars 2016 à la Chambre de Commerce dans le cadre du cycle annuel 2016 de concertation régulière entre le gouvernement et les partenaires sociaux représentatifs sur le plan national sur le semestre européen, les syndicats ont critiqué le rapport présenté par la Commission européenne le 26 février 2016.

L'OGBL et la CGFP contestent les indicateurs utilisés par la Commission européenne et ses conclusions sur les finances publiques et le chômage

Dans une note commune, le syndicat majoritaire dans le secteur privé OGBL et le syndicat de la fonction publique CGFP font savoir que toutes les recommandations de la Commission ne sont pas nécessairement pertinentes. "Des progrès limités aux yeux de la Commission peuvent donc, le cas échéant, constituer une bonne nouvelle". Au début de son intervention, le président de l'OGBL, André Roeltgen, s'est ainsi félicité de la position critique du gouvernement vis-à-vis des recommandations de la Commission.

Le syndicaliste s'est attardé sur le "morceau dur à avaler" que constitue le recours de la Commission européenne à l'indicateur du Coût salarial unitaire nominal pour déceler la détérioration de la compétitivité-coûts de l'économie luxembourgeoise au cours des dix dernières années, et en identifier les causes dans l'indexation automatique des salaires et une baisse de la productivité. Il a rappelé que l'OGBL, aussi bien que la Chambre des salariés,  notamment en février 2014, le STATEC ou Eurostat, ont déjà contesté la pertinence de cet indicateur.

L'importance croissante du secteur tertiaire dans l'économie, lequel est le domaine de spécialisation de l'économie luxembourgeoise, peut gravement contrarier la fiabilité et la comparabilité des données de croissance du PIB, et donc des gains de productivité qui en dépendent, lit-on dans la note commune. Or, l'évolution à la hausse des CSU nominaux serait liée à l'effondrement de la croissance combiné à un phénomène de thésaurisation du travail, et non pas à "une quelconque surchauffe de la progression de la rémunération moyenne des salariés", ainsi qu'à l'augmentation de l'emploi.  L'OGBL et la CGFP veulent donc voir privilégié le CSU réel, systématiquement inférieur à la moyenne européenne et à celle de ses voisins. "Il est temps que le gouvernement dise que ce n'est pas le bon indicateur pour mesurer la compétitivité, a fait savoir André Roeltgen. Nous sommes sans arrêt confrontés à de mauvais constats de la Commission sur un point important de notre économie."

La critique contre l'indexation des salaires s'en trouverait ainsi désarmée. Aucune étude nationale ou internationale consacrée au sujet n'a jamais prouvé la nocivité de l'indexation des salaires, qui est "un pilier essentiel de la paix sociale", dit André Roeltgen.

Au sujet d'une innovation insuffisante dans les entreprises, les deux syndicats citent d'ailleurs une étude américaine récente, qui met l'accent sur l'impact économique de l'imitation. Ainsi, pour une innovation donnée, en moyenne 97,8 % de la valeur ajoutée générée par cette innovation revient aux imitateurs de l'innovation. De plus, une part peu élevée d'entrepreneurs ne permet pas de conclure à une moindre capacité à innover et particulièrement dans l'économie luxembourgeoise, ajoutent les syndicats.

Pour l'OGBL et la CGFP, les finances publiques sont saines. Il est réducteur de se contenter de regarder le seul solde de l'administration centrale, certes déficitaire. Dans un pays centralisé comme le Luxembourg, il y a beaucoup de transferts de l'Etat central vers les communes, et vers la sécurité sociale. De plus, ce déficit est en partie lié au haut niveau d'investissements publics. Il faut donc "regarder en détail et ne pas tirer de mauvaises conclusions", dit André Roeltgen, qui appelle d'ailleurs à des révisions de l'Objectif à moyen terme (OMT), permises par la révision à la baisse du poids des pensions sur le déficit public, pour dégager plus de marges en termes d'investissements.

La Commission dit que le risque n'est que "moyen" à long terme sur les finances publiques. L'OGBL et le CGFP pensent que le cas échéant, cette "pression" projetée sur les dépenses publiques de retraite pourra être allégée à l'avenir par une augmentation des cotisations, option omise par la Commission.  André Roeltgen invite à se méfier des projections, en général hasardeuses, citant notamment le fait que la hausse à terme de l'espérance de vie n'est pas acquise, puisque la France a au contraire constaté son recul en 2015. Il déplore que la Commission considère que la réforme des pensions de 2013 n'a que "quelque peu réduit la générosité du système public de retraite", alors qu'elle réduit de 15 % le montant des pensions en 2060. Dans la mesure où le système de retraite au Luxembourg demeurerait viable jusqu'en 2060, "il est inopportun de repousser l'âge de la retraite de manière prophylactique pour faire face à un risque qui pourrait ne pas survenir", conclut la note à ce sujet.

OGBL et CGFP appellent également au maintien de l'assurance dépendance, qui a des conséquences économiques favorables, puisque c'est "une source considérable de créations d'emplois à la fois dans le secteur médical et paramédical" et donc "une source indirecte de recettes fiscales qu'il ne faut pas négliger".

