Principaux portails publics  |     | 

Justice, liberté, sécurité et immigration - Politique étrangère et de défense - Traités et Affaires institutionnelles
Conseil européen – Migrations et relations avec la Russie étaient à l’ordre du jour de la première journée de la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement
20-10-2016


Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se sont rencontrés le 20 octobre 2016 à Bruxelles pour la première journée d’un Conseil européen consacré notamment à la question des migrations et aux relations de l’UE avec la Russie, à la lumière notamment de la situation en Syrie. Le Premier ministre Xavier Bettel y représentait le Luxembourg. La Première ministre britannique, Theresa May, qui participait à son premier Conseil européen, était très attendue par ses pairs sur la question du Brexit.

La question de la signature du CETA, à l’ordre du jour de la deuxième journée du Conseil, restait l’un des sujets brûlants de ce sommet et les tractations se sont poursuivies en parallèle à différents niveaux afin de trouver une solution au refus du gouvernement wallon de donner au gouvernement belge les pleins pouvoirs pour signer cet accord de commerce avec le Canada.

Migrations – L’objectif est de "redoubler d’efforts pour endiguer les flux de migrants en situation irrégulière, en particulier en provenance d’Afrique, et pour augmenter les taux de retour"

En matière de migrations, il était surtout question de faire le point sur la politique migratoire de l’UE, et les chefs d’Etat et de gouvernement ont notamment discuté de la dimension extérieure de cette dernière. Les discussions étaient notamment basées sur le premier rapport, présenté par la Commission le 18 octobre 2016, sur le cadre de partenariat pour les migrations lancé le 7 juin 2016, ainsi que sur la mise en œuvre de l'accord UE-Turquie du 5 mars 2016.

Devant le constat du nombre jugé toujours "bien trop élevé" de migrants en situation irrégulière arrivant en Italie par la route de la Méditerranée centrale, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont entendus pour "redoubler d’efforts pour endiguer les flux de migrants en situation irrégulière, en particulier en provenance d’Afrique, et pour augmenter les taux de retour", ainsi qu’ils le formulent dans leurs conclusions. Ils misent donc sur un cadre de partenariat avec différents pays d’origine et de transit, notamment en Afrique et la haute représentante de l’UE, Federica Mogherini, a présenté aux chefs d’Etat et de gouvernement les efforts diplomatiques actuellement menés avec le Sénégal, le Mali, le Niger, le Nigéria et l’Ethiopie, jugeant qu'il y avait déjà eu "plus de progrès dans les derniers mois que dans les dernières années". Elle est invitée à présenter "les premiers résultats obtenus en termes d'arrivées et de retours" lors du Conseil européen de décembre.

Comme l’a souligné Donald Tusk à l’issue de cette première journée de réunion, "l’objectif est de prévenir la migration illégale vers l’Italie et le reste de l’Europe et de veiller à assurer des retours efficaces des migrants illégaux". Dans leurs conclusions, les dirigeants européens appellent à utiliser comme leviers tous les "instruments et outils pertinents" au niveau européen, "y compris en matière de développement et de commerce". Ils rappellent aussi "la nécessité de s'attaquer aux causes profondes des migrations dans la région, y compris en apportant une aide aux personnes déplacées dans la région, ce qui contribuera à prévenir la migration illégale".

Cette approche ne manque pas de susciter des critiques car elle est interprétée par certains comme une manière de conditionner l’aide au développement aux efforts menés par ces pays pour augmenter les taux de retour. L’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts-ALE) a ainsi dénoncé auprès de la rédaction du Luxemburger Wort "un activisme migratoire à court Xavier Bettel à son arrivée au Conseil européen du 20 octobre 2016 (c) Union européenne / Le Conseil de l'UEterme et un chantage cynique à l’égard des pays en voie de développement". Xavier Bettel a expliqué à l’issue de cette première journée que l’enjeu, du point de vue du Luxembourg, était non pas de "punir" les pays qui ne coopéreraient pas sur les questions migratoires, mais bien de les "encourager à mener des politiques de développement, à faire les réformes nécessaires et à offrir des perspectives de façon à ce que les gens aient un avenir dans leur pays".

En ce qui concerne la route de la Méditerranée orientale, "la situation s’est améliorée", a noté Donald Tusk qui a évoqué une chute du nombre d’arrivées de 98 % depuis l’an dernier. Ce qui explique pourquoi les dirigeants ont pu "discuter d’un retour à Schengen", comme l’a indiqué le président du Conseil européen. L’objectif affirmé dans les conclusions est de revenir à Schengen "en adaptant les contrôles temporaires aux frontières intérieures en fonction des besoins actuels", ce qui passe par un renforcement du contrôle des frontières extérieures.

