En guise d’introduction à la conférence, l’historien Gilbert Trausch s’est attaché à retracer les principales étapes de la vie mouvementée de Lech Walesa : ancien ouvrier électricien des chantiers navals de Gdansk, il s’est imposé par son authenticité et son charisme personnel comme le leader du mouvement "Solidarnosc". Fondateur du premier syndicat autonome d’ouvriers dans la zone d’influence soviétique, élu président de la République lors des premières élections libres en 1990, battu en 1995 par Alexander Kwasniewski et lauréat du prix Nobel de la paix en 1983, le combat de Walesa pour les valeurs de liberté et de démocratie ont fait de lui, "un monument vivant" symbolisant la transition pacifique d’un régime autoritaire vers un régime démocratique.
Dans son intervention, Lech Walesa a mis en exergue le rôle de l’histoire qui demeure en Pologne toujours présente dans les consciences et influence les choix politiques. Située géographiquement dans une zone où la Russie et l’Allemagne se livraient pendant des siècles à leurs jeux de pouvoir, la Pologne est d’après Walesa un pays qui "a souffert plus que les autres". Les conclusions que les Polonais ont tirées de cette histoire auraient influencé la décision polonaise de soutenir l’intervention américaine en Irak. Selon Walesa, les divergences qui se sont cristallisées entre Etats membres de l’Union européenne lors de cette crise sont dues à la conception différente qu’ils ont de l’histoire. Les Polonais, en se référant à leur passé, y auraient vu "le danger d’une IIIe Guerre Mondiale". Pour mieux assurer leur sécurité, ils ont apporté leur aide aux Américains alors que les "anciens" Etats membres n’ont pas ménagé leurs critiques à l’encontre de Washington. Cet exemple illustre "que le monde est entré dans une ère nouvelle mais que les Etats membres qui composent l’Europe se réfèrent à des schémas de pensée différents". Walesa a mis en garde contre cette tendance qui se profile au sein de l’Union européenne car d’après lui "ce n’est pas le bon chemin pour faire avancer la construction européenn".
Lors de la conférence, Lech Walesa a été invité à se prononcer sur le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Pour l’ancien président de la Pologne, il n’y a pas d’obstacle à cette adhésion car le monde d’aujourd’hui ne ressemble plus à celui du passé quand les relations entre la Pologne et la Turquie étaient conflictuelles. A cette époque, les différends portaient sur des questions à la fois territoriales et religieuses : "L’homme était un loup pour l’homme et les peuples turc et polonais ont essayé de survivre."
Aujourd’hui, par contre, le monde est selon Lech Walesa, entré dans l’ère capitaliste où le consommateur occupe une place centrale. Dans ce monde nul besoin d’éliminer l’autre car lui-aussi contribue à relancer la machine économique. L’Europe doit être ouverte à autrui sans pour autant empiéter sur la sphère de ses voisins afin de promouvoir la solidarité dans le monde. Pour Walesa, la Turquie partage notre système économique et politique, "mais pas encore nos valeurs". D’où sa proposition "de promouvoir des valeurs communes pour développer ensemble la globalisation".
A la fin de son intervention, l’ancien ouvrier des chantiers navals de Gdansk a appelé les intellectuels du monde à promouvoir les valeurs de la démocratie dans le monde et à renforcer les fondements de l’Union européenne, facteurs de paix et de prospérité.