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Migration et asile - Justice, liberté, sécurité et immigration
La Commission européenne propose une feuille de route pour rendre le système de Schengen à nouveau pleinement fonctionnel
04-03-2016


Dimitris Avramopoulos © Commission européenneLa Commission européenne a présenté le 4 mars 2016, trois jours avant le sommet entre l’UE et la Turquie, et alors que plus de 10 000 personnes sont bloquées à la frontière gréco-macédonienne et que des centaines de personnes continuent d’arriver tous les jours, une feuille de route détaillée exposant les mesures concrètes qui doivent être prises pour rétablir l’ordre dans la gestion des frontières extérieures et intérieures de l’Union européenne, et ce de manière très rapide. Car, a jugé le commissaire européen en charge de la migration et des affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, "ce qui est en jeu, c’est Schengen et notre unité."

"La création de l’espace Schengen sans frontières intérieures a procuré des avantages importants aux citoyens comme aux entreprises de l’Union, mais, au cours des derniers mois, le système a été mis à rude épreuve par la crise des réfugiés", estime la Commission dans un communiqué. Elle place son initiative dans le contexte des décisions du Conseil européen des 18 et 19 février qui "a fixé le mandat clair de rétablir le fonctionnement normal de l’espace Schengen, et ce de manière concertée".

Le coût du démantèlement de Schengen

Dans un premier temps, la Commission met en avant que "la réintroduction temporaire des contrôles aux frontières n’a pas seulement pour effet d’entraver la libre circulation des personnes, elle induit aussi des coûts économiques colossaux".

La Commission estime ainsi que la réintroduction totale des contrôles aux frontières au sein de l’espace Schengen occasionnerait des coûts directs immédiats de 5 à 18 milliards d’euros par an (soit de 0,05 % à 0,13 % du PIB). Ces coûts pèseraient d’abord sur certains acteurs économiques et certaines régions, mais ils auraient inévitablement des répercussions sur toute l’économie de l’Union. Par exemple:

  • des États membres tels que la Pologne, les Pays-Bas ou l’Allemagne devraient supporter un surcoût de plus de 500 millions d’euros pour le transport routier de marchandises;
  • les entreprises espagnoles ou tchèques verraient leurs coûts s’accroître de plus de 200 millions d’euros;
  • les pertes de temps occasionnées par les contrôles aux frontières coûteraient entre 2,5 et 4,5 milliards d’euros aux 1,7 million de travailleurs frontaliers ou aux entreprises qui les emploient;
  • au moins 13 millions de nuitées touristiques pourraient être perdues, pour un coût total de 1,2 milliard d’euros;
  • enfin, la nécessité d’augmenter les effectifs affectés aux contrôles aux frontières devrait se traduire par au moins 1,1 milliard de frais administratifs à la charge des gouvernements.

Assurer la protection des frontières extérieures

Il a été dès les débuts de l’espace Schengen clair que sécuriser les frontières extérieures de l’Union par des contrôles efficaces est une condition préalable indispensable au bon fonctionnement d’un espace de libre circulation. La Commission insiste sur le fait que "cela doit être une responsabilité partagée".

La Commission insiste dans ce contexte pour que sa proposition pour la création d’un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes soit adoptée d’ici juin 2016 par le Parlement européen et le Conseil pour permettre à ce nouveau corps, qui intégrera Frontex, d’entrer en opération durant l’été. Dimitris Avramopoulos, a invité les États membres et Frontex à s’atteler d’emblée aux préparatifs nécessaires au déploiement de ce corps, notamment en recensant les moyens humains et techniques requis. Il a également invité les États membres à soutenir davantage, dans l’intervalle, les opérations de Frontex qui sont déjà en cours.

Une aide immédiate à la Grèce

"L’afflux de migrants est tel qu’il ferait peser une pression considérable sur le contrôle aux frontières extérieures de n’importe quel État membre", estime la Commission, critiquant implicitement ceux qui ne pointent du doigt que la seule Grèce. Néanmoins, comme la frontière extérieure en Grèce est soumise à une immense pression, elle estime qu’il "est urgent de remédier aux manquements dont pâtit actuellement sa gestion".

Selon la Commission, un certain nombre de mesures clairement définies doivent être prises dans les mois à venir:

  • les experts de la Commission présents en Grèce devraient continuer à coopérer avec les autorités grecques et à se coordonner avec les autres acteurs concernés;
  • il devrait y avoir 100 % d’identification et d’enregistrement de toutes les entrées, y compris des contrôles systématiques de sûreté par consultation des bases de données;
  • la Grèce devrait présenter un plan d’action pour la mise en œuvre des recommandations qui lui ont été adressées à l’issue de l’évaluation de Schengen, assorti d’une évaluation de ses besoins, afin de permettre à d’autres États membres, aux agences de l’UE et à la Commission de lui apporter un soutien en temps utile;
  • si nécessaire, Frontex devrait immédiatement préparer le déploiement de nouvelles équipes européennes de garde-frontières et lancer, au plus tard le 22 mars, de nouveaux appels à contributions à cet effet;
  • d’autres États membres devraient prendre leurs responsabilités et répondre à ces appels au plus tard dans les dix jours, en fournissant ressources humaines et équipements techniques.

