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Traités et Affaires institutionnelles
Un article du député socialiste Ben Fayot : "Dans quelle Europe sommes-nous?"
11-06-2007


Le député socialiste Ben Fayot, président de la commission des affaires étrangères et européennes de la Chambre des Députés et à ce titre placé à la tête de la cellule "Union européenne", a envoyé à la veille du Sommet européen des 21 et 22 juin 2007 un article à toute la presse que nous reproduisons intégralement:

Dans quelle Europe sommes-nous?

Pour le nouveau président français, l’affaire est entendue. Selon lui, deux ans après le référendum négatif du 29 mai 2005, il faut sortir du blocage "institutionnel" sur l’Europe en amendant les traités existants au cours d’une brève conférence intergouvernementale "essentiellement technique" et en procédant aux ratifications début 2008. Ainsi l’Union européenne serait enfin "stabilisée". Exit, de par la volonté du président français, le Traité constitutionnel ratifiée par 18 Etats membres et la majorité de la population de l’Union. La récompense, magnanime, de M.Sarkozy promise à ses partenaires : faire attendre le dossier turc jusqu’en décembre 2007 !

Son conseiller Alain Lamassoure qui a négocié un compromis ambitieux sur le Traité avec la présidence allemande n’y retrouve plus ses billes tant son président semble zigzaguer au gré des rencontres avec les autres grands de l’Europe.

A mesure que le Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 approche, il devient de plus en plus évident que la tâche de la présidence allemande se réduira à "satisfaire" les "ego" des grands de l’Europe : amener la France à ne plus ratifier par référendum ; caresser dans le sens du poil le Royaume Uni en larguant du lest sur le drapeau et l’hymne; traiter la Pologne comme une « grande nation » dans le vote au Conseil.

MM. Sarkozy, Brown et autres Kaczynsky n’ont-ils pas compris que les gens se moquent des institutions comme du drapeau et de l’hymne ? Pourquoi ne veulent-ils pas comprendre que la seule stabilité que nos citoyens désirent, c’est celle de leur modèle de vie, la sécurité de leur emploi, la protection face à une globalisation sauvage, et que cette stabilité, aucun pays ne peut l’atteindre seul ? Comment ne voient-ils pas que leur propre place de puissance moyenne face à la Chine, aux Etats-Unis, à la Russie, à l’Inde n’est assurée qu’à travers l’Europe et que laissés à eux seuls, ils sont aussi démunis dans le monde que le Luxembourg l’est face à la France en Europe?

Le ballet des chefs d’Etat et de gouvernement à travers l’Europe, la diplomatie à l’arrache pied pour "débloquer" l’Europe, la brusque vigueur des convictions européennes qui se révèle aux quatre coins du continent seraient plus crédibles si les chefs étaient plus cohérents chez eux et avec eux-mêmes. On n’a pas oublié que le référendum français a été perdu parce que le président de la République n’a jamais mis dans la balance son prestige alors que sa signature sous le texte engageait sa responsabilité politique, d’après la lettre et le sens de la Constitution de la Ve République. On ne comprend pas pourquoi les Britanniques ont bataillé pour obtenir tous les compromis qu’ils voulaient sur la Charte des droits fondamentaux pour la repousser ensuite chez eux. On ne comprend pas comment la Suède a signé et ratifié un traité pour le bafouer ensuite en refusant d’adhérer à l’euro.

L’Union européenne n’est pas l’Union soviétique. Chaque Etat souverain vaguement européen peut y rentrer et en sortir, peut négocier des "opt out", en avoir pour ses sous ou n’en pas vouloir. Union libre, somme toute, où chacun fait ce qu’il veut. Donc Union faible, et d’autant plus faible que chacun ne pense qu’à soi et à sa propre gloire. C’est à cette faiblesse que le Traité constitutionnel veut remédier. C’est pour cela qu’il reste important.