Priorité à la lutte contre le chômage et les inégalités

A ces problèmes identifiés par la Commission européenne, les deux syndicats opposent les  principaux problèmes sociaux du Luxembourg : le chômage et l'augmentation continue de la pauvreté et des inégalités. Ils s'étonnent qu'aucune recommandation n'ait été formulée par la Commission en vue d'y trouver des solutions.

Au sujet du chômage, la Commission européenne fait des "constats à l'emporte-pièce et faux", dit André Roeltgen. Il n'y pas de "trappe à chômage" pour les travailleurs âgés. Les difficultés à retrouver un emploi dans cette catégorie, qui incluent des personnes handicapées et à capacité de travail réduite, ainsi que des chômeurs disposant d'un faible niveau d'éducation, sont réelles. De plus, "la durée de l'indemnisation à taux de remplacement maximum est très faible ce qui incite les chômeurs à rechercher très rapidement un emploi".

Pour les chômeurs, le Luxembourg affiche, avec  50 % en 2014, un taux de risque de pauvreté parmi les plus élevés de l'UE et cela malgré l'existence d'une prétendue trappe à chômage et de "prestations de chômage particulièrement généreuses". "Dès lors, une mesure favorable à inscrire utilement au Plan national de réforme serait, par exemple, la prolongation des indemnités de chômage", disent les syndicats.

Concernant les inégalités, ces derniers saluent que la Commission reconnaisse que nos "transferts sociaux jouent toujours un rôle essentiel pour faire sortir les personnes de la pauvreté". Mais ils soulignent que leur effet s'est nettement réduit en 2014 par rapport aux années antérieures. "La situation tant budgétaire qu'économique au Luxembourg est excellente ; le moment est donc idéal pour lancer de grandes manœuvres de réduction de ces inégalités", disent-ils. Comme la principale courroie de transmission des inégalités est fiscale et réglementaire, la réforme fiscale serait un élément dans cette lutte contre les inégalités. Elle devrait alléger le fardeau porté par les personnes physiques durant ces dernières années de crise. L'OGBL ne juge par contre pas pertinent d'abaisser la fiscalité sur les entreprises, dont il faut comparer l'assiette par rapport aux autres pays. Il revendique par ailleurs une hausse du Revenu minimum garanti et du salaire social minimum.

Durant la discussion, le président de la CGFP, Emile Haag, est intervenu pour attirer l'attention sur l'intérêt de venir en aide aux familles monoparentales, et de renforcer le soutien pédagogique aux enfants dont les parents ne sont pas luxembourgeois ou travaillent tous les deux afin de réduire les inégalités en fonction des origines socio-économiques.

Le syndicat LCGB "déplore fortement que les conclusions de la Commission européenne ne contiennent pas un volet social"

Pour le syndicat LCGB, son président, Patrick Dury, reproche à la Commission européenne de laisser de côté la dimension sociale. "La politique d'investissement du gouvernement ne peut pas se réduire à la seule sphère économique, mais doit également avoir lieu dans le domaine social. ( …) Le LCGB déplore fortement que les conclusions de la Commission européenne ne contiennent pas un volet social. En effet, le rapport 2016 ne donne aucune indication ou recommandation pour amener notre gouvernement à réaliser plus d'investissements sociaux ou faire une politique sociale plus poussée", dit la note du syndicat chrétien.

La consolidation des finances publiques luxembourgeoises est en grande partie due à une relance de l'activité économique au Luxembourg mais aussi au fait que les contribuables ont subi des prélèvements fiscaux supplémentaires et des réductions des transferts sociaux au cours des dernières années qui peuvent également être évalués à quelques centaines de millions d'euros. Ainsi, la réforme fiscale prévue pour 2017 doit avant tout servir à "réduire la pression fiscale sur les salariés et pensionnés qui ont largement contribué au redressement du budget de l'Etat". Un rééquilibrage entre l'impôt sur le revenu des collectivités et l'impôt sur le revenu des personnes physiques s'impose donc afin de créer plus d'équité fiscale, dit le LCGB qui revendique aussi la hausse du salaire social minimum et l'ajustement des pensions. 

Concernant les pensions, le LCGB ne peut marquer son accord avec une politique qui vise à démanteler notre système de pensions, alors que la dernière réforme de 2013 a entraîné "une série de détériorations pour les pensionnés actuels et futurs". Il défend par ailleurs, comme les deux autres syndicats, l'assurance dépendance qui "met l'être humain et ses besoins au centre de ses préoccupations".

Le LCGB soutient des démarches qui consistent à maintenir un niveau élevé d'investissements afin de conserver les perspectives de croissance économique. Il soutient également la nécessaire diversification de l'économie luxembourgeoise. Dans ce contexte, il pense qu'il faut "repenser le modèle économique luxembourgeois", étant donné que la politique des niches touche à sa fin, comme l'illustre l'exemple de la TVA du commerce électronique tandis que le projet OCDE du BEPS, de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, pourrait également retirer une partie du budget.

Le LCGB pense qu'il existe des marges de manœuvres, toutefois faibles, pour réviser la fiscalité des entreprises, mais que celle-ci devrait être conditionnée au fait que les entreprises assument leur responsabilité sociale. Une baisse du taux devrait ainsi "aller de pair avec un engagement sans équivoque des employeurs en faveur du financement tripartite de la sécurité sociale luxembourgeoise".