Le 23 octobre 2007, la Chambre des députes a organisé sur demande de la Commission des affaires étrangères et européennes une heure d’actualité sur le traité réformateur.
Quelques jours après que les 27 chefs d’Etat et de Gouvernement se sont accordés sur le nouveau cadre institutionnel de l’UE, les ministres et les députés luxembourgeois ont dressé un premier bilan nuancé du sommet informel de Lisbonne qui s’est déroulé les 18 et 19 octobre.
Le Premier ministre, Jean-Claude Juncker a ouvert les débats en déclarant : "Depuis ses origines, la construction européenne est un amalgame réussi de convictions profondes et de doutes périodiques résolus, formé grâce à la force du compromis". "Cette intersection entre convictions et doutes dominait aussi l’atmosphère lors du sommet de Lisbonne" a poursuivi le Premier ministre. Après avoir retracé les principales étapes qui ont débouché sur le traité de Lisbonne, Jean-Claude Juncker a estimé que le nouveau traité n'était pas aussi bien que le traité établissant une Constitution pour l’Europe, mais qu’il était tout de même "assez bien pour l’Europe et très bien pour le Luxembourg".
Selon Juncker, le nouveau traité reprend l’ensemble des changements institutionnels du traité constitutionnel : l’extension du champ de la majorité qualifiée qui devient la règle au Conseil des ministres, la création du poste de haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité commune et la mise en place de la présidence stable du Conseil européen.
La formule de "Ioannina", est selon Juncker une formule dont "tout le monde ignorait l’existence" et qui "ne s’apparente en aucun cas à un mécanisme de blocage". La clause de "Ioannina" permet à quelques Etats, même s’ils n’atteignent pas la minorité de blocage "de geler et non de bloquer des décisions prises à la majorité" a tenu à préciser Juncker. Les effets de cette clause sont limités parce qu’elle « ne fait pas partie du droit primaire, mais fait l’objet d’une déclaration jointe au traité, et un protocole qui précise qu’elle ne peut être modifiée qu’à l’unanimité", a expliqué Juncker.
Le Premier ministre a déploré que la Charte des droits fondamentaux ne s’applique pas à tous les Etats membres. Dans ce contexte, Juncker a déclaré que le futur gouvernement polonais envisage de ratifier la Charte des droits fondamentaux.
Pour Juncker le nouveau traité est synonyme de plus de démocratie et plus de transparence. « Il met fin à une période de crise institutionnelle, permet à l’UE de respirer et de s’attaquer aux problèmes qui se posent au niveau mondial", s’est réjoui Jean-Claude Juncker.
Ben Fayot, chef de la fraction socialiste à la Chambre de députés a exposé les raisons pour lesquelles la Commission des affaires étrangères et européennes a demandé une heure d’actualité sur le sujet du traité réformateur. Pour Fayot, il y a un besoin réel de discussion sur l’Europe. "La Chambre veut discuter avec les citoyens. On est d’accord que la Chambre doit lancer un débat "a-t-il déclaré en faisant référence aux promesses qui ont été faites après la campagne référendaire en 2005.
Fayot a dressé un bilan mitigé du nouveau traité. D’un côté, il se dit satisfait qu’un accord ait pu être trouvé. Mais, de l’autre côté, "c’est le dégrisement et une approbation rationnelle" qui prévalent sur un traité qui récupère plus de 90 % pour cent du traité constitutionnel.
Le député socialiste a énuméré les dispositions qu’il juge positives et qui sont retenues dans le traité de Lisbonne : le renforcement du principe de démocratie, la participation accrue des citoyens, la clause horizontale sur les droits sociaux, l’application de la majorité qualifiée dans la majorité des domaine de la justice et des affaires intérieures, la création d’un haut représentant pour les affaires étrangères de l’UE, l’extension du champ de la décision à la majorité qualifiée, l’extension de la procédure de codécision, l’augmentation des pouvoirs des Parlementa nationaux et la création d’un président stable du Conseil. Fayot salue la création d’un tel poste à condition que la personne élue soit un Européen convaincu et qu’elle veille à un équilibre entre les instances communautaires.
Fayot a critiqué que la Charte des droits fondamentaux ne s’applique pas au Royaume-Uni et a déploré que "cette charte n’obtient pas le même statut juridique que celui dont bénéficie le marché intérieur". "Pourtant, c’est précisément ce code de valeurs communes qui unit les Etats membres et qui permet qu’on fait aujourd’hui partie de l’Union européenne", a regretté Ben Fayot. Le chef de la fraction socialiste à la chambre de députés a également déploré que les symboles aient été bannis du traité.
