La vaccination, la sécurité des patients ou encore l’accès des homosexuels aux dons de sang étaient au menu du Conseil EPSCO Santé du 1er décembre 2014, selon les conclusions.
La vaccination "est d'une importance fondamentale" pour la santé publique, "nous ne pouvons pas baisser la garde" devant la méfiance qui se développe en Europe "sur des bases non scientifiques" face à cet outil de prévention, a souligné Beatrice Lorenzin, la ministre italienne de la Santé, qui présidait le Conseil. Elle a mis en garde contre le "faux sentiment de sécurité" entretenu en Europe face aux menaces sanitaires. L'épidémie d'Ebola en Afrique "devrait rappeler à chacun l'importance" de la lutte contre les agents pathogènes, a-t-elle insisté.
"Nous devons inverser la tendance actuelle de scepticisme", qui est "très dangereuse" et risque de ramener en Europe des épidémies de poliomyélite, rubéole ou tuberculose, a également plaidé le commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis. Il a souligné que la "situation épidémiologique" dans le voisinage de l’UE est "fragile". Alors que la vaccination est de moins en moins obligatoire dans les Etats membres, il a souligné la nécessité d'étendre les programmes de vaccinations au-delà de l'enfance.
Dans leurs conclusions sur la vaccination, les ministres plaident pour plus de vaccination des personnels de santé, et le développement de la recherche de nouveaux vaccins. Face au "nombre croissant de refus de vaccination dans certains États membres", ils rappellent qu’il "est important que la population comprenne l'intérêt des vaccinations". "Le fait que certaines personnes ne soient pas conscientes de l'intérêt de certains vaccins" peut conduire "à une sous-vaccination dans certaines populations, susceptible d'induire des problèmes de santé publique et de coûteuses épidémies", notent-ils. "Les campagnes générales de vaccination ont permis d'interrompre la circulation de pathogènes grâce au phénomène de ‘l'immunité de groupe’", qui "pourrait dès lors être considérée comme un objectif des plans de vaccination nationaux", relèvent-ils.
Le Conseil Santé a par ailleurs pris note du rapport de la Présidence italienne sur l'état d'avancement des travaux sur les deux projets de règlements relatifs l'un aux dispositifs médicaux et l'autre aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Pour rappel, le dossier date de septembre 2012 quand la Commission européenne avait proposé de nouvelles règles, à la lumière du scandale des implants mammaires PIP, afin de garantir la sécurité et la traçabilité des dispositifs médicaux en renforçant la surveillance et la certification. En avril 2014, le Parlement européen a adopté sa position sur ces deux propositions législatives.
L’Italie qui voulait aboutir à un accord durant sa présidence avait organisé une dizaine de réunions techniques, selon le rapport. Mais en absence d’un compromis sur plusieurs sujets, le dossier sera transmis à la Présidence lettone qui pourra se servir du rapport comme "base de travail important" afin de "parachever" les travaux, a estimé la ministre italienne de la Santé, Beatrice Lorenzin, lors d’une conférence de presse. Il y a à ce jour encore "trop de questions ouvertes" dans ce "dossier compliqué" et l'Italie "ne va pas forcer la main aux délégations" alors qu'un compromis ne s'est pas dessiné aux cours des travaux préparatoires, a-t-elle regretté.
Le commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis, a déploré pour sa part l'absence de consensus et a exhorté les États membres à abandonner les discussions techniques pour prendre une initiative politique. "J'insiste pour arriver à un accord, il faut s'éloigner de sa position pour se rapprocher de celle des autres, c'est indispensable", a souligné le commissaire lors d’une conférence de presse. Il s’est pourtant félicité du "progrès" de la Présidence italienne dans ce dossier "très technique". Les questions en discussion concernent entre autres les dispositifs esthétiques, le retraitement des dispositifs à usage unique, le système d'identification unique des dispositifs médicaux ou encore la surveillance après commercialisation.
Dans le cadre de la révision de la stratégie Europe 2020, les ministres ont également eu un échange de vues sur la manière dont les investissements dans les systèmes de santé peuvent contribuer à la réalisation des objectifs de la stratégie de l'UE pour la croissance, en se basant sur une note de la Présidence italienne. Vytenis Andriukaitis a souligné le rôle de l’investissement pour le secteur de la santé. "Quand on investit dans la santé, on investit dans la croissance, dans l’emploi", a-t-il insisté. L’introduction d’un objectif relatif à la santé dans la stratégie n’a pas été soutenue par le Conseil, qui estime que la santé relève des compétences des Etats membres qui devront continuer leur échange de meilleurs pratiques, selon les conclusions.
