Raymond Weber, chef d’unité "perspectives de développement à moyen et à long terme" à l’OCDE, a présenté le 18 décembre 2007 au Forum Europe, un cycle de conférences organisé dans le cadre du master en Histoire européenne contemporaine à l’Université de Luxembourg, un exposé sur le sujet "Vers une politique culturelle européenne ? Bilan et perspectives"..
Trois textes fondateurs sont pour Raymond Weber à l’origine de la politique culturelle en Europe :
Ni le Traité de Rome de 1957 ni l’Acte unique de 1985 ne créent de base juridique pour une action culturelle de la Communauté européenne. Weber avance trois raisons primordiales :
Ceci dit, la Communauté européenne passe au début des années 70 à une politique culturelle indirecte. Dans un mémorandum initié par Altiero Spinelli, membre de la Commission européenne en charge de la politique industrielle et de la recherche de 1970 à 1976, on explore les manières d’appliquer les traités européens à la condition des artistes et des travailleurs culturels. Le premier budget culturel remonte à 1976 et s’élève à 25 000 ECUS, l’unité monétaire européenne comptable de l’époque. En 1982, un document sur le renforcement de l’action communautaire dans le secteur culturel, à peine discuté au Conseil, mais soutenu par le Parlement européen, ébauche une structuration de l’action dans le secteur culturel. La première réunion des ministres de la Culture a lieu en 1984.
Quelques initiatives prennent corps qui durent jusqu’à nos jours: l’Orchestre des jeunes de l’Union européenne, les capitales de la culture, la Journée de la Musique. La création d’une Fondation européenne par contre échoue.
C'est seulement en 1991, avec le traité de Maastricht et son article 151, qu'une place est officiellement donnée à la culture dans la construction européenne. L'Union européenne doit contribuer à "l'épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun".
Pour réaliser un véritable espace culturel européen, l'Union est appelée à encourager la coopération entre les États membres et, si nécessaire, à appuyer et à compléter leur action en matière de :
La culture tombe sous le coup de la subsidiarité. Une harmonisation n’est pas envisageable. Le processus de décision est lourd. Le Comité des régions est consulté, le Conseil doit statuer à l’unanimité et le Parlement européen co-décide.
La Commission soutiendra à partir de ce moment, et pendant dix ans, la coopération culturelle par le biais de trois programmes sectoriels à caractère expérimental :
En 2000, avec le programme-cadre "Culture 2000", la Commission adopte une nouvelle approche pour son action culturelle. Elle vise à mettre en place un espace culturel commun en promouvant le dialogue culturel, la création, la diffusion de la culture et la mobilité des artistes et de leurs œuvres, le patrimoine culturel européen, les nouvelles formes d'expression culturelles ainsi que le rôle socio-économique de la culture. Le budget passe à 67 millions d’euros annuels sur cinq ans.
En 2007, le programme "Culture" a succédé au programme-cadre "Culture 2000". Le nouveau programme couvre la période 2007-2013. Il reprend les objectifs du programme-cadre "Culture 2000" mais vise également la collecte et la diffusion d’informations dans le domaine culturel.
Dans la foulée de l’adoption de la Convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle la dimension interculturelle et l’accès à la culture sont mis en avant par une Union européenne qui adhère à cette Convention.
Les travaux autour de la stratégie de Lisbonne permettent de mettre en lumière la dimension économique de la culture. Les secteurs culturel et créatif – télévision, cinéma, musique, arts du spectacle, divertissement, etc. – ont généré en 2003 dans l'UE un chiffre d'affaires de 654 milliards d'euros (soit 2,6% du PIB de l'Union). Son potentiel de développement est 12,3 fois plus élevé que celui d’autres secteurs et occupe plus de 2 millions de personnes.
La "Communication relative à un agenda européen de la culture à l’ère de la mondialisation" de mai 2007, qui tient compte de cet aspect des choses, poursuit trois principaux objectifs:
Pour Raymond Weber, l’Agenda européen de la culture a créé une nouvelle impulsion. Preuve en est pour lui l’expression du président de la Commission européenne Barroso que "la culture est vitale pour l’Europe." La Convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle est en train de devenir une sorte de charte pour la coopération culturelle. Pour l’Europe s’ouvre une période, où du cœur de sa culture, pourraient partir des "transversalités offensives", un sorte de rencontre et d’inclusion d’éléments d’autres cultures.
Il faut en même temps parer à l’instrumentalisation de la culture par l’action, la vigilance et la cohérence de l’action culturelle avec les valeurs de l’Europe. Pour Weber, "l’indiscipline et l’interrogation sont l’essence de la création". D’où la nécessité d’un forum culturel européen qui ait lieu dans l’espace public, d’où aussi la nécessité d’aller vers des sortes de coopérations renforcées dans le domaine culturel au moyen de la méthode ouverte de coordination, et de pratiquer une grande ouverture aux autres cultures. "La culture dans l’Union européenne ne peut pas seulement être une culture de l’Union européenne. Dans le domaine de la culture, on ne peut pas créer une sorte d’Espace Schengen", a conclu Raymond Weber.