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Politique étrangère et de défense
Conseil Affaires étrangères – Les ministres des Affaires étrangères dénoncent les bombardements syriens et russes sur Alep et estiment qu’ils pourraient constituer des "crimes de guerre"
17-10-2016


Les ministres des Affaires étrangères de l’UE se sont réunis à Luxembourg le 17 octobre 2016 pour un Conseil Affaires étrangères qui a notamment porté sur la situation en Syrie. Le ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, y représentait le Luxembourg.

Federica Mogherini et Jean Asselborn lors du Conseil Affaires étrangères du 17 octobre 2016 à Luxembourg (c) Union européenne / Le Conseil de l'UELes ministres se sont penchés sur la situation en Syrie à la lumière de l'évolution récente de la situation sur le terrain et de l'escalade de la violence, notamment à Alep.

La question d’éventuelles sanctions contre la Russie, alliée du régime de de Bachar al-Assad, était évoquée en amont du Conseil. Cette éventualité a toutefois été écartée par la haute-représentante de l’UE,  Federica Mogherini, dès son arrivée à la réunion qu’elle présidait. "J'ai vu que cela a été beaucoup évoqué dans les médias, mais pas dans nos réunions. Dans aucune d'elles, la question n'a été soulevée par un seul Etat membre", a-t-elle affirmé devant la presse à son arrivée à la réunion. 

A son arrivée, Jean Asselborn s’est clairement positionné contre l’idée de sanctions contre la Russie dans le dossier syrien.  "Nous ne trouverons pas de consensus, ce n'est pas le bon moment, ça serait contre-productif", a déclaré le ministre luxembourgeois devant la presse. "Nous n’avons pas de bouton sur lequel appuyer pour que mettre fin" à une situation qu’il a jugé "inhumaine", a encore constaté le chef de la diplomatie luxembourgeoise. Comme Federica Mogherini auparavant, Jean Asselborn a souligné que l'UE disposait de "beaucoup d'autres instruments" que les sanctions. Il a notamment insisté sur la nécessité d’être aux côtés de "tous ceux qui sont en mesure d’arrêter cet enfer à Alep" et de soutenir les initiatives en cours pour tenter de trouver une solution politique à la guerre. 

"Si on veut un cessez-le-feu, il faut avoir la Russie de son côté", a souligné le chef de la diplomatie luxembourgeoise à l’issue de la réunion. "Et puis on n'arriverait pas à changer la donne avant trois-quatre mois", a-t-il expliqué, convaincu que les sanctions n’apportent rien à court terme. 

Finalement, les ministres des Affaires étrangères ont de nouveau appelé à un arrêt des bombardements afin de permettre aux convois humanitaires d'accéder aux victimes, ce que le régime syrien n'a pas encore autorisé. Ensuite, il s’agira de séparer les différentes parties qui combattent dans Alep, a expliqué le ministre. "Al-Nosra (l'organisation jihadiste Front Fateh al-Cham, ex-Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda) est une organisation terroriste, c'est la raison pour laquelle la Russie bombarde. On estime qu'il y a encore 275.000 personnes à Alep et aussi entre 700 et 1.000 combattants d'Al-Nosra", a affirmé Jean Asselborn.

Dans leurs conclusions, les ministres des Affaires étrangères condamnent l'attitude de la Russie dans le conflit syrien, sans envisager de sanctions, mais en avertissant qu'elle était passible de poursuites pour "crimes de guerre" en participant aux bombardements sur la partie est d'Alep.

"Depuis le début de l'offensive par le régime et ses alliés, particulièrement la Russie, l'intensité et l'échelle des bombardements aériens sur Alep-Est sont clairement disproportionnées", observent les 28 dans leurs conclusions. "Et le ciblage délibéré d'hôpitaux, de personnels médicaux, d'écoles et d'infrastructures vitales, tout comme l'usage de bidons d'explosifs, de bombes à sous-munitions et d'armes chimiques constituent une escalade catastrophique du conflit", dénoncent-ils encore. Ces attaques aériennes "pourraient constituer des crimes de guerre" passibles de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, mettent-ils en garde.

Dans les conclusions, il est aussi question d'amorcer les travaux en vue de sanctions individuelles complémentaires contre des Syriens "soutenant le régime pendant la durée de la répression" dans le pays. 208 personnes et 69 entités (groupes ou organisations) en Syrie sont déjà visées par des mesures restrictives de l'UE, en vigueur jusqu'au 1er juin 2017.

