Principaux portails publics  |     | 

Semestre européen - Economie, finances et monnaie
Semestre européen 2016 – La Commission européenne ouvre la voie à une procédure de sanctions contre l’Espagne et le Portugal pour déficit excessif
07-07-2016


Le semestre européen 2016 a été lancé le 26 novembre 2015, avec la publication par la Commission de l'examen annuel de croissanceLe 7 juillet 2016, la Commission européenne a ouvert la voie à une procédure de sanctions inédites pour déficit budgétaire excessif à l'encontre de l'Espagne et du Portugal.

Dans ses recommandations faites aux Etats membres le 18 mai 2016, dans le cadre du Semestre européen 2016, la Commission avait suggéré que le Conseil accorde une année supplémentaire au Portugal et à l'Espagne pour réduire leur déficit en termes nominaux sous le seuil de 3 %, soit 2016 pour Lisbonne et 2017 pour Madrid.

Toutefois, comme elle l'avait alors annoncé et conformément à l'article 126 du traité, qui charge la Commission de surveiller la mise en œuvre de la procédure pour déficit excessif, le Collège des commissaires a de nouveau examiné la situation de ces deux États membres un mois et demi plus tard. Elle a décidé de présenter un projet de recommandation demandant au Conseil de constater que l'Espagne et le Portugal, qui relèvent du volet correctif du pacte de stabilité et de croissance depuis 2009, n'ont pas pris les "actions suivies d'effet" pour corriger la déviation de leur trajectoire budgétaire entre 2013 et 2015, selon les délais fixés par le Conseil en juin 2013.

Selon les chiffres transmis par la Commission, le déficit nominal de l'Espagne a atteint 5,1 % en 2015 (contre 11 % du PIB en 2009), alors que l'objectif recommandé pour 2015 était de 4,2 %. L'effort budgétaire structurel cumulé sur la période 2013-2015 est estimé à 0,6 % du PIB, un chiffre "nettement inférieur" aux 2,7 % du PIB recommandés par le Conseil. A cela s'ajoute que, selon les prévisions de printemps de la Commission, l'Espagne ne devrait pas non plus atteindre l'objectif de déficit nominal pour 2016.

Le déficit du Portugal en 2015 s'est établi à 4,4 % du PIB (contre 11,2 % du PIB en 2010), soit un niveau supérieur à la fois à la valeur de référence du traité (3 %) et au taux de 2,5 % recommandé par le Conseil en 2013. De plus, l'effort budgétaire cumulé auquel a consenti le Portugal entre 2013 à 2015 "a baissé et se situe à un niveau nettement inférieur à celui qu'a recommandé le Conseil", constate la Commission.  

Les niveaux de dettes publiques, à savoir 129 % du PIB pour le Portugal et 99,2 % pour l'Espagne en 2015, sont restés élevés.

Des sanctions qui peuvent être "égales à zéro"

L'objectif de la Commission est de boucler ce dossier d'ici aux vacances d'été, soit lors de la réunion du Collège du 27 juillet. Le Conseil ECOFIN pourrait se prononcer lors de sa réunion du 12 juillet 2016. Si les ministres des Finances reprenaient à leur compte la recommandation de la Commission, cette dernière serait légalement tenue de présenter dans les 20 jours une proposition relative à une amende, dont le montant peut aller jusqu'à 0,2 % du Produit intérieur brut (PIB), et à la suspension d'une partie des engagements des Fonds structurels et d'investissement européens ("Fonds ESI"). "Je fais confiance aux ministres des Finances de l'UE pour qu'ils confirment bientôt notre évaluation", a déclaré le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.

Néanmoins, les deux États membres concernés disposeraient de 10 jours à partir de la décision du Conseil Ecofin pour contester auprès de la Commission, non pas le principe d'éventuelles sanctions, mais leur montant. La Commission pourrait alors proposer au Conseil de réduire le montant ou d'annuler la sanction. Un tel aboutissement est prévu lorsque les circonstances économiques sont exceptionnelles, ou si les pays concernés justifient leur dérapage et promettent de mieux faire. Pierre Moscovici n'a d'ailleurs pas exclu que "les amendes puissent être égales à zéro", soulignant que "les règles étaient intelligentes". Le vice-président Valdis Dombrovskis, chargé de l'euro et du dialogue social, a pour sa part loué les efforts espagnols et portugais, réalisés notamment durant les années 2012 et 2013. "Ces efforts ne doivent pas être sous-estimés et portent leurs fruits", a-t-il dit, soulignant le rôle de l'Espagne en tant que moteur de la croissance dans la zone euro et les créations d'emplois par milliers au Portugal.

Les réactions

Le président de l'Eurogroupe et ministre des Finances des Pays-Bas, Jeroen Dijsselbloem, penche pour une application à la lettre des règles qui régissent la procédure de déficit excessif. Il est cité par l'AFP : "Si je regarde les chiffres, je dois vraiment conclure que l'Espagne et le Portugal ont fait trop peu. Par conséquent, il doit y avoir automatiquement des sanctions".

Le ministre espagnol de l'Economie Luis de Guindos, qui assure les affaires courantes depuis les élections espagnoles du 20 décembre 2015, et en attendant qu'un gouvernement puisse être constitué en Espagne après les élections générales anticipées du 26 juin 2016, a assuré que Madrid pouvait repasser sous la barre des 3 % dès 2017 et parlé de la possibilité d'établir "une nouvelle trajectoire budgétaire". L'approche du gouvernement espagnol faisant fonction est d'éviter de nouvelles coupes budgétaires, de fixer des objectifs qui puissent être atteints à travers la simple évolution de la croissance économique et de la hausse des rentrées de l'Etat. Reste que l'Espagne ne dispose actuellement pas d'un cadre budgétaire qui soit porté par une majorité gouvernementale.

Pour le Premier ministre portugais, le socialiste Antonio Costa, qui est entré en fonction fin novembre 2015 à la tête d'une coalition de gauche, et qui hérite donc d'une situation budgétaire laissée par son prédécesseur, le conservateur Pedro Passos Coelho, "l'application de sanctions n'est pas automatique. (...) Le Portugal ne mérite pas d'être sanctionné et nous devons nous battre sur tous les fronts contre l'application de sanctions". La ministre portugaise de la présidence, Maria Manuel Leitão Marques, a déclaré de son côté que d'éventuelles sanctions seraient "injustes" parce qu'elles s'appliqueraient à la politique du gouvernement précédent, dont la Commission a souvent fait l'éloge, alors que l'actuel gouvernement serait en ligne avec les objectifs budgétaires, et peu en adéquation avec "un contexte de problèmes de fond et structurels que l'UE traverse", dont le Brexit et la pression migratoire.