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Emploi et politique sociale
Conférence de Caritas sur l’avenir du modèle social européen
21-11-2007


François Biltgen, Roshan Di PuppoLe 20 novembre 2007, François Biltgen le ministre de l’Emploi et du Travail, et Roshan Di Puppo, directrice de la Plateforme sociale à Bruxelles ont livré leurs réflexions sur le modèle social européen. La conférence qui a été organisée dans le cadre du 75ème anniversaire de la Fondation Caritas a rassemblé deux intervenants dont l’approche était fort différente mais qui partageaient la vision d’une Europe basée sur la solidarité.

L’évolution du modèle social européen

"Où va le modèle social européen ?". Pour répondre à cette question, le ministre Biltgen a d’abord retracé les principales étapes de l’Europe sociale. Dans son intervention, il a expliqué que l’invocation d’un modèle social européen est assez récente. Même si le traité de Rome incluait une dimension sociale, l’apparition d’une véritable discussion sur le modèle social se situe, selon le ministre, dans les années 1975.

Dans l’histoire européenne, le traité d’Amsterdam marque, selon Biltgen une rupture importante. "Jusqu’en 1997, l’objectif poursuivi par les Etats membres était de définir des socles sociaux communs", a dit le ministre. "Mais avec le traité d’Amsterdam, il ne s’agit plus pour l’Europe de définir des droits minima sociaux mais de favoriser une convergence vers des objectifs communs", a-t-il précisé.

Selon Roshan Di Puppo, qui a représenté la Plateforme sociale, organe qui regroupe une quarantaine d’organisations européennes actives dans le domaine social, l’Europe a dû faire face à des changements majeurs, mais, les objectifs sont restés les mêmes : la défense des droits fondamentaux, la solidarité, la démocratie participative, la responsabilité et la durabilité.

Définition du modèle social européen

Selon François Biltgen, plusieurs modèles sociaux coexistent en Europe qui se basent sur 3 principes fondamentaux : la solidarité, le dialogue social et la primauté du travail sur l’emploi. Selon Biltgen, la notion du "travail" n’est pas à confondre avec la notion "emploi". Alors que le terme "emploi" fait référence à une notion strictement économique, la notion de "travail" est une notion humaine qui peut être traduite par l’expression allemande empruntée à Franz Müntefering : "Die gute Arbeit". Selon François Biltgen, ce sont ces valeurs qui distinguent l’Europe des Etats-Unis.

De même, Roshan Di Puppo a estimé "qu’il est dangereux de parler d’un seul modèle social européen".

Etat du modèle social européen ?

"Quel est l’état actuel du modèle social européen ?". Selon Rohan Di Puppo, l’Europe a des difficultés pour légiférer en matière sociale. D’où son incapacité à relever les défis de demain: la solidarité, l’impact de la mondialisation, l’immigration, la santé, diversité, la société multi-âge, la diversité des familles et la mobilisation citoyenne. Le principal problème réside, selon elle, dans l’architecture décisionnelle de l’UE qui accorde une place centrale à la Commission européenne. Les propositions de la Commission européenne présentent le plus souvent un déséquilibre entre la dimension économique et sociale. L’explication de ce phénomène réside selon Di Puppo dans l’incapacité de la Direction générale de la Commission des Affaires Sociales à faire valoir son point de vue contre la prédominance du libéralisme à tout crin au sein de la Commission.

Di Puppo a également pointé du doigt l’absence de mécanismes démocratiques et d’évaluation des décisions européennes. "Si le Conseil des ministres prend telle ou telle décision, est-ce que les citoyens ont la possibilité de réagir ? Comment peut-on mesurer l’impact d’une proposition et voir si elle contribue effectivement au renforcement des acquis sociaux ?". Autant de questions qui selon Di Puppo restent sans réponse.

Le ministre Biltgen a répondu à ces propos en soulignant que le Parlement européen a son mot à dire dans le processus décisionnel de l’UE. Quant à la participation démocratique évoquée par Di Puppo, François Biltgen a estimé qu’il faut également une participation et un intérêt de la société civile. "Les salles sont très vides et les réflexions qui sont engagées au cours de ces conférences sont rarement relayées dans les colonnes de la presse nationale. Apparemment, il s’agit d’un sujet qui n’intéresse plus l’opinion publique", a-t-il regretté en ajoutant : "si on veut changer les choses, alors la société civile doit se mobiliser".

François Biltgen a saisi l’occasion pour rectifier certaines idées reçues sur le modèle social européen. Selon Biltgen, la discussion relève plutôt d’une approche culturelle que d’une approche politique. Pour rendre cette idée plus tangible, il a cité l’existence de deux modèles de référence en Europe : le modèle anglo-saxon dont s’inspirent les pays d’Europe centrale et orientale et le modèle français qui privilégie la défense des acquis sociaux. Dans ce contexte, il a également relevé le malentendu qui peut exister avec les nouveaux Etats membres lorsqu’on parle de philosophie sociale. "Les nouveaux Etats membres assimilent automatiquement le mot "social" au "socialisme", a expliqué Biltgen.

Le ministre a regretté que la stratégie de Lisbonne soit souvent résumée à un objectif de croissance et d’emploi alors qu’elle poursuit un objectif de cohésion sociale.

Conclusions

"Est-ce que le modèle social européen est en crise ?" Oui et non, répond le ministre Biltgen avec optimisme : "L’Europe sociale avance lentement, mais il y a deux lueurs d’espoirs". Le redressement des nouveaux Etats membres ira de pair avec un renforcement du modèle social européen et la clause horizontale qui est incluse dans le traité de Lisbonne offre de nouvelles garanties aux Etats membres. Le ministre du Travail est convaincu de l’efficacité de ce nouvel instrument juridique : "Si cette clause avait déjà existé à l’époque, alors le Parlement européen aurait pu s’adresser à la CJCE pour contrer la directive" services"".

Roshan Di Puppo, était d’accord avec François Biltgen pour dire que le traité de Lisbonne apporte des avancées importantes en matière sociale (le protocole sur les services d’intérêt général, la clause sociale transversale, la participation citoyenne, le renforcement du rôle des Parlements et l’extension du vote à la majorité qualifiée), mais a estimé que l’application de ces mesures s’avère parfois difficile dans la réalité.

Pour renforcer le dialogue social européen, Roshan Di Puppo, s’est exprimée en faveur d’une croissance qui soit respectueuse des objectifs sociaux et d’un fonctionnement plus démocratique des institutions de l’UE. "Les objectifs de l’UE ne sont pas clairs. Il faut clarifier le projet politique européen et le modèle social européen", a-t-elle exigé.

Durant tout le débat qui a permis d’opposer deux approches différentes mais complémentaires, il ne fallait pas oublier, comme l’a rappelé François Biltgen, que les matières sociales sont soumises au principe de subsidiarité et qu’il "ne faut pas donner la faute à l’Europe si on ne défend pas les acquis sociaux dans son propre pays".