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Emploi et politique sociale
La réponse de Caritas sur le Livre Vert "Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIe siècle"
16-03-2007


D’emblée nous nous devons de féliciter la Commission d’avoir édité ce livre vert pour pouvoir discuter ouvertement de points qui jusqu’ici n’avaient pas trouvés de telle place publique. Aussi devons nous féliciter le Ministre du Travail et de l’Emploi du Luxembourg pour avoir lancé un appel à la société civile de participer à cette consultation et pour avoir promis de tenir compte de ces apports dans sa propre réponse au questionnaire soumis par la commission.

Suivent les réponses de Caritas sur certaines de ces questions soulevées.

1. Quelles seraient, selon vous, les priorités d’un programme conséquent de réforme du droit du travail ?

Dans ce genre d’approche il faut veiller à ce que les mesures soient balancées. Si une mesure apte à moderniser le droit du travail a pour conséquence une baisse de la protection et de la sécurité des travailleurs, il faut trouver en même temps une compensation, en comparaison avec l’exemple souvent cité qu’il s’agirait plutôt de garantir la sécurité d’avoir un emploi que celle de rester sur un emploi précis. Surtout parce que dans les relations employeur-travailleur c’est normalement le travailleur qui représente le maillon plus faible, il convient donc de trouver des solutions qui permettent des réglementations plus souples sans pour autant livrer le travailleur à des situations précaires.

Cette remarque introductive vaut de manière générale et sert comme grille de lecture pour toutes les questions suivantes ; elle ne sera par conséquence pas répétée à chaque reprise. .

2. L’adaptation du droit du travail et des conventions collectives peut-elle contribuer à améliorer la flexibilité et la sécurité dans l’emploi et à réduire la segmentation du marché du travail ? Si oui, comment ?

La réponse ne peut être qu’affirmative, mais l’accent est à mettre sur "flexibilité et sécurité". Trop souvent les modèles préconisés mènent certes à une plus grande flexibilité, mais ceci au prix d’une plus grande insécurité ! Une approche vraiment balancée pourrait cependant mener à une situation win-win entre employeurs et employés.

Nous voyons deux moments d’intervention :

a) avant qu’une situation d’entreprise ne se dégrade de telle façon que la seule manière de réagir soit de licencier le personnel, des mesures de formation, de soutien, d’orientation et de conseil doivent être déployés par les employeurs pour éviter les licenciements (maintient dans l’emploi). Ici c’est surtout la responsabilité de l’employeur qui doit jouer; elle peut être accompagnée de mesures étatiques (conseil, subventions directes, allégements d’impôts).

b) après que des licenciements ont eu lieu, tout doit être mis en œuvre pour éviter des crises existentielles (aussi bien sur le plan matériel qu’en ce qui concerne l’inclusion sociale) et pour réussir à réintégrer le marché du travail aussitôt que possible (en octroyant un droit à la formation pendant les périodes de chômage, en offrant des services efficaces de guidance et d’orientation, en introduisant des mesures de réinsertion et surtout en créant assez d’emplois). Ceci est surtout de la responsabilité de l’état, accompagnée de l’engagement des partenaires sociaux.

3. La réglementation existante – sous la forme de lois et/ou de conventions collectives – freine-t-elle ou stimule-t-elle les entreprises et les travailleurs dans leurs efforts pour saisir les opportunités d’accroître la productivité et s’adapter aux nouvelles technologies et aux changements liés à la concurrence internationale ? Comment la qualité de la réglementation applicable aux PME peut-elle être améliorée, tout en préservant les objectifs de celle-ci ?

Les règles existantes courent parfois le danger de rendre les changements tellement compliqués que des opportunités ne sont pas saisies. Au lieu d’adapter l’entreprise et les travailleurs à de nouvelles possibilités, aussi en utilisant les moyens de la formation, souvent on ferme tout simplement une entreprise en difficulté et on licencie les travailleurs. L’ouverture d’un nouveau business avec embauche de nouvelles personnes semble être la solution de facilité. Un maintien dans l’emploi avec aides à la reconversion pourrait être cependant la solution à rechercher. Une réglementation plus souple pourrait ici rendre de meilleurs services tout en évitant de précariser les emplois.

4. Comment faciliter le recrutement au moyen de contrats permanents et temporaires, que ce soit par la voie législative ou le biais de conventions collectives, de manière à accroître la souplesse de ces contrats tout en garantissant un niveau suffisant de sécurité dans l’emploi et de protection sociale ?

Le traitement de ces formes de contrat non traditionnelles dans la législation revêt parfois un aspect de lourdeur. Après un certain allégement le degré de sécurité restant devrait néanmoins être suffisant pour éviter de laisser exposés les travailleurs à l’arbitraire, mais il pourrait mener à une situation donnant-donnant pour toutes les parties prenantes.

5. Cela vaudrait-il la peine d’envisager de combiner un assouplissement de la législation de protection de l’emploi à un système bien conçu de soutien aux chômeurs, sous la forme de compensations pour perte de revenu (politiques passives du marché du travail) mais aussi de politiques actives du marché du travail ?

