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Europaforum
Nicolas Schmit au Lycée Robert Schuman : "L’Union européenne, une opportunité plus qu’une menace"
27-11-2006


Le 27 novembre 2006, le ministre délégué aux Affaires étrangères et à l’Immigration, Nicolas Schmit, a répondu à l’invitation des enseignants et des élèves de l’option "Europe" qui est destinée aux élèves de la classe de deuxième du Lycée Robert-Schuman à Luxembourg. Il fut accueilli par les professeurs Simone Steinmetz et Martine Richard.

Pendant deux heures, le ministre a répondu aux questions des 80 élèves sur de nombreux sujets de la construction européenne.

Un petit Etat dans la grande Union européenne

Une des questions touchait à la capacité du petit Etat qu’est le Luxembourg d’arriver à s’affirmer dans l’Union européenne élargie. Nicolas Schmit a répondu à cette question qui préoccupe les Luxembourgeois depuis le début de la construction européenne en décrivant aux élèves à quel point l’influence du Luxembourg était inexistante et le petit Etat peu respecté quand il était entouré de deux grands voisins ennemis entre eux. Cette donne a été changée avec le début de construction européenne en 1952. Le Luxembourg en tant que membre fondateur du grand projet européen est désormais reconnu comme un acteur au plein sens du terme. Sa position lui assure dorénavant ses droits et une influence politique et même économique à travers le monde entier, a fortiori auprès des nouveaux Etats membres.. "Sans l’Union européenne," a dit le ministre, "le Luxembourg serait insignifiant au niveau international." Et d’ajouter que son économie qui était entièrement orientée vers les grands marchés internationaux ouverts profitait largement de l’élargissement.

Autour de la Turquie

Une autre question touchait l’adhésion de la Turquie. Nicolas Schmit a expliqué aux élèves que l’Union européenne était un projet qui n’était pas basé sur la religion, mais une structure ouverte basée sur ses valeurs spécifiques qui sont la démocratie et l’Etat de droit, ce qui implique le respect des droits fondamentaux, notamment des femmes et des minorités, et le primat du gouvernement civil sur les militaires. C’est autour de ces valeurs que tournent les négociations avec la Turquie dont la population est musulmane à 98%, la Constitution résolument laïque et l’opinion publique encore peu disposée à accepter les abandons de souveraineté qu’une adhésion à l’Union européenne implique. Nicolas Schmit a qualifié le processus de négociation avec la Turquie de "processus ouvert" qui se heurtait à de réelles difficultés.

Certains élèves ont fait part de leurs craintes en cas d’adhésion de la Turquie. Le ministre Schmit a clairement dit qu’il ne fallait pas nier ces craintes dont il estimait qu’elles étaient plus diffuses que précises. Craindre le fait que le pays compte 98% de musulmans n’est pas pour lui une alternative : "Nous devons vivre avec l’Islam et développer avec lui un dialogue au sein de nos propres sociétés, dans lesquelles il est présent. Il nous faut éviter le choc des civilisations. La Turquie pourra être très utile dans ce contexte, car sa société a des caractéristiques de société ouverte et laïque." Et il a ajouté, pour répondre à une seconde crainte, que "nos valeurs ne doivent pas être abandonnées, mais renforcées dans cette discussion." Une troisième crainte len relation avec l’adhésion de la Turquie est liée à l’explosion démographique dans ce pays et à la poussée migratoire qu’elle pourrait déclencher. "Il est clair," a déclaré le ministre, "que la libre circulation des travailleurs entre la Turquie et les autres pays de l’Union européenne ne pourra pas être automatique pendant longtemps."

Le différentiel économique et social entre anciens et nouveaux Etats membres de l’UE

Une question importante des élèves, qui avaient travaillé dernièrement avec des lycéens lettons dans le cadre du programme Comenius, touchait à la situation financière et sociale très différente des citoyens des anciens et des nouveaux Etats membres et aux velléités d’émigration largement répandues dans ces derniers pays. Nicolas Schmit a défendu les mesures de transition que le Luxembourg pratique également et qui ne permettront une libre circulation auotmatique des travailleurs que dans quelques années. Cependant, certains pays de l’Union européenne n’appliquent pas ces mesures et font actuellement face à de grandes vagues d’immigration de main d’œuvre avant tout qualifiée et hautement qualifiée qui fait défaut dans les pays d’origine. La croissance de ces pays, bien que rapide, s’en trouve ralentie. Néanmoins, l’émigration de cette main d’œuvre a déclenché une hausse des salaires dans ces pays, de sorte que le souci de compétitivité s’accompagne maintenant d’un souci pour le niveau de vie et que les équilibres sociaux commencent à être à l’ordre du jour. Bref, il était juste "d’inclure ces pays avant qu’ils ne deviennent riches", car il a été possible de les influencer positivement dès le début de leur ouverture.

La lutte contre le crime organisé

L’ouverture des frontières et le crime organisé international étaient une autre préoccupation des lycéens. Nicolas Schmit a longuement expliqué à ses interlocuteurs qu’aux mafias internationales, l’on ne pouvait qu’opposer une réponse européenne à travers l’échange d’informations, la coopération entre les justices et les polices et bien d’autres mesures : "L’Union européenne a fait de la lutte contre le crime organisé, notamment contre le trafic de drogues et la traite des êtres humains, une de ses priorités. Elle répond ainsi à l’attente légitime des citoyens que l’Union européenne leur procure plus de sécurité."

Comment se réaliser professionnellement dans la grande Union européenne

De nombreux élèves ont exprimé leurs craintes que la grande Union européenne les empêche de se réaliser du point de vue professionnel, craintes que Nicolas Schmit a commentées avec une grande franchise. La globalisation touche tous les pays et toutes les personnes. Trouver un refuge pour tous dans la fonction publique n’est pas une solution pour la collectivité. La libre circulation des travailleurs ne doit donc pas être perçue comme une menace mais comme une opportunité. S’il y a une augmentation du chômage au Luxembourg et parallèlement une offre de 1500 emplois qualifiés que le marché du travail local et régional ne peut satisfaire, c’est qu’il y a d’abord un problème de qualification des demandeurs d’emploi pour lequel l’Union européenne ne peut être rendue responsable. D’où sa conclusion qu’un des "enjeux essentiels de la société luxembourgeoise était un enseignement qui dispense à ses élèves et étudiants une qualification qui corresponde aux réalités économiques et qui les dote de la confiance nécessaire pour affronter un marché du travail ouvert dans une Union européenne qui ne serait alors pas perçue comme une menace."