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Politique étrangère et de défense
"Désirs d’Europe" : Avi Primor a parlé des relations difficiles entre l’Union européenne et Israël
21-11-2007


Avi Primor, universitaire et ancien ambassadeur israélien au Luxembourg de 1987 à 1991, et surtout ambassadeur israélien très remarqué en Allemagne au cours des années 90, a donné le 20 novembre 2007 au CCR Neumünster une conférence sur les relations complexes entre Israël, le Proche Orient et l’Union européenne dans le cadre du cycle de conférences "Désirs d’Europe" organisé par l’hebdomadaire Le Jeudi.

L’Europe vue d’Israël

Pour le jeune Israélien moyen, qui a appris l’histoire de l’Europe à l’école, l’Europe est un continent plus que problématique, a expliqué Avi Primor. En effet, si selon cette histoire la majorité du peuple juif a vécu en Europe à partir du 1er siècle après J.C., cette histoire a surtout été marquée par les persécutions, les violences, les humiliations, les massacres, les pogroms et finalement la Shoa, et est donc avant tout perçue comme un temps de souffrance. 2On est lié à ce continent, mais en même temps, c’est le continent qui a le plus pourchassé les juifs, a affirmé Primor.

Lorsque l’Etat d’Israël est créé en 1947, il a d’emblée, après la guerre, une relation ambiguë avec l’Europe. La première puissance européenne à aider Israël est l’Union soviétique, souligne Avi Primor, non sans ironie. Pendant 3 ans, Staline croit pouvoir attirer le nouvel Etat dans son giron. Trois ans après, l’URSS tourne casaque et va vers les nouveaux Etats arabes qu’elle estime être "des proies plus faciles".

La deuxième aide vient de la France, alors qu’elle est en guerre en Algérie. La France est la seule puissance européenne occidentale qui a les moyens d’équiper l’armée israélienne et avec laquelle Israël peut avoir des relations "normales", l’Espagne étant une dictature fasciste, l’Italie et l’Allemagne des partenaires impossibles et en reconstruction, et le Royaume Uni un ancien ennemi. Le revirement vient en 1967 avec la guerre des Six Jours, lorsque De Gaulle réoriente la politique mondiale de la France, fait un pas vers le monde arabe, et décrète un embargo sur les armes. De nouveau, les Israéliens se sentent trahis par les Européens, peu fiables, voire des ennemis d’Israël. Telle est du moins la perception populaire.

Ce n’est qu’à ce moment-là que les USA entrent vraiment dans le jeu, puisque pour eux, Israël pourrait être un atout stratégique.

A partir de 1967, les Européens mènent pour nombre d’Israéliens une politique hostile à leur Etat. Avi Primor cite la Déclaration de Venise adoptée lors du Conseil européen de juin 1980, et dans laquelle l’ancienne Communauté européenne, tout en s’engageant pour la sécurité, la reconnaissance et le droit à l’existence d’Israël, revendique également une reconnaissance de l’OLP, des négociations avec les palestiniens et la création à terme d’un Etat palestinien. "Aujourd’hui, tout le monde dit cela en Israël, mais en 1980, ça posait problème", dit Avi Primor.

Les lointains USA premier partenaire stratégique, la toute proche Union européenne premier partenaire économique

"Maintenant, avec le temps, il a fallu reconnaître que l’Europe devenait de plus en plus importante", continue Avi Primor, qui raconte comment Israël fut parmi les 3 pays qui ont été les premiers à reconnaître la Communauté européenne après le traité de Rome, avec les USA et la Grèce, qui par ce geste annonçait son désir de faire partie du club. Même si les Israéliens n’en sont pas conscients, l’Union européenne est leur premier partenaire commercial et importe pour 7 milliards d’euros de produits européens. Israël a signé des accords de coopération économique et commerciale et fait partie de la communauté de recherche de l’Union européenne, ce qui a boosté la recherche israélienne. Avec l’adhésion de Chypre, l’Union européenne se trouve à 250 km de ses frontières. L’Europe est une donnée géopolitique immuable, alors que la relation avec les USA est basée selon Avi Primor sur le seul intérêt, provisoire par définition, et qu’il y a plus de 10 000 km entre les deux pays.

