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Traités et Affaires institutionnelles
L’Union européenne, 50 ans après, est pour Jean-Claude Juncker "une idée de paix qui est venue se poser sur le lieu Europe"
13-03-2007


Le mardi 13 mars 2007, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a fait à la Chambre des Députés une déclaration sur le 50e anniversaire de la signature des traités de Rome. "L’Europe a été une idée avant d’être un lieu", a déclaré le Premier ministre, "et il importait d’arriver à mettre une idée sur un lieu et un lieu sur une idée." C’est le rapprochement du lieu et de l’idée qui a fait l’Europe que nous connaissons aujourd’hui, avec "l’idée de paix qui est venue se poser sur le lieu Europe" que la paix avait depuis longtemps désertée au cours des derniers siècles faits de dominations, de violences qui avaient transformé l’Europe en "continent martyrisé". Il ira à Berlin, ville-symbole des divisions de l’Europe et de leur dépassement, comme à une rencontre de famille, avec ses parents plus ou moins éloignés, certain que le sens de ce rapprochement sera ressenti à l’issue de la fête.

La paix

La paix dont l’Europe jouit actuellement suscite selon le Premier ministre "l’admiration du monde entier, mais cette paix est moins évidente que l’on veuille bien le croire". Par la signature des traités de Rome et leur mise en œuvre, l’Europe a été "réassemblée, recousue et réparée ". La stabilité règne. L’Union européenne constitue le plus grand marché unique du monde. Elle a dépassé les divisions qui conduisaient les peuples européens à l’affrontement. Et ce dépassement des divisions a pu se faire grâce à une fabrication "quasi artisanale, patiente et volontaire" de cette Europe. La monnaie unique en laquelle ont fusionné 13 monnaies nationales, l’élargissement, le renforcement des souverainetés des Etats membres à travers l’action commune ont protégé économiquement et politiquement l’Europe des aléas des grandes crises internationales comme la guerre en Irak. "L’euro est la continuation d’une politique de la paix avec d’autres moyens", est la thèse du Premier ministre.

L’intégration autrement

Il faut donc continuer le processus d’intégration, mais autrement. "Il faut regarder si tout le monde veut participer de la même manière à ce processus" et éventuellement créer des noyaux avec des pays qui veulent aller plus loin dans certains domaines. La coordination des politiques économiques des Etats membres doit jouer pour Jean-Claude Juncker un rôle-clé. Dans 15 ans, les pays de l’Eurogroupe ne seront plus 13, mais 25 ! Il faut faire de l’Europe un espace de liberté pour les citoyens et de lutte contre la criminalité transfrontalière qui veut profiter de l’ouverture des frontières. La politique étrangère de l’Europe doit influer sur le développement du monde et diffuser ses valeurs. L’abolition de la peine de mort dans les pays de l’Union européenne est pour Jean-Claude Juncker un des acquis les plus importants. Finalement, l’Europe doit influencer la politique de consommation d’énergies de grands pays comme les Etats-Unis ou la Chine.

Contre les risques de la désaffection susciter de nouveaux espoirs

La distribution des bénéfices de l’économie est pour le Premier ministre actuellement une des causes de la désaffection de l’Europe de la part d’une partie de population. Il voit aussi un autre risque : "la perte de l’enthousiasme et de la foi, car nous allons trop bien", ce qui pourrait conduire à une Europe qui ne soit "plus qu’une simple zone de libre-échange, rien de plus". Le 50e anniversaire est "un moment pour afficher la fierté de ce qui a été réalisé, mais aussi un moment pour décrire les problèmes qui bloquent le projet et susciter de nouveaux espoirs".

Les interventions des députés

Lors du débat qui a suivi, Michel Wolter (CSV) a évoqué une Europe qui ne suscite plus d’enthousiasme de la nouvelle génération, une génération qui selon lui "considère les avancées de la construction européenne sont comme allant de soi." Malgré ses succès, l’Europe a connu des phases de recul dès ses débuts et a été confrontée à des crises institutionnelles. Après l’échec de la CED, qui a produit en 1954 une crise de la construction européenne, les pères fondateurs avaient malgré tout su sortir l’Europe de l’impasse. Michel Wolter a proposé de tirer des leçons du passé et de s’inspirer de ces personnes qui ont construit l’Europe. Il a plaidé pour une relance de l’Europe qui reçoit de nouvelles compétences politiques.

Pour Charles Goerens (DP), le processus d’intégration européenne "ne peut être considéré comme achevé" et il faut continuer à l'expliquer. Il a dénoncé les discours sécuritaires qui tablent sur la peur des citoyens européens. Parmi ces discours, il a identifié la critique de la libre circulation des personnes, de la globalisation et de l’élargissement de l’Union européenne. Il a également saisi l’occasion pour mettre en garde contre une montée de l’extrémisme politique dans certains pays européens où notamment les partis xénophobes et racistes rassemblent plus de voix que lors des années 20 et 30.

Pour Ben Fayot (LSAP), l’existence du Luxembourg est seulement garantie dans un contexte européen. Avec la signature des traités de Rome, le Luxembourg "est définitivement reconnu comme une entité autonome qui est écoutée et respectée par ses voisins européens". Selon Fayot, l’Europe garantit et respecte les intérêts nationaux des Etats membres et c’est l’équilibre entre les grands partis politiques qui garantit le maintien d’une économie sociale de marché basée sur le principe de solidarité entre les partenaires sociaux et les Etats. L’élargissement et les accords de Cotonou avec les pays en voie de développement témoignent, selon Fayot, de cette politique de solidarité de l’Union européenne.

François Bausch, le chef de fraction des Verts, a plaidé dans son intervention pour une augmentation du budget de l’Union européenne à qui était dévolu un nombre croissant de compétences. Il a trouvé que le débat lors de la période de réflexion après les non français et néerlandais au référendums constitutionnels n’avait pas porté de fruits et que la désaffection à l’égard de l’Union européenne était dû à un excès de libéralisme, au manque d’égards pour la cohésion sociale, au dumping fiscal et à au manque de transparence de l’Union européenne. En cas de négociation d’un nouveau traité européen, les Verts opteront pour quatre axes : pour l’intégration d’une Charte des droits fondamentaux juridiquement contraignante dans le nouveau traité ; pour des processus de décisions plus démocratiques basés sur le renforcement du rôle du Parlement européen, le recours à la majorité qualifiée et la double majorité et la création d’un ministre européen des Affaires étrangères ; pour l’exclusion du traité Euratom des traités européens et sa suspension ; pour des standards sociaux minimaux européens, y compris un éventuel salaire minimum européen.

Gaston Gibéryen (ADR) fit ensuite l’éloge des traités de Rome. Mais en même temps il critiqua une construction européenne qui s’est faite "derrière des portes fermées", dans le mépris des peuples et des parlements nationaux, ce qui était "l’intention d’un lobby qui voulait exclure les peuples et agir comme communauté de surhommes". M. Gibéryen exigea qu’un référendum soit tenu pour tout nouveau traité, que les identités nationales et culturelles soient désormais "plus respectées" et que les frontières de l’Europe soient clairement définies et que la Turquie en demeure exclue.

Le député Jaerling (indépendant) a évoqué les difficultés qu’éprouvent les jeunes à s’identifier à une Union européenne qui gagnerait à être plus transparente et plus soucieuse du bien-être des populations.