Le 27 novembre 2007, deux ans et demi après l’adoption de la Déclaration de Paris, Jean-Louis Schiltz, ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire, et Christiane Overkamp, secrétaire générale de la Coopération Internationale pour le Développement et de la Solidarité (CIDSE), une alliance qui regroupe 15 organisations catholiques de l’Europe et de l’Amérique du Nord œuvrant pour le développement, ont dressé un état des lieux de l’aide internationale au développement lors d’une conférence-débat organisée dans le cadre du 75ème anniversaire de la Confédération Caritas.
Dans la Déclaration de Paris qui a été entérinée en 2005, les gouvernements de 90 pays et les responsables d’organisations de la société civile se sont engagés à renforcer les mécanismes de l’aide au développement. Pour atteindre cet objectif, l’accord international a défini un plan d’action qui vise à améliorer l’efficacité de l’aide octroyée et à renforcer la transparence des ressources en faveur du développement.
La Déclaration de Paris s’inscrit parmi les efforts clés menés à l’échelle mondiale pour faire en sorte que les ressources affectées au développement soient utilisées d’une manière plus efficace. Mais aujourd’hui, deux ans et demi plus tard, qu’en est-il des promesses que les gouvernements ont fait par réduire la pauvreté ?
Le ministre Schiltz et Christiane Overkamp ont regretté que la Déclaration de Paris ne fasse pas la Une des journaux. Elle devrait pourtant dominer l’actualité internationale "car beaucoup de gouvernements n’ont pas tenu leurs promesses relatives à l’aide", a estimé Jean-Louis Schiltz.
Pour les deux intervenants, la non-adhésion de la Chine à la Déclaration de Paris pose problème. Selon Schitz, l’absence de la Chine, qui est fortement engagée sur le continent africain, devrait être abordée dans le cadre d’un dialogue entre les Etats-Unis, la Chine et l’Union européenne, dont les Etats membres se sont engagé en mai 2005 pour investir collectivement jusqu’à 0,56 %du PIB de l’Union européenne à l’horizon 2010 dans l’aide publique au développement. Christiane Overkamp, de son côté a pointé l’absence des grands fonds internationaux sur la liste des signataires et a souligné, comme Schiltz, que les organisations non gouvernementales ne sont pas liées par cet accord au niveau international.
Christiane Overkamp, s’est interrogée sur les avancées de la Déclaration de Paris. Elle a relevé l’importance des 56 engagements qui ont été énoncés dans la Déclaration de Paris et qui s’articulent autour de 5 grands principes : appropriation, alignement de l’aide, harmonisation de l’aide, gestion axée sur les résultats et responsabilité mutuelle des donneurs et des bénéficiaires. Ces engagements constituent, selon elle "la clé de voûte pour assurer tout succès futur".
Les ONG accueillent favorablement la Déclaration de Paris parce qu’elle énonce pour la première fois les déficits qui existent dans le domaine de l’aide au développement : un manque de coordination et des politiques qui sont guidées par les intérêts économiques et les alliances géopolitiques des pays signataires.
Pour Christiane Overkamp "le caractère trop technique" et la mise en cause de la souveraineté nationale de certains pays par les grandes institutions internationales comme la Banque Mondiale et le FMI, posent problèmes. Le ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire s’est exprimé, quant à lui, pour une approche plus différenciée envers la Banque Mondiale. "La Banque Mondiale ne fait pas seulement de bonnes choses, mais il est également faux de dire que tout est mauvais". Pour illustrer ses propos, il a cité l’exemple du Vietnam, un pays qui connaît un développement économique important grâce au programme budgétaire qui est piloté par la Banque Mondiale. Selon Schiltz, il faut également reconnaître le crédit dont bénéficie le nouveau président de la Banque Mondiale, Robert Zoellick, et mesurer l’institution par rapport à son rôle dans la mise en œuvre du rapport sur l’agriculture.
Selon Overkamp, les relations de partenariat se caractérisent trop souvent par la dissymétrie entre donneurs et bénéficiaires et sont guidées par des intérêts nationaux. Schiltz a estimé dans ce contexte qu’il faut d’abord écouter, pour identifier ensuite les besoins des populations et voir où on peut apporter de la plus-value.
Définir des priorités ne fait sens que si donneurs et bénéficiaires partagent une vision commune. "Est-ce que nos perspectives sont identiques à celles des pays en voie de développement ? Et qui définit ces priorités ?", s’est interrogée Overkamp.
Overkamp et Schiltz ont souligné la nécessité d’impliquer davantage la société civile et d’accorder plus de confiance au pouvoir local. "Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir local", a dit Overkamp. Selon elle, le principe de subsidiarité et de participation exige que les personnes qui vivent dans la misère puissent faire entendre leur voix.
Overkamp ne remet pas en question l’utilité et la nécessité des stratégies nationales de développement, mais a souligné le besoin de s’interroger sur la manière dont celles-ci sont élaborées.
Jean-Louis Schiltz a estimé que la Déclaration de Paris aurait pu aller beaucoup plus loin et fixer des objectifs plus concrets. "Malgré les avancées notables notamment en matière de coopération, des progrès supplémentaires doivent être consentis", a estimé Schiltz.
Deux ans et demi après la signature de cette Déclaration historique, force est de constater, selon Overkamp que la déclaration de Paris a engendré des avancées notables. Overkamp s’inscrit pourtant en faux contre les discours qui présentent la Déclaration de Paris comme "le véritable instrument" pour l’aide au développement alors que ce "n’est qu’un instrument parmi d’autres".
La conférence a rassemblé deux orateurs qui représentaient deux visions du monde antagonistes : celle des ONG et celle des pays signataires. La différence entre ces deux approches a été exposée, au cours de la conférence, par Jean-Louis Schiltz. " L’expression "coopération politique" comporte le mot politique. Ce mot suppose que les gouvernements dans leurs décisions, doivent prendre en compte des éléments qui n’entrent pas dans la mire des ONG." Dans le contexte de l’aide au développement de l’Afrique, le ministre Schiltz a également déclaré qu’il attendait beaucoup du Sommet Europe-Afrique qui se tiendra les 7, 8 et 9 décembre 2007 à Lisbonne.