Si la perte de revenus suite à une perte de l’emploi est compensée d’une part par une allocation de chômage qui respecte le niveau de vie de la personne, si d’autre part de telles périodes de non-emploi peuvent être gardées assez courtes, un tel marché de l’emploi plus souple pourrait répondre plus aux nécessités de l’économie moderne. Les politiques actives du marché du travail devraient garantir un service performant et efficace afin de limiter à un minimum les périodes de non-activité. Ceci devrait inclure des services de conseil, orientation, guidance, formation et réinsertion

Cependant en cas de manque d’emplois mis à disposition par les employeurs il faut éviter de parler d’ "activation" et de légitimer par là les réductions de la durée et de la hauteur des revenus de compensation pour tous les chômeurs.

6. Quel pourrait être le rôle de la loi et/ou des conventions collectives négociées par les partenaires sociaux dans la promotion de l’accès à la formation et les transitions entre les différentes formes de contrats afin de soutenir la mobilité verticale tout au long d’une vie professionnelle pleinement active ?

Pas seulement en théorie, mais également en pratique la participation à des mesures de formation devrait se traduire par une plus grande sécurité de l’emploi respectivement par des possibilités accrues de promotion. Ceci pourrait inciter d’autres à suivre l’exemple couronné de succès. Le plus grand rôle revient ici à la loi, ces enjeux d’envergure globale pour l’économie sont difficilement réglables dans des conventions collectives (sectorielles).

7. Les définitions juridiques nationales du travail salarié et du travail indépendant doivent-elles être clarifiées de manière à faciliter les transitions en toute bonne foi entre le statut de salarié et celui de travailleur indépendant et inversement ?

Il faut surtout éviter de créer des emplois précaires qui sont déclarés soi-disant indépendant mais qui sont en vérité très dépendant de ceux qui les « emploient ». Et si précarité il y a, d’autres mesures compensatoires doivent balancer cet effet.

8. Est-il nécessaire de prévoir un « socle de droits » relatif aux conditions de travail de tous les travailleurs, indépendamment de la forme de leur contrat de travail ? Quelle serait, selon vous, l’incidence de ces obligations minimales sur la création d’emplois et la protection des travailleurs ?

Un tel socle pourrait alléger le fardeau de ces travailleurs soi-disant indépendants,. Cela pourrait donc permettre la création de tels emplois, autrement plutôt mal perçus (voir question 7), sans pour autant devoir mener à la précarité.

9. Pensez-vous que les responsabilités des différentes parties aux relations de travail multiples devraient être précisées, pour déterminer à qui incombe la responsabilité du respect des droits du travail ? Serait-il faisable et efficace de recourir à la responsabilité subsidiaire pour établir cette responsabilité dans le cas de sous-traitants ? Dans la négative, voyez-vous d’autres moyens permettant de garantir une protection suffisante des travailleurs parties à des relations de travail triangulaires ?

D’abord le plus important dans une telle relation triangulaire est qu’il soit clairement établi qui porte la responsabilité et que cela ne diffère pas d’un état à l’autre. Ensuite le principe de la subsidiarité pourrait en effet être une des solutions à envisager. Il aurait l’avantage de responsabiliser l’employeur recevant, direct ; il aurait évidemment le désavantage de déresponsabiliser l’employeur envoyant.

10. Est-il nécessaire de clarifier le statut des travailleurs employés par des agences de travail intérimaire ?

Oui.

11. Comment pourrait-on adapter les obligations minimales en matière d’aménagement du temps de travail afin d’offrir plus de flexibilité aux employeurs et aux travailleurs, tout en garantissant un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ? Quels devraient être les aspects de ‘aménagement du temps de travail à traiter en priorité par la Communauté ?

Certes certains assouplissements de règles trop strictes pourraient être au profit des employeurs et des travailleurs. Des règles autres que celles préconisées par la loi pourraient être conclues dans les contrats de travail, d’un commun accord. Cependant il faudrait introduire un principe de sécurité parce que le travailleur est le maillon plus faible dans les négociations avec l’employeur au sujet de son contrat. L’on pourrait par exemple s’imaginer que l’employeur utilise des contrats modèles, pour lesquels la délégation du personnel a donné son accord. Et pour chaque contrat individuel différent de ce modèle, la délégation du personnel devrait donner son accord individuellement. Là où il n’existe pas de délégation du personnel, cette fonction pourrait être assurée par un organisme extérieur à l’entreprise, p.ex. l’ITM.

12. Comment les droits du travail des travailleurs effectuant des prestations dans un contexte transnational, notamment des travailleurs frontaliers, peuvent-ils être garantis dans l’ensemble de la Communauté ? Pensez-vous qu’il est nécessaire d’améliorer la cohérence des définitions du "travailleur" contenues dans les directives européennes, de manière à garantir que ces travailleurs puissent exercer leurs droits du travail, quel que soit l’Etat membre dans lequel ils travaillent ? Ou bien estimez-vous que les Etats membres devraient garder une marge de manœuvre dans ce domaine ?

Un minimum de droits du travail communs, incluant la définition du travailleur, devraient exister au niveau de l’union pour faciliter la mobilité des travailleurs.

13. Pensez-vous qu’il soit nécessaire de renforcer la coopération administrative entre les autorités compétentes, de manière à ce qu’elles puissent contrôler plus efficacement le respect du droit du travail communautaire ? Pensez-vous que les partenaires sociaux aient un rôle à jouer dans cette coopération ?

Oui et oui !

14. Pensez-vous que d’autres initiatives soient nécessaires au niveau de l’UE en vue de soutenir l’action des Etats membres dans la lutte contre le travail non déclaré ?

Confédération Caritas Luxembourg

Luxembourg, le 14 mars 2007