La question de la solidarité a aussi été abordée par les chefs d’Etat et de gouvernement, et ils se sont entendus sur l’idée qu’il n’y aurait pas de "solidarité à la carte", ainsi que l’a résumé Donald Tusk. Les conclusions invitent les Etats membres à "intensifier encore leurs efforts visant à accélérer les relocalisations, notamment pour les mineurs non accompagnés, et notamment la mise en œuvre des programmes de réinstallation existants" qui font toutefois l’objet d’un recours devant la CJUE de la part de la Hongrie et de la Slovaquie. La question de la réforme du régime d’asile européen commun, dont l’un des éléments clefs est la manière d’appliquer à l’avenir les principes de responsabilité et de solidarité, sera à l’ordre du jour du prochain Conseil européen.

"Il est clair que la stratégie de la Russie est d’affaiblir l’UE", constate Donald Tusk à l’issue d’un débat sur les relations avec la Russie

Donald Tusk à l'issue du Conseil européen du 20 octobre 2016 (c) Union européenne / Le Conseil de l'UELes chefs d’Etat et de gouvernement ont tenu un débat d'orientation stratégique sur les relations avec la Russie. "Il est clair que la stratégie de la Russie est d’affaiblir l’UE", a résumé Donald Tusk en citant comme exemples  les violations de l’espace aérien, campagnes de désinformation, les cyberattaques, les interférences dans les processus politiques au sein de l’UE, les instruments hybrides dans les Balkans ou encore l’évolution dans l’enquête sur le MH17. "Nous avons une évaluation sobre de cette réalité, et aucune illusion", a expliqué le président du Conseil européen en rappelant qu’augmenter les tensions avec la Russie n’était pas l’objectif de l’UE qui "réagit simplement aux mesures prises par la Russie". "Bien sûr l’UE est toujours prête à engager le dialogue, mais jamais nous ne transigerons sur nos valeurs ou nos principes", a assuré Donald Tusk en soulignant la volonté des chefs d’Etat et de gouvernement des 28 de "préserver l’unité de l’UE".

La situation en Syrie a aussi été abordée par les chefs d’Etat et de gouvernement qui, dans leurs conclusions, "condamnent avec force les attaques perpétrées par le régime syrien et ses alliés, notamment la Russie, contre des civils à Alep" et "les exhortent à mettre un terme aux atrocités et à prendre d'urgence des mesures pour faire en sorte que l'aide humanitaire puisse être acheminée sans entraves à Alep et dans d'autres parties du pays". "Le Conseil européen demande la cessation immédiate des hostilités et la reprise d'un processus politique crédible, sous les auspices des Nations unies", poursuivent les conclusions.

"Ceux qui se sont rendus coupables de violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l'homme doivent répondre de leurs actes", affirment encore les chefs d’Etat et de gouvernement qui se sont entendus pour dire que "l'UE envisage toutes les options disponibles, si les atrocités commises actuellement devaient se poursuivre".

Cette dernière formule a fait l’objet de vives discussions, puisqu’il était question, dans une version antérieure du texte, de  l’éventualité de prendre "des mesures restrictives supplémentaires ciblant des individus et entités soutenant le régime", ce qui ressemblait plus à une menace de sanctions à l’égard de la Russie notamment. Sur ce point, le Premier ministre luxembourgeois a défendu la même ligne que celle avancée par le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, à l’occasion du Conseil Affaires étrangères du 17 octobre dernier. Certes, "les violations du droit international ne peuvent rester impunies", mais il faut "privilégier le dialogue" avant d’envisager des sanctions dont il doute qu’elles offrent "une solution durable", a dit, en substance, Xavier Bettel. "Tout devrait être mis en œuvre pour prolonger le cessez-le-feu, apporter l'aide humanitaire à la population civile et créer les conditions propices à l'ouverture de négociations relatives à une transition politique en Syrie", telles sont les trois priorités qu’il a mises en avant dans le dossier syrien et qui sont aussi inscrites une fois de plus dans les conclusions.

"Le Royaume-Uni quitte l'Union européenne, mais nous continuerons à jouer pleinement notre rôle jusqu'à notre départ"

François Hollande, Xavier Bettel et Theresa May lors du Conseil européen du 20 octobre 2016 (c) Union européenne / Le Conseil de l'UELa Première ministre britannique, Theresa May, qui participait à son premier Conseil européen, était aussi très attendue par ses pairs sur la question du Brexit. Elle a pu confirmer à ses collègues que le Royaume-Uni invoquerait l’article 50 du traité avant la fin du mois de mars 2017. "Le Royaume-Uni quitte l'Union européenne, mais nous continuerons à jouer pleinement notre rôle jusqu'à notre départ et nous serons un partenaire fort et sérieux quand nous serons sortis", a assuré Theresa May qui a plaidé pour une sortie britannique "sans heurts et constructive", qui ne "nuise pas au reste de l'Union européenne".

Sans surprise, la position des 27 a été réaffirmée par Donald Tusk à l’issue de la réunion, à savoir qu’il n’y aurait pas de négociations d’ici là, et que l’indivisibilité des quatre libertés n’était pas négociable. Une position réaffirmée par Xavier Bettel à l’issue de la réunion, qui, interrogé pour savoir si un Brexit "dur" était en vue, a fait part de son sentiment que la Première ministre britannique ne semblait pas viser un "Brexit dur", tout en précisant qu’il ne saurait répondre à une telle question tant que les négociations n’auront pas commencé.