Finalement, Fayot considère que le traité constitue une "régression". Non pas parce que les prérogatives de la Chambre ont été renforcées, mais parce que les parlements nationaux ont été exclus de la Conférence intergouvernementale". Fayot estime qu’il n’est pas nécessaire de ratifier le nouveau traité par voie référendaire, vu que le traité de Lisbonne qui relaie le traité constitutionnel, qui n’a pas pu entrer en vigueur, "amende des traités qui existent déjà".
Pour Laurent Mosar du CSV, l’Union européenne à été bloquée trop souvent par des pays qui ne veulent pas avancer à la même vitesse. "Une telle Europe, constitue un obstacle pour elle-même et ne saura prendre une influence sur les affaires mondiales" a ajouté Mosar. En intégrant l’UE, même des pays à taille réduite peuvent exercer une influence sur les relations internationales. "Si cette déclaration est vraie, pourquoi l’Europe a-t-elle eu besoin de six ans pour avancer", s’est interrogé Mosar.
Mosar a regretté que les symboles européens tels que l’hymne et le drapeau européens ne soient pas mentionnés dans le traité, que les citoyens britanniques ne bénéficient pas des mêmes droits que le reste de l’Europe.
Mosar s’est également montré préoccupé par l’impact du nouveau traité sur l’acquis communautaire des opt-in et opt-out obtenu par les Britanniques, mais se dit rassuré par une déclaration annexée au traité et obtenue par le Luxembourg qui permettra d’empêcher des "distorsions de concurrence".
Malgré tout, Mosar a estimé que c’est un bon traité parce qu’il préserve l’essentiel des dispositions du traité constitutionnel. Mosar a salué le renforcement du pouvoir des parlements nationaux et le mécanisme qui facilite les coopérations renforcées entre plusieurs Etats membres désireux d’aller de l’avant dans certains domaines.
Le CSV s’attend à des moments très durs pendant la période de ratification. Le chrétiens -sociaux espèrent que les procédures de ratification commencent le plus rapidement possible dans tous les Etats membres et qu’elles seront clôturées en 2008. Finalement, Mosar a réitéré la position de son parti : "Nous estimons que le traité apporte plus de modernité, plus de flexibilité à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE. Notre enthousiasme est tempéré, car nous avons dû faire certaines concessions pour aboutir à un compromis. L’essentiel est que le traité permette à l’UE d’affronter les défis du futur".
Charles Goerens, du DP, a pointé du doigt l’illisibilité du nouveau traité européen qui se compose d’une multitude de protocoles et de déclarations, et a critiqué vivement l’attitude de certains pays européens. Il a qualifié les revendications polonaises, celle des Autrichiens en faveur des quotas d’admission à leur faculté de médecine ou celles italienne sur la nouvelle répartition des sièges au Parlement européen de "mesquines et bornées". "C’est problématique que la Charte des droits fondamentaux ne s’applique pas aux Britanniques" a-t-il également ajouté.
Il a déploré que le drapeau et l’hymne européens soient bannis du traité. Evoquant tous les débats et auditions publiques qui ont eu lieus à la chambre sur l’Europe depuis 2005, il a lancé : "S’il y a toujours un besoin d’information de la part des citoyens, c’est que les dirigeants politiques ont échoué" .
Félix Braz, des Verts, s’est interrogé sur les sentiments que le nouveau traité suscite.
"Est-ce que c’est la colère ou la joie qui prévaut" s’est demandé Braz. "Si on considère qu’une période de six ans et une crise institutionnelle ont été nécessaires pour s’accorder sur le contenu du traité, alors c’est la joie qui domine. Par contre, si on compare le même traité au traité constitutionnel, alors c’est la colère qui s’installe".
Selon Braz, le nouveau traité est porteur d’espoir car il enracine les valeurs démocratiques, favorise la participation active des citoyens, et apporte des avancées dans le domaine écologique." La politique européenne se voit renforcée. Même si la substance du texte est préservée, le texte a perdu de son âme" a jugé Braz. Pour la grande majorité des citoyens, le texte est illisible. Selon Braz, il ne favorisera en aucun cas la compréhension des citoyens sur l’Europe.
Pour Félix Braz, le traité a changé, mais les défis à affronter restent les mêmes. Dès à présent, l’Europe doit promouvoir des politiques innovantes dans des domaines porteurs et se mettre d’accord sur une politique énergétique cohérente.
Finalement, il a estimé que les élus n’ont rien appris des erreurs du passé. Ils ont dit vouloir discuter avec les citoyens sur l’Europe, mais ils ne s’accordent toujours pas sur des listes séparées pour les élections nationales et européennes.
Les députes Jacques-Yves Henckes de l’ADR et Aly Jaerling, indépendant se sont exprimés en faveur d’un référendum sur le traité au Luxembourg et ont estimé que la ratification du nouveau traité européen par voie parlementaire était "peu démocratique".
A la fin des débats, la Chambre des députés s'est prononcée, à une écrasante majorité, en faveur d'une ratification du traité par voie parlementaire.