Le 18 décembre, le ministre délégué aux Affaires étrangères et à l’Immigration, Nicolas Schmit, a discuté avec des élèves du Lycée classique d’Echternach sur des sujets de la construction européenne. Pendant deux heures, le ministre a répondu aux questions et inquiétudes des classes de douzième et deuxième. Le débat, dont l’objectif était d’expliquer le projet européen aux des jeunes en leur accordant la parole, a été introduit par le directeur du LCE, Henri Trauffler, et animé par Marc Glesener, journaliste au "Wort".
Pour le ministre Schmit, le projet de traité constitutionnel n’est pas encore mort. Il admet qu’il existe un certain malaise des citoyens par rapport à la construction européenne qui s’est exprimé en France et aux Pays-Bas par le "non" lors de deux référendums, et au Luxembourg à travers une forte minorité qui a dit "non". Ces voix, qui ne sont pas nécessairement des voix contre l'UE en tant que telle, doivent être écoutées. De l’autre côté, 18 Etats-membres ont approuvé le projet de Constitution et "on ne peut pas ignorer ces voix non plus".
Dans la situation actuelle, les politiques procèdent selon ce que le Premier ministre Juncker appelle le principe de "l’ambiguïté constructive". Celui-ci suppose, afin d'avancer, que l’on encourage plutôt les accords entre les parties que de mettre en exergue les désaccords. Pour Nicolas Schmit, les flottements actuels préparent malgré tout des accords qui devront être trouvés après les élections dans de grands pays de l’Union européenne qui donneront en 2007 à leurs gouvernements une nouvelle légitimité.
Dans ce contexte, le ministre a également évoqué le référendum luxembourgeois. A ses yeux, le "oui" a envoyé un message fort aux autres pays d’Europe alors que la situation était défavorable et permet aujourd’hui au Luxembourg de prendre ensemble avec l’Espagne, autre pays où le "oui" l’a emporté par voie référendaire, une initiative pour convaincre les pays qui n’ont pas encore ratifié le traité de le faire.
Une autre question des jeunes touchait à la capacité du petit Etat qu’est le Luxembourg de s’affirmer dans une Europe élargie. Nicolas Schmit a alors comparé la situation luxembourgeoise d’aujourd’hui à celle qui a prévalu dans les années 1914 jusqu’à 1939. A cette époque, l’influence du Luxembourg sur la scène internationale était quasiment nulle et le pays était peu respecté. Cette donne a définitivement changé en 1952 avec le début de la construction européenne. Le Luxembourg en tant que membre fondateur du projet européen est désormais reconnu comme un interlocuteur respectable et respecté. Aujourd’hui, le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, exerce la première présidence permanente de l’Eurogroupe. Les relations du Luxembourg avec l’Allemagne sont excellentes et le pays exerce une influence considérable auprès des nouveaux Etats membres. Ces exemples illustrent que "la petite taille du Luxembourg n’est pas un obstacle. Au contraire, c’est un réel avantage car elle permet au pays d’être plus flexible".
Une jeune participante a interrogé le ministre sur les frontières de l’Union européenne. Le ministre a répondu que la définition de l’Union européenne comme entité géographique pose problème. L’Europe géographique est un vaste territoire qui englobe des pays comme la partie occidentale de la Russie, la Moldavie, la Biélorussie, l’Ukraine. Sans oublier la Turquie dont 3 % du territoire sont situés d’un point de vue géographique en Europe. L’Union européenne par contre est une entité qui n’est pas seulement basée sur la géographie, mais surtout sur des valeurs politiques, sociales, économiques et culturelles. A savoir la démocratie, l’Etat de droit, le respect des droits fondamentaux, l’égalité entre les hommes et les femmes, la protection des minorités ainsi que le primat du gouvernement civil sur les militaires. Le dernier point constitue par exemple un des obstacles à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne car l’armée y exerce encore une trop grande influence sur le gouvernement civil, dont l’influence était encore récemment visible lors des débats sur l’ouverture des ports et aéroports aux navires et avions de la République de Chypre.
Une multitude de questions des élèves ont fait ressortir leurs préoccupations en matière d’économie, de protection sociale et d’emploi.
Nicolas Schmit a rassuré les jeunes participants en expliquant que "l’Union européenne constitue davantage une opportunité qu’un frein". Les ajustements qui ont été opérés ces dernières années sont dus à l’évolution de la scène mondiale et ne peuvent pas être imputés à l’Europe. Le nouvel environnement mondial se caractérise désormais par l’émergence de nouveaux acteurs financiers et de nouvelles puissances économiques et politiques comme la Chine et l’Inde. L’Europe doit s’adapter à ce nouveau contexte qui offre de grandes opportunités économiques. A l’heure actuelle, le Luxembourg s’adapte bien et connaît un taux de croissance supérieur à 5 %, malgré l’introduction d’une harmonisation fiscale au niveau européen.
Concernant les angoisses des élèves en matière d’emploi, Nicolas Schmit a attiré l’attention des étudiants sur le fait que le problème au Luxembourg est souvent un problème de qualification du demandeur d’emploi. Là encore, le ministre a encouragé les élèves a saisir les occasions qui leur sont offertes pour se qualifier et s’affirmer sur le grand marché européen. Il a estimé que les Luxembourgeois doivent faire preuve de plus de flexibilité et de mobilité afin de rester compétitifs dans un environnement désormais devenu mondial. Dans ce contexte, il a évoqué un apprentissage qui se poursuit tout au long de la vie du salarié.
Concernant les études à l’étranger et la mobilité estudiantine, le ministre a saisi l’occasion pour rappeler que le taux d’universitaires au Luxembourg est parmi les plus bas d’Europe. Il a encouragé les participants à entamer des études à l’étranger. A ses yeux, la mobilité des étudiants est largement encouragée au niveau européen. Le programme Erasmus, par exemple, permet aux jeunes d’effectuer une partie de leurs études à l’étranger en leur accordant une aide financière importante. Et c’est également l’Union européenne qui garantit l’accès des étudiants aux universités étrangères.
A la fin du débat les étudiants étaient invités à s’exprimer sur la question suivante. "Que changeriez-vous, si vous étiez le chef de l’Union européenne?" Certaines réponses données par les élèves concernaient l’école : "encourager les jeunes à étudier davantage, encourager les professeurs à parler davantage du projet européen". D’autres souhaitaient "faire entrer plus d’Etats-membres dans l’Union européenne." Et enfin, certaines réponses ont abordé des débats en cours au Luxembourg : "Au lieu de s’engager dans des polémiques douteuses sur la nature du drapeau luxembourgeois, les hommes politiques feraient mieux de s’attaquer aux vrais problèmes du pays."