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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Traités et Affaires institutionnelles
Le Parlement européen demande à la Commission européenne d’établir un mécanisme contraignant pour surveiller le respect de l’Etat de droit dans les Etats membres
25-10-2016


Par une résolution adoptée le 25 octobre 2016, par 405 voix pour, 171 contre et 39 abstentions, le Parlement européen demande à la Commission européenne de présenter d'ici septembre 2017 une proposition législative mettant en place de nouveaux mécanismes pour surveiller l'état de la démocratie dans les États membres. Les eurodéputés veulent mettre "fin à l'actuelle approche dictée par les crises des manquements perçus à la démocratie, à l'état de droit et aux droits fondamentaux", selon le communiqué de presse du Parlement européen.

Améliorer et réunir les instruments existants

En 2014, dans la foulée d'une résolution adoptée le 27 février au Parlement européen, la Commission européenne avait adopté un nouveau cadre pour faire face aux menaces systémiques qui pourraient peser sur l'État de droit dans n'importe lequel des 28 États membres de l'UE, censé devenir le chaînon complémentaire entre les procédures d'infraction - en cas de violation du droit de l'UE - et la procédure dite "de l'article 7" du traité de Lisbonne, qui, dans les situations extrêmes, permet la suspension des droits de vote en cas de "violation grave et persistante" des valeurs de l'UE par un État membre. C'est dans ce cadre d'ailleurs que la Commission européenne a adopté le  27 juillet 2016 une recommandation sur l'état de droit relative à la situation en Pologne.

Ce cadre a créé un "mécanisme de Copenhague" garantissant le respect par tous les États membres des valeurs communes de l'UE et la continuité des critères d'adhésion à l'Union, plus connus sous le nom de "critères de Copenhague", qui restent applicables après l'adhésion en vertu de l'article 2 du traité sur l'Union européenne et du principe de coopération loyale qui figure à l'article 4 du traité sur l'Union européenne. Toutefois, les eurodéputés veulent "combler davantage le fossé apparent entre la surveillance de la démocratie, de l'état de droit et des droits fondamentaux dans les pays candidats à l'UE et le manque d'outils efficaces vis-à-vis de ceux qui sont déjà membres de l'Union", comme on le lit dans leur résolution.

Ils souhaitent ainsi que la Commission européenne mette en place un mécanisme contraignant pour évaluer le respect des valeurs de démocratie et d'état de droit ancrées dans les traités de l'UE. "Nous avons doté l'Union européenne d'instruments pour faire respecter tous les autres domaines politiques - la concurrence, la coopération policière et judiciaire, les politiques étrangères (...), mais nos valeurs fondamentales ne sont pas protégées par des instruments suffisamment solides pour assurer que les valeurs soient respectées dans toute l'Union européenne", a expliqué la députée en charge du dossier Sophie in't Veld (ADLE) durant le débat.

Les eurodéputés soulignent d'ailleurs dans leur résolution que ce mécanisme est également un moyen de surveiller le respect des droits des quelque 8 % des citoyens de l'Union qui appartiennent à une minorité nationale et des quelque 10 % qui parlent une langue régionale ou minoritaire, alors qu'il n'existe pas dans l'Union de cadre juridique permettant de garantir ces droits aux minorités.

Rapporteur fictif de la proposition pour le PPE, l'eurodéputé luxembourgeois, Frank Engel, a souligné que "l'état de droit est une partie du code génétique de la gouvernance européenne". "Nous devons assurer qu'il ne soit ni interrompu ni abîmé. Les dérapages de gouvernance peuvent finir en dictature – il faut l'éviter pour toujours", a-t-il dit. "Nous savons que les deux autres institutions ne sont pas très friandes de ce que nous venons de proposer. C'est bien que ça ne nous ait pas découragé de formuler nos souhaits, qui sont ceux rapportés par des millions de gens en Hongrie, en Pologne et ailleurs", a déclaré par ailleurs Frank Engel.

"La Commission européenne peut donner ordre aux États membres d'ajuster leurs budgets ou leurs systèmes fiscaux, pour les rendre conformes au droit de l'UE. Et les États membres acceptent d'être obligés de respecter le droit de l'UE dans ces domaines. Or, ce n'est pas le cas pour la mise en œuvre de la démocratie, de l'État de droit et des droits fondamentaux. Dans ces conditions, le vote de ce jour est un pas dans la bonne direction", a lancé l'eurodéputée S&D, Birgit Sippel.

Le fonctionnement du Pacte de l'Union en faveur de la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux

La proposition du Parlement pour un Pacte de l'Union en faveur de la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux vise à intégrer des outils existants liés à ces domaines en un seul instrument et à veiller à ce qu'ils soient utilisés pleinement.

Ce nouveau mécanisme européen devrait veiller à ce que tous les Etats membres de l'Union respectent et définissent des critères clairs, fondés sur des preuves, et non politiques, pour évaluer leurs dossiers en matière de démocratie, d'état de droit et des droits fondamentaux de manière systématique et sur un pied d'égalité, dit le texte adopté. Le Pacte devrait reposer sur des éléments concrets, "être objectif et sans influence extérieure, notamment du pouvoir politique, non discriminatoire et équitable dans ses évaluations, respecter les principes de subsidiarité, de nécessité et de proportionnalité et s'appliquer tant aux États membres qu'aux institutions de l'Union", dit encore la résolution.

Le processus comprendrait l'établissement d'un rapport annuel sur la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux incluant des recommandations spécifiques par pays, sur la base d'indicateurs tels que la séparation des pouvoirs, la liberté et le pluralisme des médias et l'accès à la justice, qui tiennent compte des rapports établis par l'Agence européenne pour les droits fondamentaux (FRA), le Conseil de l'Europe et d'autres autorités compétentes dans le domaine.

S'en suivrait un débat interparlementaire annuel, incluant dont les parlements nationaux, qui s'appuie sur ce rapport. Il indiquerait les modalités de traitement des risques potentiels et violations telles que prévues par les traités, et des conditions d'activation du volet préventif ou correctif de l'article 7 du traité sur l'Union européenne, ainsi qu'un cycle de politiques en faveur de la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux au sein des institutions de l'Union.

La Commission est désormais tenue de fournir une réponse motivée au Parlement européen. Mais le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a d'ores et déjà fait part, lors du débat avec les eurodéputés, de son scepticisme, tant sur la pertinence de modifier une nouvelle fois les outils de surveillance du respect de l'état de droit, que sur les possibilités de trouver un accord au Conseil sur les propositions faites par le Parlement européen.