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Traités et Affaires institutionnelles
"Une Union de droit a besoin de la charte des droits fondamentaux" par Nicolas Schmit
21-06-2007


Le 21 juin 2007, date correspondant avec le début des négociations du Conseil européen à Bruxelles, un article de Nicolas Schmit, le ministre délégué aux Affaires étrangères et à l’Immigration est paru dans les colonnes du journal français "Le Figaro" :

Les 21 et 22 juin, les chefs d’Etat et de gouvernement des vingt-sept Etats membres de l’Union européenne devront prendre des décisions capitales pour l’avenir de l’Europe. Après les échecs aux referendums sur le traité constitutionnel en France et aux Pays-Bas, il est impérieux que l’Union européenne sorte de l’enlisement dans lequel elle se trouve depuis deux ans.

Un nouveau traité est nécessaire. S’il n’est à ce stade plus question de doter l’Union de 27 membres d’une Constitution, il est néanmoins indispensable d’adopter rapidement les réformes institutionnelles dont elle a absolument besoin et de consacrer les avancées dans les politiques de l’Union apportées par le traité constitutionnel.

Ces réformes ont été négociées et signées par tous les Etats membres. Elles ont été ratifiées par dix-huit d’entre eux, dont deux par referendum, l’Espagne et le Luxembourg. Il faut rendre maintenant à l’Europe la capacité d’agir plus efficacement dans les domaines qui préoccupent au premier chef les citoyens tels que l’emploi et le progrès économique et social, la sécurité intérieure et extérieure, l’environnement, l’immigration, la sécurité énergétique........

Ainsi s’agit-il de donner un sens concret à la Déclaration adoptée à Berlin, le 23 mars 2007, à l’occasion du cinquantenaire du Traité de Rome. "Nous aspirons à la paix et à la liberté, à la démocratie et à l’état de droit, au respect mutuel et à la responsabilité, à la prospérité et à la sécurité, à la tolérance et à la participation, à la justice et à la solidarité."

C’est en ce sens que l’Union européenne est avant toute autre chose une Union fondée sur des valeurs. Ces valeurs ont été consacrées par la Charte des droits fondamentaux. Cette charte, incorporé dans le traité constitutionnel proclame dans son préambule dans son Préambule, que "les peuples d’Europe, en établissant eux une union sans cesse plus étroite, ont décidé de partager un avenir pacifique fondé sur les valeurs communes."

Comment expliquer à nos opinions publiques qu’un nouveau traité affaiblirait la portée de ce message ?

Renoncer au caractère constitutionnel du futur traité ne doit en aucun cas signifier l’abandon de la Charte. Elle doit avoir sa place dans ce traité et garder son caractère juridiquement contraignant. Quel citoyen européen pourrait raisonnablement demander, qu’il ait voté pour ou contre le traité constitutionnel, une moindre protection de ses droits ? Si nous voulons réellement une Europe plus proche des citoyens, respectueuse de ses droits et de ses libertés, la Charte est indispensable.

Les droits de l’homme, les libertés fondamentales, mais aussi les droits sociaux, contribuent très largement au rayonnement de l’Europe qui les a inventés, mais aussi bafoués de la manière la plus abjecte.

La construction européenne a été dès le départ portée par la volonté de rendre le respect de ces droits irréversible. La Charte présente une définition plus précise des valeurs communes qui doivent être respectées dans une entité géographique aussi vaste que celle d’une Union à 27 membres et plus dans le futur. Elle est le critère le plus solide à partir duquel de futurs élargissements devront être évalués.

La défense des droits de l’homme dans les relations internationales est aussi un élément central de la politique extérieure commune. La crédibilité de l’Union dans ce domaine envers les pays tiers ne sortirait pas renforcée si les Etats membres décidaient d’abandonner la Charte des droits fondamentaux.Le respect des droits fondamentaux et la citoyenneté de l’Union sont étroitement liés.

C’est pour cette raison que la Charte ne peut plus être limitée à une déclaration politique sans effet juridique.

Le modèle de société européen est aussi basé sur les principes d’égalité et de solidarité. Dans un monde globalisé, les Européens veulent préserver ces valeurs inscrites dans la Charte. Car elles constituent la base de la cohésion dans nos sociétés. Ce serait rendre un mauvais service à l’Europe que de vouloir remettre en cause la portée de ces valeurs à un moment où les citoyens européens attendent précisément de l’Europe qu’elle protège mieux leurs droits, y compris leurs droits sociaux.

Quelque soit la forme du futur traité, la Charte ne doit d’aucune manière être mise à disposition. Elle reste un repère fondamental pour tous ceux qui croient à une Europe forte, rayonnante et proche des citoyens. Les craintes que la Charte devienne une sorte de voie dérobée pour étendre les compétences de l’Union sont totalement injustifiées. Les principes de proportionnalité et de solidarité sont clairement affirmés. Le champ d’application est explicitement délimité.

La construction européenne, après avoir traversé une période difficile, a besoin d’un véritable sursaut. Elle doit retrouver avant tout la confiance des citoyens gagnés par le doute. C’est en renforçant les droits et les libertés de ces citoyens qu’elle pourra y parvenir.