La mise en œuvre du plan d’action commun UE-Turquie et du programme d’admission humanitaire volontaire en association avec la Turquie sera également poursuivie, afin de faire baisser rapidement le nombre d’arrivées en Grèce. Une mise en œuvre plus efficace des programmes de relocalisation d’urgence et l’augmentation du nombre des retours vers la Turquie et les pays d’origine devraient également alléger la pression à laquelle la Grèce est soumise.

Mettre en œuvre les décisions sur les relocalisations

La Commission constate ensuite qu’ "à l’heure actuelle, les contrôles aux frontières des États traversés par la route des Balkans occidentaux s’étant durcis, et le flux des arrivées en Grèce ne se tarissant pas, le nombre de migrants bloqués dans ce pays ne cesse d’augmenter".

Partant de là, elle estime qu’il est "d’autant plus nécessaire et urgent que les États membres accélèrent leur mise en œuvre des décisions de relocalisation". Le commissaire Avramopoulos a souligné le caractère obligatoire de ces décisions prises à la majorité qualifiée lors du Conseil JAI le 22 septembre 2015, et ce peu importe qu’un pays les ait approuvées ou non. "Nous sommes à un moment spécial de notre histoire", a-t-il lancé, "et nous ne savons pas ce qui peut arriver à l’un ou à l’autre", a-t-il lancé en guise de mise en garde des Etats membres réticents à jouer la carte de la solidarité. 

La Commission s’est déclarée disposée à apporter son concours aux efforts de relocalisation et rendra mensuellement compte des avancées réalisées. Elle rappelle dans la foulée qu’elle a proposé le 2 mars la création d'un nouvel instrument d’aide d’urgence, pour une réponse plus rapide en cas de crise au sein de l’UE.

Appliquer les règles et rompre avec la politique du laisser-passer

Les conclusions du Conseil européen des 18 et 19 février sont selon la Commission "très claires": la politique du laisser-passer n’est pas acceptable, ni juridiquement, ni politiquement.

Les États membres doivent donc accorder l’accès aux procédures d’asile à chaque personne ayant présenté sa demande à leurs frontières.

"La décision quant à l’État membre responsable du traitement d’une demande devrait ensuite être prise dans le respect du droit de l’Union", insiste la Commission, y inclus le système de Dublin en vigueur, même si le commissaire Avramopoulos a concédé qu’il ne correspondait plus à la situation et que la Commission allait faire des propositions pour le réviser.

Mais, insiste la Commission, "la possibilité de renvoyer des demandeurs d’asile vers le pays de première entrée doit réellement exister". Elle va même plus loin en écrivant : "C’est dans ce contexte que la Commission entend présenter, avant le Conseil européen de juin, son évaluation de la possibilité de reprendre les transferts vers la Grèce prévus par le règlement de Dublin." En d’autres mots, cela voudrait dire qu’il serait possible de renvoyer d’Etats membres de l’UE en Grèce des personnes qui avaient réussi à arriver en Grèce d’abord, puis à rejoindre d’autres pays de l’UE, mais, comme l’a précisé le commissaire Avramopoulos, dans le plein respect de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et de la Cour de Justice de l’UE (CJUE).

Une autre ligne à suivre que la Commission recommande est que "les États membres devraient refuser l’entrée sur leur sol aux ressortissants de pays tiers qui ne satisfont pas aux conditions d’entrée énoncées dans le code frontières Schengen et qui n’ont pas demandé l’asile, alors même qu’ils auraient pu le faire." Elle rappelle qu’en vertu du droit de l’Union, les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de choisir l’État membre qui leur accordera une protection. Ces refus devraient être appliqués à la frontière extérieure de l’espace Schengen et aux frontières intérieures des États membres qui ont temporairement réintroduit des contrôles. Une application efficace de ces politiques contribuera à un renforcement des systèmes de Schengen et de Dublin et du programme de relocalisation d’urgence.

Contrôles aux frontières intérieures: passer d’une approche éclatée à une approche cohérente

Pour la Commission, "la réintroduction temporaire des contrôles aux frontières intérieures devrait rester exceptionnelle et proportionnée au regard de l’objectif d’un retour à la normale le plus rapide possible".

Depuis septembre 2015, huit pays ont rétabli des contrôles à leurs frontières intérieures pour des raisons liées à la crise des réfugiés. Jusqu’à présent, ils ont agi par voie de décisions unilatérales, adoptées dans le cadre du code frontières Schengen (articles 23 à 25).

Si les pressions migratoires actuelles et les manquements graves dont pâtit le contrôle aux frontières extérieures devaient persister au-delà du 12 mai, la Commission devrait présenter au Conseil une proposition au titre de l’article 26, paragraphe 2, du code frontières Schengen recommandant l’adoption, au niveau de l’Union, d’une approche cohérente des contrôles aux frontières intérieures, jusqu’à ce qu’il soit remédié aux déficiences structurelles constatées.

Préparée à cette éventualité, la Commission agirait sans retard, en se bornant à proposer des contrôles aux seuls tronçons des frontières où ces contrôles seraient nécessaires et proportionnés.

L’objectif serait de lever tous les contrôles aux frontières intérieures au plus tard en décembre, de telle sorte que l’espace Schengen puisse retrouver un fonctionnement normal au plus tard à la fin de 2016.