Principaux portails publics  |     | 

Traités et Affaires institutionnelles
Conférence de Jim Cloos, directeur des questions politiques générales au secrétariat général du Conseil de l’Union européenne, à l’Université de Luxembourg : "La PESC est une ‘success story’ "
30-11-2006


Dans le cadre d’un cycle de conférences consacrées ä l’Histoire européenne, Jim Cloos, directeur des questions politiques générales au secrétariat général du Conseil de l’Union européenne, est intervenu le 30 novembre 2006 à l’Université de Luxembourg sur "l’apport de la PESC à l’action extérieure de l’Union européenne". Organisée par les responsables du Master en Histoire européenne contemporaine, cette deuxième réunion publique s’est déroulée dans le cadre du « Forum Europe-Histoire et Actualité » de l’Université du Luxembourg lequel rassemble des témoins privilégiés de la construction européenne avec pour dessein d’expliquer le projet européen au public.

Dans son introduction, Jim Cloos a retracé les grandes étapes de la construction européenne. En même temps, il a souligné que l’Europe depuis ses origines, a poursuivi des objectifs politiques. A commencer avec le traité CECA, qui prévoyait une coopération forte sur le plan économique, le meilleur moyen d’éviter l’irruption un nouveau conflit entre les anciens belligérants européens.

L’unification militaire et politique fut abordée assez rapidement avec le traité CED (Communauté européenne de défense). Mais celle-ci fut rejetée en 1954 par l’Assemblée nationale française. La conférence de Messine de 1955 a permis, par la suite, de relancer le processus d’intégration. Le traité de Rome de 1957 crée la Communauté économique européenne entre 6 pays, avec une union douanière et l’objectif de la libre circulation des marchandises, des personnes, des travailleurs et des capitaux. Malgré son orientation essentiellement économique, la CEE développe par la force des choses une coopération politique qui aboutit à des positions, mais pas à des actes politiques, En 1985, l’Acte Unique est signé à Luxembourg. Il fusionne les deux communautés en un seul traité et achève le marché intérieur. Le projet politique défendu à l’époque par certains pays y est écarté. L’Acte unique ne prévoit qu’une coopération intergouvernementale en matière de politique étrangère.

Pour Jim Cloos, la politique étrangère et de sécurité commune est véritablement née avec le traité de Maastricht. A la suite de deux événements précis. D’une part, en 1989 la fin de la Guerre Froide a bouleversé le monde et amené les Occidentaux à s’interroger sur les défis posés par le nouvel environnement international. La réaction inadéquate des Européens et des Américains, leur manque de moyens et leur désunion lors de la crise des Balkans en 1991 dicte ce tournant aux Etats membres de la future Union européenne. D’autre part, la réunification de l’Allemagne ne peut être envisagée que dans un contexte européen, ce qui mène Helmut Kohl et François Mitterrand à développer le concept d’une l’Union politique.

Pour Jim Cloos, l’impact du traité de Maastricht est considérable. Il symbolise "non seulement le couronnement de l’intégration économique mais également le début d’une véritable politique étrangère et de sécurité commune" qui complète l’action extérieure de l’Europe dans les domaines de la politique commerciale, de l’assistance économique et de l’aide au développement.

Si sur le papier, le traité de Maastricht a fourni un cadre pour élaborer une politique étrangère, la réalisation concrète de celle-ci est d’abord restée lettre morte, ce qui a pour effet que l’intervention de l’Union européenne dans les Balkans reste inefficace jusqu’en 1995. Pour Cloos, cet épisode est particulièrement riche en enseignements : il illustre qu’une politique étrangère efficace doit se fonder sur 4 éléments : une stratégie, une politique crédible, des moyens et des personnes pour gérer les crises ainsi qu’une structure.

C’est le traité d’Amsterdam qui réforme la politique étrangère et de sécurité commune. Il prévoit notamment la création d’un Monsieur PESC (le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune) et l’organisation de troupes militaires européennes. Ces deux nouveaux outils devraient contribuer à une plus grande visibilité de la PESC sur la scène internationale.

Selon Jim Cloos, les Etats- membres doivent se doter d’une stratégie et d’une politique communes. Celles-ci supposent que les différents Etats définissent des objectifs en commun et s’expriment d’une seule voix sur la scène internationale. A long terme, une telle approche permettrait d’éviter de grandes crises comme celle que les Européens ont connue autour de leurs dissensions sur la guerre en Irak.

Tirant profit de ces enseignements, les ministres des Affaires étrangères ont élaboré une stratégie européenne de sécurité. Ce document d’une quinzaine de pages, réunit les Etats autour de quelques orientations stratégiques et sécuritaires. L’Europe y définit les nouvelles menaces comme le terrorisme, entérine une série d’objectifs stratégiques (comme par exemple construire la sécurité dans son voisinage), souligne que l’ordre international est fondé sur le multilatéralisme et approfondit des politiques sectorielles de sécurité.

Une fois les objectifs définis, il faut également se doter d’instruments de gestion de crise. Pour Jim Cloos, les Battlegroups, des groupements tactiques de réaction rapide, sont un bon exemple à cet égard et montrent que l’Europe est engagée sur la bonne voie.

Dans le cadre de la de la PESC, trois grandes missions ont été envisagées. Premièrement, il s’agit de suivre le processus de paix dans certaines régions. Dans les Balkans, l’EUFOR a par exemple pris la relève de la SFOR. L’opération, mieux connue sous le nom d’ALTHEA a permis à la situation d’évoluer pacifiquement et constitue un réel succès pour l’Union européenne.

Deuxièmement, il s’agit de parer à une crise avant qu’elle n’éclate. Dans ce contexte, l’opération CONCORDIA en Macédoine peut être évoquée. Elle est menée en collaboration avec les forces de l’Otan et a évité qu’une guerre civile éclate dans la région.

Enfin, il s’agit d’accompagner un processus de paix et de le consolider à long terme en contribuant au « nation-building ».. Dans les territoires de l’Autorité palestinienne, par exemple, l’Union européenne a formé des agents de la police locale.

Le traité de Constitution prévoit la création d’un ministre des Affaires étrangères de l’Union européenne et d’un service diplomatique conjoint. Somme toute, ces initiatives représentent de grandes avancées pour la politique étrangère et de sécurité commune. Pourtant, selon Jim Cloos, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Mais son expérience lui enseigne qu’une chose "qui fait du sens" a toutes les chances de se réaliser dans le futur.

En conclusion, Jim Cloos a admis que le développement de la PESC a été parfois chaotique à ses débuts, mais a connu, ces dernières années, une telle évolution qu’il est possible de parler d’une "success story" parce qu’elle est venu combler le chaînon manquant de la construction européenne, et parce qu’elle sera dotée d’une doctrine qui assurera une continuité politique qui fera avancer le continent.