La libéralisation des transports dans l’Union européenne s’est accompagnée d’initiatives législatives visant l’harmonisation et le renforcement des droits fondamentaux des passagers. Face à l’arrivée de nouveaux opérateurs et la recrudescence de la concurrence sur les marchés, la Commission européenne avait, dans un Livre blanc publié en 2001, fixé l’objectif d’un ensemble intégré complet de règles qui établissent les droits fondamentaux des passagers dans tous les modes de transport. Ce fut chose faite après l’adoption en 2011 des droits des passagers dans le transport par autobus et autocar.
Aujourd’hui, six règlements européens encadrent les droits des passagers pour les différents moyens de transport traditionnels (avion, rail, bateau et bus). Les règles adoptées prévoient une protection minimale des personnes, afin de faciliter la mobilité et l’intégration sociale, mais aussi de contribuer à la création de conditions de concurrence homogènes aussi bien au sein d’un mode de transport qu’entre les différents modes.
Néanmoins, les litiges nés des lacunes et approximations de ces textes mais aussi la jurisprudence prononcée par la Cour de justice de l’Union européenne sur ce sujet ont nécessité des modifications. Dès le 19 décembre 2011, la Commission a lancé un processus de réformes par une communication sur les droits des passagers dans tous les modes de transport, intitulée "Une vision européenne pour les passagers". Elle y constatait que les passagers ne connaissaient pas encore leurs droits ou y renonçaient par frustration, parce qu’il est trop coûteux et compliqué de les faire valoir, tandis que les autorités nationales appliquaient la législation de manière différente.
L’eurodéputé luxembourgeois, Georges Bach (PPE), avait été chargé par le Parlement européen de fournir un rapport sur les droits des voyageurs dans tous les modes de transport et en juin 2012, il avait insisté sur le manque d'information des voyageurs, l'application inégale des règlements dans les différents États membres, la question de la responsabilité en cas de problèmes, les droits des personnes handicapées et à mobilité réduite, ainsi que les nouveaux défis que pose l'inter-modalité dans les transports. En adoptant son rapport le 22 octobre suivant, le Parlement invitait la Commission européenne à, entre autres, améliorer les procédures de plainte et sévir contre certaines pratiques commerciales abusives. De même, les eurodéputés estimaient que la Commission européenne devait définir clairement les "circonstances extraordinaires" en vertu desquelles les compagnies ne peuvent être tenues responsables d'interruptions de services.
La définition de ces "circonstances extraordinaires", par lesquelles les compagnies aériennes ne sont pas tenues d’indemniser les passagers en cas de retard ou d’annulation du vol, est l’un des principaux enjeux de la réforme des droits des passagers aériens.
Les passagers des compagnies aériennes font régulièrement face à trois aléas : le refus d’embarquement, les annulations de vol ou les retards. Considérant qu’il y a un immense déséquilibre entre le passager et les compagnies aériennes, le premier ayant bien peu de moyens pour agir face aux autres, la Cour de justice de l’UE a souvent émis des arrêts favorables aux consommateurs et influençant les travaux législatifs.
Même en cas de fermeture d'une partie de l'espace européen à la suite d’une éruption volcanique, comme cela est arrivé en avril 2010, des "circonstances extraordinaires" ne peuvent pas être invoquées par les transporteurs pour s’exonérer de leur obligation de prise en charge, a notamment jugé la CJUE en janvier 2013.
Le 4 octobre 2012, la Cour européenne a par ailleurs rendu deux arrêts portant sur l’interprétation du règlement 261/2004 sur les droits des passagers aériens et affirmant que l'indemnisation pour refus d'embarquement vise non seulement les situations de surréservation, mais également celles liées à d’autres motifs, notamment opérationnels. Elle signifiait également que les passagers de vols comprenant des trajets successifs doivent être indemnisés pour refus d'embarquement quand celui-ci est dû à un retard imputable au transporteur pour le premier vol.
Le 23 octobre 2012, elle a aussi confirmé son arrêt Sturgeon de novembre 2009, par lequel elle a jugé que s’ils atteignent leur destination finale trois heures ou plus après l’heure d’arrivée initialement prévue, les passagers peuvent demander une indemnisation forfaitaire à la compagnie aérienne, à moins que le retard soit dû à des circonstances extraordinaires. Et elle l’a confirmée une fois encore dans son arrêt C-11/11 (Air France/ Heinz-Gerke et Luz-Teresa Folkerts).
Partiellement en réaction à ces arrêts, la Commission européenne a, le 13 mars 2013, proposé un ensemble de mesures visant à renforcer et à étoffer les droits des passagers aériens qui sont bloqués à l'aéroport, notamment en ce qui concerne l'information, la prise en charge et le réacheminement, mais aussi à renforcer les procédures de traitement des réclamations et les mesures de contrôle de l'application.
Le texte de la Commission prévoit néanmoins l’indemnisation en cas de retard, non pas de 3 heures comme avancé par la CJUE, mais de 5 heures pour des vols intra-européens et au-delà de 9 ou 12 heures pour des vols de longue distance.
Pour Georges Bach, désigné rapporteur pour le Parlement européen de cette initiative législative, les propositions de la Commission cherchent à parvenir à un "équilibre entre les intérêts de l’industrie et des passagers" mais seraient au désavantage de ces derniers. L’eurodéputé luxembourgeois a manifesté son intention de se battre pour conserver la limite de trois heures. Il entend également inclure dans le texte la protection des passagers en cas d’insolvabilité de compagnies aériennes et aborder le problème de la règle imposée par certaines compagnies low cost qui limitent le bagage à main des passagers autorisé en cabine à un seul bagage.
Le 10 octobre 2013, il a reçu au Conseil des ministres européens des transports le soutien du ministre luxembourgeois des Transports de l’époque, Claude Wiseler pour ce qui est de l’indemnisation des retards. Le ministre a également émis des "doutes très sérieux" quant aux nouvelles dispositions sur les correspondances manquées, jugeant que les droits des passagers sont d’ores et déjà bien encadrés par les accords interligne et a demandé que cette partie du texte soit retirée.
Néanmoins, au début de l’année 2014, le projet sur les droits des passagers aériens a pris du retard. La présidence lituanienne de l’UE, au 4e trimestre 2013, n’a pas pu dégager d’accord. "Il s'agit d'un dossier difficile, où certains États membres défendent plutôt les droits des consommateurs, tandis que d´autres essaient de défendre les intérêts des compagnies aériennes", avait alors expliqué Georges Bach.
A noter que les droits des passagers ferroviaires, introduits avec le 3e paquet ferroviaire en 2007, ont également été renforcés par la jurisprudence de l’UE, dans son arrêt sur l’affaire C-509/11 rendu le 26 septembre 2013. Elle estime que les voyageurs ont droit au remboursement partiel du prix de leur billet de train en cas de retard de plus d’une heure, même si ce retard est dû à un cas de force majeure. Selon cette jurisprudence, ni les intempéries ni les grèves par exemple ne peuvent être invoquées par les sociétés de chemin de fer pour refuser une indemnisation au voyageur lésé.