L’Europe : "grand de ce monde" et nouvel allié pour Israël ?

La donne actuelle pour Israël est pour le diplomate et universitaire Primor la suivante : la sécurité, la paix avec les Arabes, évoluer dans la région tout en sachant que l’on ne fera jamais vraiment partie de la famille proche-orientale dont on ne partage ni la langue, ni les émotions, ni l’histoire, se trouver un allié parmi les "grands de ce monde" parce qu’on est "petit et fragile". Dans ce contexte, la "seule chance pour Israël est l’Europe". L’on était déjà près d’arriver à obtenir un statut privilégié proche de celui des pays de l’AELE qui profitent des quatre libertés communautaires de la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services sur une base de réciprocité. L’assassinat du Premier ministre Rabin en novembre 1995 a jeté par terre tous ces espoirs.

Aujourd’hui, il s’agit pour Avi Primor de créer au Proche Orient des intérêts communs. Les accords de pays ne font pas la paix, mais la facilitent. Les intérêts communs en sont la base et la soudent. Le plus grand besoin commun régional est l’eau. "Pourquoi ne pas produire de l’eau tous ensemble ? Ou vendre du tourisme régional ? Ou créer un TGV du proche Orient ?", demande Primor. "Les grands investissements ne seront rentables que si nous nous y mettons tous, et les Européens pourraient être les bailleurs de fonds les plus intéressés."

Faisant le point sur les questions immédiates, dont le sommet d’Annapolis, Avi Primor a fait état de son scepticisme. Il ne voit pas comment Israéliens et Palestiniens pourraient élaborer en un si court laps de temps des conclusions applicables sur le terrain. Les opinions publiques des deux peuples sont en faveur de la paix, mais "personne ne peut garantir la sécurité." Dans les années 70, l’opinion publique israélienne avait bien obligé le Premier ministre de l’époque, Menahem Begin, à faire la paix avec le président égyptien Sadate, mais c’est parce que Sadate pouvait imposer ces accords chez lui aussi. Il en fut de même avec le roi Hussein de Jordanie en 1994. "Mais le président palestinien Mahmoud Abbas ne peut rien garantir, même pas sa propre sécurité." Si rien ne se passe, les électeurs israéliens porteront selon Primor la droite au gouvernement et la droite fera la guerre.

Une seule puissance peut selon lui résoudre cela : l’Union européenne, car elle peut donner des garanties à toutes les parties et en recevoir. Le meilleur chemin serait la constitution d’une troupe internationale avec la participation "de troupes musulmanes comme par xemple des unités turques" sous la direction de l’Union européenne qui remplacerait Israël dans les territoires palestiniens pour en assurer la sécurité dans les deux directions. Cela ne pourrait pas se faire sans le soutien des USA et Tony Blair, l’actuel envoyé spécial du Quartette, pourrait faciliter les choses. Mais cela exigerait "une volonté politique et un courage que les Européens n’ont pas actuellement." Dans le débat il ajoutera que comme est vrai que les armées européennes sont actuellement engagées sur de nombreux terrains, il faudra, pour dégager des ressources, "changer les priorités".

Antisémitisme, nouvel antisémitisme et critique de la politique israélienne en Europe

Au cours du débat, il fut question de l’antisémitisme en Union européenne. Pour Avi Primor, il y a le nouvel antisémitisme musulman en Europe, qui est importé des pays arabes et qui est stimulé par les événements au Proche Orient. De l’autre côté il y a également les critiques qui sont adressées à la politique d’Israël. Ces critiques ne sont selon lui pas nécessairement antisémites voire anti-israéliennes. L’antisémitisme européen est par contre pour Primor en train de régresser : "Le juif est normalement accepté dans la société européenne."