Le Conseil a par ailleurs adopté des conclusions sur la sécurité des patients invitant les Etats membres à renforcer la culture de la sécurité des patients. Le Conseil note que près de 3,2 millions de personnes contractent chaque année dans l’UE une infection nosocomiale (contractée dans les hôpitaux) et que 20 à 30 % de ces cas pourraient être prévenus. Le Conseil invite les Etats membres entre autres à promouvoir la formation et l’entraînement du personnel de santé sur les infections nosocomiales ou encore à instaurer des directives volontaires visant à établir des normes sur la sécurité du patient.
Le Conseil a également adopté des conclusions sur la qualité des soins et l'innovation dans l'intérêt des patients. Il y est noté entre autres que le Conseil "constate avec inquiétude que, en raison des prix très élevés de certains médicaments innovants par rapport à l'intérêt qu'ils présentent pour les patients et aux capacités de certains États membres en matière de dépenses de santé publique, les patients n'ont pas toujours accès à des traitements innovants". Il appelle les Etats membres à "renforcer l'échange effectif d'informations sur les prix des médicaments et les dépenses consacrées aux médicaments, y compris les médicaments innovants" ainsi qu’à soutenir la recherche afin de "mieux comprendre comment les prix des produits pharmaceutiques peuvent être fixes".
Le Luxembourg a présenté une note au sujet de l’accès des homosexuels aux dons de sang, soulignant que "l'exclusion du don de sang doit être basée sur un comportement à risque et non pas sur une orientation sexuelle".
Pour rappel, la directive (2004/33/CE) prévoit parmi les critères d’exclusion des donneurs du sang celui lié au comportement sexuel et cible plus précisément les "sujets dont le comportement sexuel les expose au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang", dont le HIV, l’hépatite B et l’hépatite C, sans nommer explicitement l’homosexualité.
Selon la note du Luxembourg, les comportements sexuels considérés à risque concernent les sujets hétérosexuels ou homosexuels ayant des partenaires multiples et les sujets qui se prostituent. Le Luxembourg rappelle qu’une seule analyse du sang n’élimine pas tous les risques, évoquant une fenêtre de plusieurs semaines entre "présence de virus dans le sang d’une personne contaminée et l’apparition de marqueurs permettant la détection de sa présence".
Le Luxembourg a invité dans la note les États membres à "soumettre leur pratique actuelle dans ce domaine à une réflexion critique", là où cela s'avérerait nécessaire, afin "d'éviter tout risque non fondé de discrimination", selon un communiqué. De nouveaux développements y relatifs sont attendus pour les mois à venir de la part du Conseil de l'Europe et de la Cour de justice de l'Union européenne.
L’avocat général de la Cour de Justice de l’UE Paolo Mengozzi avait déjà conclu dans un communiqué du 17 juillet 2014 qu’ "une relation sexuelle entre deux hommes n’est pas, en soi et à elle seule, constitutive d’un comportement qui justifierait l’exclusion permanente du don de sang", mais qu’ "une telle exclusion peut cependant être justifiée au regard de l’objectif de protection de la santé publique, à condition qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire". Il avait expliqué qu’en écartant de manière définitive du don de sang tout homme ayant eu ou ayant des rapports sexuels avec un autre homme, "la réglementation introduit une évidente discrimination indirecte fondée, de manière combinée, sur le sexe (les hommes) et sur l'orientation sexuelle (l'homosexualité et la bisexualité)".
Le 23 juillet 2014, dans une réponse à une question parlementaire de Claudia Dall'Agnol, la ministre de la Santé Lydia Mutsch avait exprimé une position d’ouverture au don de sang à la communauté homosexuelle. "L'exclusion du don de sang doit être basée sur un comportement à risque et non pas sur une orientation sexuelle", avait-elle insisté dans sa réponse.
En marge du Conseil, la ministre a eu une entrevue avec le nouveau ministre letton de la santé, Guntis Belevics. Ont été abordés notamment les dossiers actuellement en cours ainsi que les priorités des futures Présidence lettone et luxembourgeoise du Conseil de l’UE.