"Notre priorité, c'est de sauver Alep et de sauver des vies", a déclaré Federica Mogherini à l’issue de la réunion. Elle a salué comme "une étape positive" l'annonce par l'armée russe d'"une pause humanitaire" de huit heures jeudi dans les frappes aériennes et les tirs à Alep-est. Mais "il y encore un peu de travail pour trouver un terrain d'entente", a-t-elle nuancé, car les agences humanitaires estiment que 12 heures seraient nécessaires pour la livraison de l'aide et des secours.

 Les ministres ont eu une discussion sur le suivi de la stratégie globale de l’UE qui doit définir les intérêts, valeurs et principes fondamentaux qui doivent sous tendre l'action de l'UE dans le monde, et que la haute représentante a présenté lors du Conseil européen du 28 juin dernier. Après un premier débat des ministres des Affaires étrangères lors de leur réunion informelle des 2 et 3 septembre, un premier échange de vue informel des ministres en charge du développement le 12 septembre, ainsi qu’une discussion informelle des ministres de la défense le 27 septembre, les 28 ont adopté des conclusions au sujet de cette stratégie.

Les travaux relatifs à la mise en œuvre de la stratégie globale de l'UE devraient être axés sur les cinq domaines prioritaires ci-après pour la période 2016-2017:

  • renforcement de la capacité de résilience et approche intégrée des conflits et des crises;
  • sécurité et défense;
  • renforcement du lien entre politiques intérieures et extérieures;
  • stratégies régionales et thématiques: mise à jour de celles existantes ou élaboration de nouvelles;
  • intensification des efforts de la diplomatie publique.

Par ailleurs, les droits de l'homme, les femmes, la paix et la sécurité, ainsi que l'égalité hommes/femmes et l'émancipation des femmes continueront d'être intégrés dans tous les secteurs de la politique extérieure de l'UE.

A l’issue d’un échange de vues sur les relations UE-Tunisie, et notamment sur la manière de renforcer le soutien apporté par l’UE à ce pays, les ministres ont adopté des conclusions basées sur une communication conjointe de la Commission et de la haute représentante de l'Union intitulée "Renforcer le soutien de l'UE à la Tunisie". Le Conseil y réaffirme qu'il est résolument aux côtés du peuple tunisien pour soutenir la transition démocratique entamée en 2011 vers la liberté, la démocratie, la dignité et la justice sociale. Il encourage la Tunisie à poursuivre activement ses réformes en matière de gouvernance, le renforcement institutionnel, ainsi qu'une politique socio-économique à la hauteur des défis du pays et des besoins du peuple tunisien, en particulier les jeunes. Le Conseil soutient en particulier un renforcement de l'assistance financière de l'UE, jusqu'à 300 millions d'euros pour 2017, ainsi que le maintien d'un niveau de financement élevé jusqu'en 2020.

Les ministres ont aussi adopté des conclusions au sujet de la situation en République démocratique du Congo (RDC). "L'Union européenne est profondément préoccupée par la situation politique en RDC", et "condamne vivement les actes d'extrême violence qui ont eu lieu les 19 et 20 septembre, en particulier à Kinshasa", y déclarent-ils au sujet des violences meurtrières qui ont fait au moins 50 morts selon l'ONU et qui sont survenues à l'expiration du délai constitutionnel pour convoquer l'élection présidentielle, trois mois avant la fin du mandat du président Kabila le 20 décembre. Au pouvoir depuis 2001, ce dernier ne donne aucun signe de vouloir en partir alors que la Constitution lui interdit de se représenter. "Tous les acteurs" de cette crise sont invités à "respecter la Constitution actuelle, en particulier en ce qui concerne la limitation des mandats présidentiels ainsi que par un dialogue politique substantiel, inclusif, impartial et transparent", qui doit inclure notamment la Conférence épiscopale du Congo, selon le texte. Ce dialogue doit notamment déboucher "sur l'organisation d'élections présidentielles et législatives dans le délai le plus court possible au cours de l'année 2017", ajoutent les 28. Ils laissent aussi planer la menace de sanctions à travers leur politique "coordonnée" de délivrance de visas aux "détenteurs d'un passeport diplomatique ou de service". "L'UE utilisera tous les moyens à sa disposition, y compris le recours à des sanctions individuelles contre ceux qui sont responsables de graves violations des droits de l'Homme (...) ou qui feraient obstacle à une sortie de crise consensuelle, pacifique et respectueuse de l'aspiration du peuple congolais à élire ses représentants", est-il souligné.